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Le 27 juin 2023 Nahel,17 ans, est exécuté par le policier Florian Menesplier. Sa mise à mort est filmée par une témoin de la scène, et les images provoquent la plus grande vague insurrectionnelle de la période contemporaine, ainsi qu’une répression phénoménale.

Contre la révolte, l’État français déploie la plus violente répression depuis des décennies : des dizaines de milliers de policiers sur le territoire, mais aussi des unités anti-terroristes tirant au fusil à pompe dans de nombreux quartiers. La police procède à 3.400 arrestations en 4 nuits. En 2 semaines, 1.278 jugements sont prononcés, avec un taux record de 95% de condamnations. 63% sont condamnés à de la prison ferme, avec une moyenne des peines de 8,2 mois, pour des délits aussi « graves » qu’un vol de canette. Une justice d’abattage, prévue pour marquer durablement et mettre au pas la jeunesse des quartiers populaires.
Cette justice, qui a été d’une rapidité fulgurante pour juger des délits mineurs, est d’une lenteur étudiée pour juger l’auteur du tir. Mardi 4 mars, le parquet de Nanterre a requis le renvoi aux Assises pour «homicide volontaire», preuve que les éléments de l’enquête sont accablants, et que rien ne permet d’atténuer la responsabilité du policier. La mère de Nahel, Mounia, s’est dite soulagée de la décision. Il reste maintenant à attendre de savoir si les juges d’instruction suivront les réquisitions du procureur.
Florian Menesplier, un policier exemplaire ?
Le policier mis en cause a aujourd’hui 40 ans. Ancien militaire, agent de la compagnie motocycliste des Hauts-de-Seine, il avait été décoré par Didier Lallement pour la répression du mouvement des Gilets Jaunes, et avait fait ses classes dans plusieurs brigades d’intervention ultra-violentes, notamment la CSI 93 mise en cause dans de nombreuses affaires de violences et d’extorsion, ainsi que la Brav-M, escadron de choc de la police parisienne.
À l’époque, alors que les médias se déchaînent pour inventer un casier à Nahel et justifier son meurtre, le profil du policier est quant à lui présenté comme exemplaire, alors même qu’il était connu pour des faits d’exhibition sexuelle. Durant l’été 2023, Florian Menesplier va passer 4 mois en détention provisoire, puis sera remis en liberté sous contrôle judiciaire en novembre. Entre-temps, il est devenu millionnaire grâce à la cagnotte lancée par le fasciste Jean Messiha. Une cagnotte indigne, visant à subventionner l’exécution d’un adolescent d’origine maghrébine.
Florian Menesplier et son collègue ont menti dès leur première déposition. Immédiatement après avoir tué Nahel, les policiers assurent que le véhicule leur «fonçait dessus» au moment du tir et qu’ils ont donc défendu leur vie. Ils ne savaient pas encore que la scène avait été filmée.
Le policier a frappé le jeune Nahel à coups de crosse à l’intérieur même de l’habitacle. Cinq témoins ont confirmé ces coups, dont «trois témoins directs qui ne connaissaient pas du tout Nahel». L’agent tireur a «frappé le jeune homme à la tête, au-dessus de l’oreille gauche et au nez notamment, au moyen de la crosse de son arme» explique un témoin. La femme qui a tourné la vidéo raconte : «Ce policier a commencé à taper directement le jeune conducteur à la tête avec la main droite […] Je l’ai vu faire le geste plusieurs fois». Un autre témoin, qui a filmé une courte vidéo de 6 secondes affirme : «Il y avait un policier qui mettait des coups au conducteur avec son arme». L’autopsie révélera en effet des hématomes sur le bras.
La vidéo du tir montre les policiers crier des paroles ressemblant à «shoote-le !» et «balle dans la tête» juste avant le coup de feu. Malheureusement, l’expertise de la vidéo ne parvient pas à certifier les propos tenus, ni à authentifier précisément leur auteur. Après la mort de Nahel, les syndicats Alliance – premier syndicat policier d’extrême droite – et UNSA avaient réclamé les pleins pouvoirs et le permis de tuer dans un communiqué menaçant ouvertement le gouvernement de faire sécession, et parlant de «guerre» contre des «nuisibles», à propos des habitant-es des quartiers populaires.
La décision du parquet
Le parquet de Nanterre demande que l’auteur soit jugé pour homicide volontaire. Selon lui, “le policier ne pouvait ignorer le caractère très probablement mortel de son tir”. La légitime défense est écartée, ainsi que le recours à l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, l’autorisation d’ouvrir le feu pour les refus d’obtempérer depuis la réforme Cazeneuve de 2017. Le parquet confirme l’absence de risque d’écrasement pour les deux policiers, ainsi que la possibilité de “tirer en direction des pneus ou du capot du véhicule pour l’empêcher de poursuivre sa course”.
Le parquet pointe que “Florian M. aurait dû conserver son sang-froid, éviter toute nervosité et mesurer à l’aune de la situation les risques que son comportement pouvait engendrer”. L’avocat de la défense, maître Laurent-Franck Liénard, un spécialiste de la défense des policiers les plus violents et criminels, réfute cet argument. Il assure que le policier “savait ce qu’il faisait, il fallait bloquer la voiture pour éviter que le conducteur blesse ou tue des gens. On parle là d’un fonctionnaire de police qui est un ancien militaire, qui a fait l’Afghanistan ; il n’a pas de leçons à recevoir sur le sang-froid”. Le propos est clair : il a tiré en connaissance de cause, en sachant qu’il allait tuer Nahel. C’est donc bien un homicide volontaire.
Les syndicats de police et les médias main dans la main pour défendre le récit policier
Mercredi 5 mars, Alliance appelait “tous les policiers, tous grades et tous corps confondus, ainsi que toutes les organisations syndicales, à se rassembler symboliquement pour exprimer leur colère face à cette décision inacceptable” devant les commissariats de France. Cette même police qui crie au laxisme de la justice tous les quatre matins, réclame le permis de tuer pour ses agents depuis des années, alors même que les gouvernements successifs ont déjà largement assoupli les règles comme on l’expliquait plus haut. Le syndicat Unité, syndicat dont fait partie Florian Menesplier, a quant à lui réaffirmé son soutien total, mais n’appelait pas aux rassemblements.
Ce sont donc des milliers de policiers qui ont quitté le travail sans préavis de grève, donc illégalement, et se sont réunis pour soutenir un meurtrier. Et leurs propos ont été rapportés avec diligence par les médias. On peut lire dans l’Indépendant les propos d’un policier narbonnais qui font la une : “C’est la mort de notre profession”. Non, c’est la mort d’un enfant en direct à laquelle on a assisté.
Sur Le Télégramme, c’est Yann Dupont, secrétaire départemental d’Alliance Police nationale qu’on entend à Brest «c’est bien l’ensemble de la profession qui est en danger, car plus aucun policier ne pourra intervenir sans craindre la Cour d’assises». Le Dauphiné libéré, Le Progrès, La Nouvelle République, La Dépêche, BFM…. Tous donnent la parole aux policiers, sans aucune contradiction en face, afin d’imposer le discours policier comme vérité unique.
Le Point a décidé quant à lui de réaliser une interview complète de l’avocat du policier, dans un parti pris évident, présentant le policier en “prisonnier politique”. Le préfet des Hauts de Seine, Alexandre Brugère, était présent au commissariat de Nanterre : “Je suis venu vous dire que vos chefs vous aiment et qu’avec Laurent Nunez, sous l’autorité de Bruno Retailleau, nous sommes à vos côtés”. La séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice piétinées.
Manifestations putschistes
Appelons les choses par leur nom : nous avons en France une police putschiste, très majoritairement d’extrême droite, qui défie la justice. Ces mobilisations rappellent celles organisées à Marseille durant l’été 2023. À l’époque, alors que la France s’embrasait pour Nahel, une bande de quatre policiers de la BAC croise Hedi et un ami dans une rue. Ils lui tirent dessus : une balle en caoutchouc en pleine tête. Hedi s’effondre, gravement blessé. Les policiers le traînent au sol pour aller le tabasser dans une ruelle et l’abandonnent là. Laissé pour mort.
Hedi est sauvé de justesse par un ami qui l’emmène à l’hôpital et par une prise en charge en urgence. Il sombre dans le coma, les médecins doivent lui retirer une partie du crâne pour que son cerveau reste fonctionnel et qu’il ne décède pas la nuit même. À l’époque, les policiers concernés sont mis en examen, ce qui provoque un mouvement inédit dans la profession : les tabasseurs sont massivement soutenus, une cagnotte est créée, des milliers de policiers se sont mis en arrêt maladie en solidarité… Jusqu’au sommet de la police et du ministère de l’Intérieur qui ont défendu le tireur.
Non seulement ils ne sont pas sanctionnés, mais ils sont encouragés. Le directeur de la Police Nationale Frédéric Veaux dit qu’il ne «peut plus dormir» parce qu’il est triste pour le policier en détention. Et exige sa libération. Le 1er septembre, l’agent Christophe I. était remis en liberté.
Les images de deux caméras de surveillance et celles d’une habitante seront révélées par Mediapart en octobre, soit 4 mois après les faits, et confirment les actes criminels commis par les policiers.
Le 19 mai 2021, le syndicat Alliance organise une grande démonstration de force factieuse : des milliers de policiers entourent l’Assemblée Nationale et des discours menaçant la justice sont prononcés : «Le problème de la police, c’est la justice». La police, force devenue toute puissante et autonome, veut désormais en finir avec la séparation des pouvoirs, garantie minimale d’une démocratie. Rien ne différencie cette mobilisation d’une démonstration fasciste. Quelques jours plus tard, interrogé sur BFM, il dit assumer les propos «à 300%».
Nahel, une victime parmi tant d’autres des violences d’État
Car depuis l’été 2023, que s’est-il passé du côté de l’État pour apaiser et écouter ces plaintes et ces souffrances ? Rien. Ou pire : la situation s’est aggravée.
Depuis la loi Cazeneuve de 2017 – votée par un gouvernement “socialiste” – l’usage d’armes à feu par la police a explosé, notamment contre les véhicules. Elle a totalement décomplexé les tirs à balles réelles, notamment contre les jeunes non-blancs habitant les banlieues. Le nombre de tués par la police n’a pas cessé d’augmenter, et Nahel en est un exemple parmi d’autres. Dans un article de Libération datant de 2022, on apprenait déjà que les tirs mortels sur des véhicules en mouvement par la police avaient été multipliés par 5 depuis la loi Cazeneuve. Depuis cette même année, il y a en moyenne une augmentation annuelle de 26% de l’usage d’armes à feu par la police. En 2024, la police a tué 55 personnes en France.
En juillet 2023, plutôt que de répondre à la colère légitime, le gouvernement français tentait de censurer et contraindre les réseaux sociaux. Il avait convoqué à l’Assemblée Nationale les responsables de différentes plateformes en ligne. Notamment le réseau Snapchat. Darmanin avait contacté le chef de la police israélienne «pour un partage d’expérience sur la gestion des manifestations». Il demandait à un État fasciste pratiquant l’apartheid de l’aide pour mater la révolte des banlieues françaises.
Enfin, l’année 2024 a été particulièrement meurtrière en matière de violences policières. Avec 55 morts recensés l’année passée en France par le collectif «Désarmons-Les», c’est le nombre le plus élevé depuis plus d’un demi siècle. Et l’usage des armes continue d’exploser.
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