05/05/2025

Un de leur cadre est un habitué de la mouvance depuis 20 ans
Par Manon Boquen
Depuis moins d’un an, le Parti national breton (PNB) tente de s’immiscer dans les événements culturels et politiques locaux, parfois à coup d’actions violentes. Le tout en ayant des ambitions électorales.
Carhaix-Plouguer, 1er mars – Une bonne centaine de personnes est massée à la réunion publique inaugurale du mouvement Bretagne notre avenir. La plupart des participants se connaissent du fait de leur engagement pour l’autonomie de la Bretagne, et se trouvent de la droite au centre du spectre politique, avec quelques représentants plus discrets de gauche modérée venus en observateurs. Tous veulent profiter du moment pour rassembler leurs différents partis « qui s’engagent pour la Bretagne » en vue des prochaines élections municipales. Avec, pourquoi pas, l’idée de mener une liste commune. Les habitués repèrent seulement « trois ou quatre » nouvelles têtes, qui très rapidement se présentent au micro face à l’assemblée : ils sont du Parti national breton (PNB). Quelques heures après la réunion, les ambitions de Bretagne notre avenir ont complètement périclité sur fond de règlements de comptes internes avec une question centrale : pourquoi ce PNB, un groupuscule néonazi qui prône l’interdiction de l’avortement ou la construction d’un mur à la frontière bretonne, a-t-il pu s’exprimer aussi facilement ?
Évoquer ce mouvement en Bretagne fait pourtant habituellement office de répulsif. Un premier PNB a existé durant l’entre-deux-guerres et la Seconde Guerre mondiale, dissout à deux reprises en 1939 et 1944 pour la collaboration de ses plus éminents représentants avec le régime nazi. Cette nouvelle mouture du Parti national breton est quant à elle née en 2021, sans cacher là-encore son idéologie néonazie, sous l’impulsion du militant d’extrême droite Boris Le Lay, expatrié au Japon. « Jusqu’à peu, la présence du PNB était surtout numérique, si ce n’est quelques collages et tags. Les membres refusaient de venir aux manifestations et ne s’affichaient pas ouvertement », indique le directeur de l’hebdomadaire centre breton Le Poher Erwan Chartier, qui documente la mouvance dans la région depuis de longues années. Le 1er mars semble être l’aboutissement de la stratégie du PNB de s’immiscer dans la vie politique bretonne, selon Ludovic Le Moignic, conseiller municipal de Saint-Brieuc sous l’étiquette UDB – la gauche autonomiste :
« Avec les élections qui approchent, on sent leur volonté de s’inscrire dans le mouvement breton et de s’y faire une image respectable. »
Des futurs candidats ?
« Notre premier objectif est de participer aux élections », a assumé leur porte-parole Hervé Archier auprès du site d’extrême droite Breizh-info. Selon lui, le PNB souhaiterait présenter des candidats pour les scrutins municipaux de 2026 dans les communes de moins de 1.000 habitants. Contactée pour en savoir plus sur son programme et sa composition, l’organisation n’a pas répondu à StreetPress.
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Les antifascistes bretons pointent une activité du groupe dans le secteur de Dol-de-Bretagne et de Saint-Malo (35), par exemple, où se trouveraient certains militants. Du côté brestois aussi, même si les acteurs contactés n’ont pour le moment pas remarqué leur présence active. « Nous avons eu une grosse série de stickers du PNB sur notre local, mais notre section est régulièrement taguée », constate Taran Marec, secrétaire général du mouvement Jeunes communistes de France dans le Finistère. « Le danger principal, c’est surtout qu’ils infusent leurs idées », craint pour sa part le conseiller municipal dans la commune brétillienne de Cintré, Anton Burel, qui affirme avoir vu les affichages du « parti » dans son secteur d’Ille-et-Vilaine.
Un peu partout, des tracts jaune criard du PNB ont également été aperçus ces derniers temps. Ce qui ne signifie pas pour autant que les sections locales sont nombreuses. Les observateurs dans la région parlent d’une dizaine de membres environ, de jeunes hommes en général, convertis la plupart du temps à l’idéologie de la formation en ligne. « Ils existent surtout parce qu’ils prennent en photo et partagent toutes leurs actions », nuance le militant indépendantiste de gauche chez War-Sav Gaël Roblin. Certains peuvent se retrouver dans les Activ club, des sections d’entraînement violentes, comme ce fut le cas de deux militants jugés en mai 2024 pour l’attaque d’un local associatif à Saint-Brieuc, qui faisaient aussi partie du PNB.
Une violente agression
Le PNB a commencé à sortir du bois le 12 octobre 2024. Une manifestation pour la réunification de la Bretagne, impulsée par l’association Bretagne Réunie, se tient alors à Nantes. Florian Le Teuff, adjoint écolo à la ville de Nantes, s’y trouve et reconnaît le drapeau « fameux » du PNB – qui reprend le triskel jaune sur fond noir du mouvement collabo. « Les militants étaient comme des poissons dans l’eau », retrace cet élu délégué aux enjeux bretons, encore sous le choc. Alors que le cortège se lance, les membres du PNB déploient leur banderole devant Florian Le Teuff :
« C’était la goutte d’eau pour moi cette banderole qui renvoie à un mouvement dissous, hors la loi. »
L’adjoint se dirige vers la dizaine d’activistes. « Je leur explique qu’en tant qu’élu, je ne peux pas accepter de les voir défiler. » Une série de coups-de-poing s’abat sur lui, ainsi qu’un coup de manche de pioche. Il critique :
« Il aurait pourtant suffi aux organisateurs de dire qu’ils n’étaient pas les bienvenus, mais ils ont accepté leur présence. »
Florian Le Teuff a porté plainte à la suite de cette agression et l’enquête est toujours en cours.
Un cadre très radical
Certains des représentants du PNB, dont le président sous pseudo Ar Marvailher – en réalité Erwan Pradier, un jeune informaticien – n’hésite pas à se montrer virulent et insultant à l’égard de ses opposants. La gauche est accusée sur ses réseaux d’empêcher l’alliance de tous les partis pour l’indépendance de la Bretagne. Quant à Hervé Archier, le porte-parole du groupe qui dirige aussi la section locale de Saint-Malo, StreetPress a retissé le CV très chargé de cet habitué des groupes nationalistes radicaux. Bruno Archier, son vrai nom, fait partie des fondateurs de la Garde franque. Une organisation extrémiste du mitan des années 2000, liée à l’époque au mouvement pétainiste de l’Oeuvre française mais aussi… à la branche jeunesse du Front national. Libération relate sa présence à un « commando “antiblocage” des facs » dans ses éditions des 18 et 19 février 2006 avec ce mouvement. Bruno Archier s’est ensuite longtemps chargé du « secteur international » du successeur de la Garde franque : le Renouveau français, un groupuscule antirévolutionnaire, ultra-catholique et antirépublicain.
Aujourd’hui, nulle trace de ce lourd passif dans son militantisme au PNB. Dans son profil sur Malt, une plateforme qui met en relation freelance et entreprise, Bruno Archier se présente comme maquettiste. Là encore, il ne spécifie pas qu’il a œuvré à ce poste pour l’hebdomadaire d’extrême droite et antisémite Rivarol. Contacté, Bruno Archier n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de StreetPress.
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Une incursion en politique
Malgré son pedigree, c’est cet identitaire de longue date qui s’est exprimé au nom du PNB à Carhaix le 1er mars, lors de la réunion qui a fortement divisé le mouvement unitaire breton. « J’ai demandé dès le départ qu’une ligne minimale, qui ne tolère pas l’extrême droite, soit instaurée à la création de Bretagne notre avenir. Ça n’a jamais été fait. La présence du PNB à Carhaix est la conséquence de cette inconséquence ! », déplore Mathieu Guihard, du Parti Breton, de droite modérée. Dans le viseur des militants se trouvent les organisateurs de l’événement, qui ont été accusés d’avoir convié le PNB. « Je n’ai invité personne », clame Caroline Glon, co-organisatrice du rassemblement. Cette conseillère municipale à la Baule affirme ne pas connaître les néonazis à la sauce bretonne ni leur programme politique. L’élue explique l’échec du mouvement autrement :
« Le projet est mort-né du fait des réactions de l’extrême gauche ! »
L’argumentaire ressemble fortement à celui qu’emploie le PNB sur ses réseaux. Après cette zizanie, le groupuscule semble surtout vouloir ouvrir une nouvelle porte depuis quelques semaines. Celle du milieu culturel, en appelant aux dons pour une crèche en langue bretonne ou pour soutenir la Mission bretonne à Paris. Devant son activisme, les différents mouvements bretons commencent à s’organiser bon gré mal gré. Le PNB annonce sa venue pour une manifestation dans le Finistère fin mars pour maintenir les lieux-dits en langue bretonne ? Les organisateurs annulent l’événement. « Nous n’avions pas envie de nous rassembler en ayant connaissance de leur présence », explique l’un d’eux.
« Ils ont un pouvoir de nuisance », remarque Alan Le Cloarec, membre du mouvement indépendantiste Douar ha Frankiz. Il prévient : « La prochaine fois, nous nous organiserons pour avoir un service d’ordre. » Et éviter ainsi que le PNB ne fasse irruption, encore une fois.
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Illustration de Une de Caroline Varon.
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