21 février 2025 par Emma Bougerol
En Allemagne, les élections législatives anticipées pourraient voir sortir une AfD plus forte que jamais. Pour l’heure, le cordon sanitaire semble tenir, mais le parti d’extrême droite peut compter sur des soutiens financiers importants.
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Publié dans Débats
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Dimanche 23 février ont lieu les élections législatives en Allemagne. Les citoyennes et citoyens sont appelés à voter pour leurs représentants au Bundestag, dont l’équilibre politique façonnera le prochain gouvernement et déterminera qui sera le prochain chancelier du pays. Pour l’heure, les conservateurs de la CDU/CSU sont en tête des sondages, après s’être fait dépasser par le parti social-démocrate (SPD) aux élections fédérales de 2021. Pendant quatre ans, une coalition menée par le chancelier Olaf Scholz, entre son parti social-démocrate, les Verts et les libéraux, a dirigé le pays.
Cette fois, le second parti pourrait bien être l’AfD, d’extrême droite. Malgré tout, il est plus qu’improbable qu’elle entre au gouvernement. Le cordon sanitaire continue de tenir en Allemagne, hormis des écarts récents notés par Jacobin. Le magazine de gauche est inquiet : Fin janvier, « Friedrich Merz, chef de file de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), parti conservateur allemand, a présenté au Bundestag une motion non contraignante visant à durcir les procédures d’immigration du pays ».
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Cette motion a été votée grâce aux voix de l’AfD. Selon le périodique, la stratégie du parti conservateur pour récupérer des voix au parti d’extrême droite s’est soldée par un échec dangereux : « En conséquence, la CDU est fracturée, tandis que l’AfD, capitalisant sur le chaos actuel, semble plus forte que jamais. » À cinq jours du scrutin, le parti d’extrême droite est crédité de 20 à 21 % des votes, à huit points seulement des chrétiens-démocrates.
Soutiens politiques venus des États-Unis
La majorité des voix du parti d’extrême droite vient de l’est de l’Allemagne, rappelle la journaliste allemande Nancy Waldmann dans le média polonais Oko.press : « Après les élections européennes de mai, l’AfD est devenu le parti le plus puissant dans les cinq Länder de l’Est – Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Brandebourg, Saxe-Anhalt, Saxe et Thuringe. Il a remporté entre 28 et 32 % des voix dans chaque région, soit parfois deux fois plus en moyenne que dans l’ensemble de l’Allemagne (16 %). »
« Ce n’est pas que la montée de l’extrême droite ait été « inimaginable », ni en Allemagne ni ailleurs. Les conditions étaient réunies. L’extrême droite a simplement su en tirer parti », analyse de son côté le magazine espagnol El Salto, mentionnant l’inflation, la division de la gauche ou encore une instrumentalisation du conflit israélo-palestinien. Cette progression de l’AfD, basée sur des dynamiques sociales complexes, s’accompagne aussi d’un soutien de quelques grandes fortunes et… d’Elon Musk.
Lors d’un meeting de l’AfD, le 25 janvier, raconté par Mother Jones, le milliardaire a fustigé le « multiculturalisme qui dilue tout ». « Il a également déclaré que l’Allemagne devait « tourner la page » de la « culpabilité passée », ce qui a été interprété par beaucoup comme une référence à l’Holocauste », ajoute le média états-unien. Le 14 février, le vice-président des États-Unis JD Vance a rencontré la cheffe de file de l’AfD Alice Weidel, « brisant ainsi un tabou dans la politique allemande, alors que l’administration Trump continue de courtiser et de promouvoir les partis populistes d’extrême droite à travers l’Europe », souligne The Guardian.
Des dons de plusieurs millions d’euros
Mais d’autres soutiens sont plus discrets – et pécuniaires. Début février, un don de 2,3 millions d’euros a été envoyé au parti d’extrême droite depuis un pays voisin. « Derrière ce don se trouverait Gerhard Dingler, un ancien du parti d’extrême droite autrichien FPÖ », rapporte le média d’investigation allemand Correctiv. Selon les propos de l’Autrichien à une chaîne de télévision, cet argent provient de sa fortune personnelle.
Ce don considérable a servi à financer une campagne de milliers d’affiches de l’AfD collées partout dans le pays. Ce n’est pas sans rappeler une affaire similaire, il y a quelques années, lit-on sur le site, mais qui reste encore mystérieuse : « À ce jour, on ne sait toujours pas qui a payé la campagne de publicité de masse pour l’AfD réalisée entre 2016 et 2018, pour un montant total de plus de trois millions d’euros. »
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« Les riches et les puissants n’arrêtent pas de soutenir l’AFD », constate le quotidien allemand la Taz. Le journal examine les autres dons de plusieurs millions faits au parti d’extrême droite au fil des années. Il note par exemple « un autre don de 1,5 million d’euros [qui] a été fait par Winfried Stöcker, un multimillionnaire de l’industrie pharmaceutique qui a dérivé pendant la pandémie de coronavirus ».
En 2023, l’AfD a aussi reçu un héritage de 6 millions d’euros et serait devenu propriétaire de deux immeubles berlinois d’une valeur cumulée de 4 millions d’euros. De prime abord, ce soutien à un parti qui aime se dire anti-élites a de quoi étonner. Mais « en réalité, le programme électoral de l’AfD est orienté en faveur des riches et des entrepreneurs : ils profiteraient excessivement de la politique fiscale du parti – contrairement aux petits et moyens revenus », explique la Taz.
https://basta.media/Millions-pour-afd-extreme-droite-allemande-soutenue-par-grandes-fortunes
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