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«Reprendre l’initiative»
Ce vendredi 14 février, l’événement Peoples’ platform Europe démarre à Vienne, la capitale autrichienne. Une proposition internationaliste ambitieuse et unique qui vise à réunir des organisations de jeunesse pour contrer la montée des périls qui menacent l’humanité : fascisme, guerre et désastre écologique. Ces trois jours de réunions ont pour slogan «reprendre l’initiative», une idée salutaire, dans un contexte où notre camp semble sans cesse reculer, se contentant de répondre aux attaques adverses.
160 groupes anticolonialistes, féministes, révolutionnaires et écologistes venus de plus de 30 pays européens sont ainsi réunis dans un même lieu pour construire une nouvelle internationale. D’emblée, l’organisation est à couper le souffle : l’événement a lieu dans la majestueuse université de Vienne, située au cœur de la ville. Des centaines de personnes se retrouvent au matin, dans un hall orné d’étendards colorés, de photos de lutte et constellé de stands proposant des ressources aux participant-es.
Les échos de plusieurs langues se mêlent, des camarades se découvrent, alors que l’Académie de la Modernité Démocratique, l’organisation à l’initiative de ce week-end, distribue des casques qui permettent d’écouter une traduction simultanée des échanges dans plusieurs langues. Un tour de force.
À 10h30, dans un amphithéâtre plein à craquer, l’artiste brésilienne Rojda inaugure cette rencontre, avec une puissante chorégraphie scénique, prolongée par une danse de femmes kurdes accompagnées par des musiciens. Puis une série d’interventions plante le décor : l’introduction nourrie d’un porte-parole de l’organisation dresse un bilan de la situation, alarmante à tous les égards, propose différentes perspectives internationalistes et enfin pointe une série d’écueils de la gauche occidentale, qui la condamnent à l’impuissance politique.
Le sociologue californien William Robinson déploie un état des lieux à la fois clair et glaçant, il décrit de manière précise la crise structurelle du capitalisme que nous traversons, marquée par des inégalités inédites dans l’histoire de l’humanité. Dans ce contexte, les dominants ne cherchent plus à résorber la crise du système, mais à l’aménager par la guerre et le fascisme.
Le chercheur explique comment plusieurs milliards de personnes sont désormais reléguées et considérées comme inutiles au système capitaliste. Les riches pensent désormais pouvoir se passer d’une grande partie des pauvres. Dans l’esprit de nos dirigeants se disputent désormais deux options : celle expérimentée à Gaza, un capitalisme exterminateur et colonial, et celle mise en œuvre au Salvador, c’est-à-dire de confiner la population superflue dans des complexes carcéraux et des zones de non vie. Gaza et le Salvador préfigurent notre avenir funeste si nous ne parvenons pas à briser la machine.
Mireille Fanon Mendès-France prend la parole pour déployer une stimulante généalogie du colonialisme et de la négrophobie, illustrée d’exemples historiques, afin de réclamer des gestes de réparations de la part des anciennes puissances impériales à l’égard des peuples qu’elles ont réduit en esclavage ou dépossédés. La philosophe féministe marxiste Silvia Federici intervient en direct depuis New York afin d’analyser la nouvelle phase du capitalisme patriarcal qui est la notre, en revenant sur la contre-révolution initiée depuis les années 1970, et appelle à reprendre la rue. Enfin, le chercheur irlandais John Holloway décrypte et se réapproprie le concept de «désespoir», qui n’est selon lui pas synonyme de soumission et d’abandon, mais au contraire de combat. De la rage d’une humanité désormais dos au mur, condamnée à résister. «Il faut organiser notre désespoir» insiste-t-il.
Cette matinée stimulante se conclut par une délicieuse cantine.
Pas le temps de chômer : pas moins de neufs ateliers se réunissent au pied levé pour travailler sur l’antifascisme, le militarisme, les médias indépendants ou l’autonomie. À chaque fois, il s’agit d’élaborer des stratégies communes pour accroître notre efficacité collective, partager des expériences, échanger des points de vue. L’équipe de Contre Attaque est invitée à intervenir dans le cadre de l’atelier sur les médias, intitulé «la conquête des cœurs et des esprits». C’est l’occasion d’entendre et de découvrir différents autres collectifs produisant de la contre-information, venus de Suisse, d’Italie, du Kurdistan, de Catalogne ou encore de Grèce, et d’ébaucher une coordination à venir. Un travail qui se poursuivra ce samedi.
Cette journée studieuse se conclut par un concert organisé dans une salle viennoise le soir. Les deux journées à suivre s’annoncent déjà passionnantes, et on ne peut que saluer la capacité d’organisation de Peoples’ Platform et de l’Académie de la Modernité Démocratique.
https://contre-attaque.net/2025/02/15/vienne-une-premiere-journee-internationaliste-enthousiasmante/
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