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17/02/2025
Un militant de la CGT a été poignardé
Par Daphné Deschamps
Plusieurs dizaines de néofascistes ont attaqué la projection d’un film antifasciste à Paris. Une victime a été poignardée. Le parquet a ouvert une enquête pour tentative d’homicide volontaire, et six militants d’extrême droite ont été interpellés.
« Le bruit était tellement fort que j’ai cru que c’était un attentat », souffle Marie (1), militante de Young Struggle, une organisation socialiste internationaliste de la diaspora kurde et turque :
« Quand Pierre est remonté, il était couvert de sang, de la tête aux pieds. »
Dimanche 16 février, vers 17h, alors que la section parisienne de Young Struggle organisait la projection d’un film antifasciste – Z, du réalisateur franco-grec Costa-Gavras – du bruit alerte les militants présents dans une salle au premier étage. Derrière les deux portes blindées qui les séparent, un groupe cagoulé, armé de « tessons de bouteilles » selon le parquet de Paris, de casques de moto et d’au moins une arme blanche, tente de forcer l’entrée. « Ils hurlaient : “Sortez bande de fils de putes, sortez”, en cognant la porte », se souvient Marie. La jeune femme, en compagnie de quatre de ses camarades, commence à descendre du premier étage des locaux de l’Association culturelle des travailleurs immigrés turcs, l’Actit, qui accueille la projection. « On a fait l’erreur de ne pas regarder par la fenêtre, on n’a pas vu qu’ils étaient aussi nombreux », explique Marie. « Deux d’entre nous ont ouvert la porte, et les fascistes se sont exclamés : “Ah, vous êtes là”, avant de se jeter sur eux. La majorité d’entre nous a réussi à remonter, sauf Pierre (1). » Le jeune homme, militant de Young Struggle et de la CGT, tente de refermer la porte blindée qui donne sur la rue, sans succès. Dans la cour de l’immeuble du 10ème arrondissement de Paris, il est passé à tabac par une dizaine de militants fascistes. L’un d’entre eux le poignarde dans le dos et à la main droite. Puis, le groupe quitte la cour et s’enfuit dans la rue aux cris de « Paris est nazi, Lyon aussi », laissant quelques stickers du Kop of Boulogne (KOB) : « KOB veille » dans son sillage, comme l’a relevé Libération.
GUD, Kop of Boulogne et néofascistes lyonnais
Alertée par les voisins, la police arrive sur place une dizaine de minutes plus tard, pendant que Pierre est transporté à l’hôpital. À ce moment, son pronostic vital est « engagé », rappelle la préfecture de police. « Les voisins ont immédiatement coopéré avec la police, leur ont indiqué par où les fascistes étaient partis », explique Marie. « Les forces de l’ordre ont pu repérer une partie des agresseurs dans une station de métro et ont procédé à l’interpellation de six individus, les autres ayant réussi à prendre la fuite », indique la préfecture :
« Les individus interpellés sont tous issus de la mouvance d’extrême droite radicale. »
« Tout le monde a pensé que c’était encore une attaque des Loups Gris », explique Marie. Cette organisation ultranationaliste turque à l’habitude de s’en prendre aux militants internationalistes et à la diaspora kurde. « Mais quand on a vu les stickers, on a compris. » L’attaque a été signée « KOB », pour « Kop of Boulogne », un groupe hooligan historique du Paris Saint-Germain aux tendances néonazies, qui combat désormais surtout sous le nom de Jeunesse Boulogne. Parmi les agresseurs se trouveraient des membres du GUD – dissous en juin 2024 et qui opère désormais sous les étiquettes « Hussards Paris » et « Yamna Squad ». Le groupe était anciennement dirigé par le militant néonazi Marc de Cacqueray-Valmenier, qui a depuis pris du recul. C’est désormais Gabriel Loustau, fils d’Axel Loustau – un proche de Marine Le Pen et ancien membre du RN – qui a repris le flambeau de la mouvance parisienne. La présence de néofascistes lyonnais est également probable, au vu des slogans lancés par le groupe lors de sa fuite.
L’Actit compte porter plainte suite à l’attaque. Le parquet de Paris a indiqué avoir ouvert une enquête pour « tentative d’homicide volontaire », alors que les six individus interpellés ont été placés en garde à vue ce dimanche. Pierre est sorti de l’hôpital après plusieurs points de suture et son pronostic vital n’est plus engagé.
« Ce qui s’est passé est extrêmement grave », tempête Marie. « Le quartier de Strasbourg Saint-Denis est un quartier multiculturel, marqué par l’antiracisme et l’antifascisme. C’est notre quartier, on doit le défendre. » Plusieurs députés de la France Insoumise, dont Raphaël Arnault et Thomas Portes, ont réagi sur les réseaux sociaux, réclamant une prise au sérieux de la gravité de l’attaque. Sophie Binet, porte-parole de la CGT, a décrit une attaque « d’une violence inouïe, doit être fermement condamnée et les auteurs jugés ». « J’apporte tout mon soutien à l’ensemble des camarades attaqués. Ne l’oublions pas : le fascisme tue. Résistance. » Young Struggle, accompagné de nombreuses organisations, syndicats et partis de gauche, appelle à un rassemblement ce lundi 17 février à 18h devant la gare de l’Est à Paris.
(1) Les prénoms ont été modifiés.
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