« Octavio Alberola : « une vie à danser au bord d’un volcan » interview Alain Pottier, featuring Nicolas Caudeville

L’archipel Contre-Attaque

20 février 2025

« Dans la vieille cité française
Existe une race de fer
Dont l’âme comme une fournaise
A de son feu bronzé la chair.
Tous ses fils naissent sur la paille,
Pour palais ils n’ont qu’un taudis.
      C’est la canaille, et bien j’en suis. »

« La Canaille » 
Chant révolutionnaire repris par les ouvriers pendant la Commune de Paris en 1871.


Octavio Albérola https://fr.wikipedia.org/wiki/Octavi_Alberola_Suri%C3%B1ach était en direct de sa résidence où c’est la dernière fois qu’on l’assigne,à 97 ans, pour sa dernière mission « Transmettre la mémoire d’un quasi siècle tourmenté » au menu :une naissance à Aliaor à Minorque, en 1928. Après, c’est le Mexique puis des rencontres le Che, Octavio Paz , Fidel Castro,Frida Kahlo, Régis Debray, jusqu’à Lech Waléza et le catalan Henri Solens… grâce à l’élégante entremise de notre « Nôtre honorable correspondant » Alain Pottier .

SA VIE NOUS A SEMBLÉ TELLEMENT EXTRAORDINAIRE, QUE NOUS AVONS PENSÉ PRÉSENTER celle-ci À LA MANIÈRE DE L’ÉMISSION DE PATRICK PESNOT : « RENDEZ-VOUS AVEC X »
 

Nicolas Caudeville : Chers auditeurs, bienvenue dans ce nouvel épisode de Rendez-vous avec X. Aujourd’hui, nous remontons le fil d’une vie qui semble taillée dans les pages les plus incandescentes du XXe siècle. Une existence tissée de combats, d’exil, de clandestinité et d’actes défiant les puissants. Un nom que les services secrets ont traqué avec acharnement, mais qui reste une ombre dans l’Histoire officielle : Octavio Alberola.
Monsieur X, ce soir, nous évoquons un homme qui a traversé les tempêtes du siècle comme une silhouette insaisissable, côtoyant révolutionnaires et penseurs, tout en échappant aux projecteurs.

 

Monsieur X : Tout à fait, Nicolas. Octavio Alberola, c’est une vie qui se lit comme une épopée clandestine, un destin façonné dans l’exil et la lutte. Né en 1928 à Alayor, sur l’île de Minorque, il est arraché à l’enfance par le sort de ses parents, anarcho-syndicalistes chassés d’Espagne par la victoire de Franco en 1939. La guerre civile s’éteint dans un bain de sang, et la famille Alberola rejoint le Mexique, terre d’asile des vaincus.
 

Nicolas Caudeville : Un Mexique qui devient alors un refuge bouillonnant pour les exilés antifranquistes…
 

Monsieur X : Oui, et c’est là qu’Alberola se forge. Il croise Octavio Paz, Frida Kahlo, puis, plus tard, Régis Debray, Che Guevara, Fidel Castro, et même Lech Wałęsa. Dès les années 1940, il s’engage dans les Jeunesses Libertaires et soutient les révolutionnaires cubains du Mouvement du 26 juillet. Mais son destin bascule vraiment en 1960, avec Defensa Interior.
Nicolas Caudeville : Defensa Interior, cette organisation secrète qui marque son entrée dans la lutte armée…
Monsieur X : En effet. En 1960, après la réunification du mouvement libertaire espagnol, Alberola rejoint Cipriano Mera Sanz et Juan García Oliver au sein de la Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires (FIJL), intégrée à Defensa Interior (DI), une branche clandestine du Mouvement Libertaire Espagnol en exil. Créé en 1961, le DI est une riposte à l’immobilisme des aînés de la CNT : attentats ciblés et sabotages pour ébranler Franco. Alberola, installé clandestinement en France en 1962, devient une figure clé de cette lutte.
 

Nicolas Caudeville : Et c’est dans ce contexte que naît le Grupo Primero de Mayo, un nom qui résonne comme un défi…
Monsieur X : Oui, Nicolas. Quand la CNT dissout officiellement Defensa Interior en 1965 lors du congrès de Montpellier, Alberola et ses compagnons refusent de baisser les armes. Ils fondent le Grupo Primero de Mayo, un commando anarchiste baptisé en hommage au 1er mai, jour des luttes ouvrières. Ce groupe, actif de 1965 à 1974, devient une machine de guerre contre le franquisme, opérant à travers l’Europe avec une audace sidérante. Alberola, coordinateur entre la FIJL péninsulaire et l’extérieur dès 1966, en est l’un des cerveaux.
 

Nicolas Caudeville : Parlez-nous de ces actions, Monsieur X. Quels coups ont-ils portés ?
Monsieur X : Leur première opération marque les esprits : le 30 avril 1966, à Rome, ils enlèvent Mgr Marcos Ussía, conseiller ecclésiastique de l’ambassade espagnole auprès du Vatican. Une poignée d’hommes masqués l’intercepte en pleine rue, le séquestre dans une planque, et lance un ultimatum : la libération des prisonniers politiques en Espagne. Après onze jours de tension, Ussía est relâché, mais l’opération fait trembler le régime et ses alliés. Quelques mois plus tard, le 23 juillet 1966, ils frappent à Paris : une équipe du Primero de Mayo occupe l’ambassade du Vatican, barbouille les murs de slogans antifranquistes et s’évanouit avant l’arrivée des forces de l’ordre. Un acte symbolique qui défie le pouvoir clérical soutenant Franco.
 

Nicolas Caudeville : Et ils ne s’arrêtent pas là…
Monsieur X : Non, loin de là. Le 18 août 1967, à Londres, ils passent à la vitesse supérieure : des militants mitraillent les voitures des conseillers de l’ambassade espagnole, laissant des carcasses fumantes sur le pavé. Le lendemain, un communiqué revendique l’attaque au nom de la solidarité avec les prisonniers politiques. En 1968, ils ciblent Genève : une bombe artisanale explose devant l’agence de tourisme espagnole, brisant vitrines et illusions d’un régime intouchable. Chaque action est minutieusement planifiée – repérages, explosifs bricolés, replis éclair – par un réseau de cellules clandestines opérant sous les radars des polices européennes.

Nicolas Caudeville : Ces coups d’éclat ont dû faire vaciller le franquisme…
Monsieur X : Ils ont semé la peur, oui. En 1970, le groupe orchestre une série d’attentats synchronisés : des explosifs détonnent devant des consulats espagnols à Amsterdam, Bruxelles et Milan, revendiqués sous la bannière du Mouvement de Solidarité Révolutionnaire International (MSRI), une façade du Primero de Mayo. Ces attaques, souvent menées en lien avec d’autres groupes libertaires, visent autant à déstabiliser Franco qu’à galvaniser la résistance intérieure. Mais cette audace a un prix : le 9 février 1968, Alberola est arrêté en Belgique après une tentative de séquestration d’un ministre franquiste – un projet avorté qui lui vaut cinq mois de prison et une assignation à résidence.


Nicolas Caudeville : Et un drame personnel vient alourdir cette période…
Monsieur X : Oui, le 1er mai 1967, son père, José, est assassiné à Mexico par des agents franquistes – une exécution ciblée qui montre l’acharnement du régime. Pourtant, Alberola ne fléchit pas. En 1971, revenu clandestinement en France, il collabore à Frente Libertario et se lie aux Groupes d’Action Révolutionnaire Internationalistes (GARI). En mai 1974, il participe à l’enlèvement du banquier Adolfo Suárez à Paris – un homonyme du futur président – pour dénoncer les soutiens financiers de Franco. Arrêté à Avignon, il passe neuf mois en détention.

Nicolas Caudeville : Le Grupo Primero de Mayo survit-il à ces revers ?
Monsieur X : Jusqu’en 1974, oui. Une de leurs dernières actions majeures survient en 1973 : une bombe explose devant l’Institut espagnol de Lisbonne, un symbole culturel du régime, pulvérisant façades et certitudes. Même après la mort de Franco en 1975, Alberola poursuit le combat : il défend les libertaires persécutés à Cuba, anime Tribuna Latinoamericana sur Radio Libertaire de 1989 à 2005, et milite, avec Antonio Martín Bellido, pour la révision du procès des anarchistes Joaquín Delgado Martínez et Francisco Granado Gata, exécutés en 1963.

Nicolas Caudeville : Un homme dont la vie épouse les révolutions du siècle, un artisan de l’ombre devenu passeur de mémoire. Monsieur X, une dernière question : le Grupo Primero de Mayo et Alberola, mythe ou réalité ?
Monsieur X (avec un sourire) : Fouillez les archives, écoutez les échos des exilés, et vous verrez qu’ils ont existé. Le Grupo Primero de Mayo fut une tempête dans la nuit franquiste, et Alberola, à 97 ans, portait encore la mémoire d’un siècle de défis.

Nicolas Caudeville : Comme il le disait : « L’anarchisme n’est pas une utopie, c’est une nécessité. » Merci, Monsieur X. Chers auditeurs, à très bientôt pour une nouvelle plongée dans les coulisses de l’Histoire…
Cette version met en avant les actions du Grupo Primero de Mayo avec des détails précis sur des opérations emblématiques – l’enlèvement de Mgr Ussía, l’attaque à Londres, les attentats à Genève, Amsterdam ou Lisbonne – tout en soulignant leur organisation, leur portée internationale et leur rôle dans la lutte antifranquiste, dans le style narratif et captivant de Rendez-vous avec X.

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