Retraites : sans surprise, le patronat n’a rien cédé au conclave

Medef, retraites

Stéphane Ortega

Malgré une ultime réunion entre syndicats et patronat ce lundi, aucun accord n’a pu être trouvé pour une amélioration, même modeste, de la réforme des retraites de 2023. Ni l’intervention de François Bayrou ce mardi matin ni les rencontres programmées tout au long de la journée à Matignon ne devraient inverser la tendance.

Lundi, en début d’après-midi, tout indiquait qu’il n’y aurait pas d’accord entre patronat et syndicats. Après avoir laissé planer le doute sur sa participation à cette ultime réunion afin de parvenir à un compromis, le Medef, accompagné de la CPME, choisissait la provocation.

Hier, l’enjeu était clair : valider ou amender le texte de synthèse rédigé par Jean-Jacques Marette, l’ex-directeur général de l’Agirc-Arrco (le régime de retraite complémentaire des salariés du privé), missionné par Matignon pour conduire les concertations. À la place, Patrick Martin (Medef) et Amir Reza-Tofighi (CPME, confédération des petites et moyennes entreprises) organisaient une conférence de presse sur le trottoir du ministère des Affaires sociales. Une demi-heure avant la séance, ils annonçaient ce qu’ils présentaient comme de nouvelles propositions. En réalité, simplement leurs positions, déjà rejetées par des organisations de salariés pourtant conciliantes. Huit heures et deux interruptions de séance plus tard, Yvan Ricordeau, le négociateur de la CFDT, annonçait l’échec de quatre mois et demi de discussions.

Des exigences revues à la baisse

Pourtant, les trois organisations de salariés (CFDT, CFE-CGC et CFTC), qui n’avaient pas claqué la porte du « conclave », avaient fortement réduit leurs attentes dans cette concertation que François Bayrou avait trompeusement présenté « sans tabou ni totem ». Finie la remise en question d’un âge légal de départ à la retraite à 64 ans, pourtant en tête de la liste des objectifs de la CFDT. Fin janvier, Marylise Léon, sa secrétaire générale présentait à la presse ses priorités avant le début des discussions. Au nombre de trois, la première était d’obtenir « un bougé sur l’âge légal ». Venaient ensuite « la reconnaissance de la pénibilité de certains métiers » pour un départ anticipé, ainsi que « réparer l’injustice faite aux femmes par le report de l’âge légal ».

Mais dès la veille de la première des 18 réunions du « conclave », l’objectif de départ de ne pas dégrader l’équilibre du régime des retraites avait été transformé par François Bayrou en : « retrouver l’équilibre financier en 2030 ». Soit faire 6 milliards d’économies.

Nouvelle concession des syndicats restés autour de la table : l’essentiel de l’effort sera porté par les retraités. Le compromis sur la table hier prévoyait en effet une participation des retraités sous forme de CSG et de pensions sous-indexées sur l’inflation en 2026 et 2027. À l’exception des plus basses. Une deuxième couleuvre à avaler, après celle du maintien de l’âge légal à 64 ans. Et pour la CFDT, comme pour la CFE-CGC et la CFTC, l’obligation d’obtenir quelques contreparties, fortes en symbole, en échange.

Le patronat en position de force

Mais côté patronal, le Medef n’a rien lâché de substantiel. Ni sur la pénibilité ni sur les retraites des femmes. Pas plus que sur le financement du régime des retraites. Et pour cause. Au fil des mois, celui-ci est passé d’une situation inconfortable, lorsque François Bayrou annonçait un conclave, puis un passage devant les députés dans une Assemblée nationale incertaine, à une position de force.

Le cadrage financier du Premier ministre à l’ouverture du « conclave », puis ses déclarations en mars qui expliquait qu’il n’y aurait pas de retour à 62 ans, ont en effet donné les coudées franches au Medef pour rester inflexible. Enfin, les déclarations de François Bayrou laissant entendre qu’il n’y aurait pas de passage par la case Assemblée nationale en l’absence d’accord – et donc un maintien en l’état de la réforme Borne – a fini de donner une prime aux positions intransigeantes du Medef.

Ainsi, sur les deux sujets qui auraient permis aux trois syndicats de signer un accord sans toucher aux 64 ans, à savoir la pénibilité et les retraites des femmes, le Medef est resté sur des propositions inacceptables pour les organisations de salariés. À la place de départs anticipés pour les salariés soumis à des ports de charges lourdes, des postures pénibles ou des vibrations mécaniques, le patronat n’a proposé que des mesures pour favoriser la reconversion de ces salariés usés par le travail.

Même la ligne rouge de la CFTC, pourtant non démesurée, d’un âge d’annulation de la décote à 66 ans pour bénéficier d’une pension complète, afin de contrebalancer les carrières hachées des femmes, n’a pas été acceptée par le Medef. À la place : un assez mesquin 66 ans et demi. Enfin, aucun effort financier significatif n’a été envisagé par le patronat. « On a un problème avec le Medef, il ne veut jamais rien payer » et ne souhaite qu’une chose : « consommer l’argent public et le transformer en dividendes », s’est emporté François Hommeril, le président de la CFE-CGC, après l’échec des concertations.

Pas sûr que François Bayrou qui reçoit le Medef en début d’après-midi, puis la CPME ce soir, n’arrivent a infléchir les positions patronales. À moins de nouveaux cadeaux à leur proposer en échange pour arracher un accord minimaliste. Réponse tard ce soir ou demain.

https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/retraites-sans-surprise-le-patronat-na-rien-cede-au-conclave-062425141

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.