Billet de blog 12 février 2025
L’annonce du passage du président Macron accompagné du Premier ministre indien Narendra Modi, le 12 février sur le site ITER à Cadarache, m’a poussé à reprendre ce dernier écrit en cours.
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L’Inde fait partie des 7 pays partenaires du projet ITER avec l’Union européenne, la Russie, le Japon, les États-Unis, la Chine et la Corée du Sud. Macron aura beau fanfaronner, ITER est un fiasco total, un projet délirant, ruineux et obsolète.
Le 14 novembre 2024 se tenait à Peyrolles la réunion publique annuelle intitulée : ITER, 15 ans : quel bilan?
Je m’attendais au grand jeu pour l’évènement et récupérer là quelques informations récentes sur le chantier ITER…Mais surprise, rien de tout cela !
Une salle polyvalente quelconque, aucun décor, aucun document disponible, une lumière blanche peu agréable, une quarantaine de personnes présentes, que des internes ( salariés CEA ITER*, membres de la CLI, élus locaux, quelques membres syndicaux)
Pour l’événement tables et chaises étaient agencées autrement « pour une ambiance plus conviviale un peu cabaret » ai-je entendu dire. Ah !?
Pietro Barabaschi,, Directeur Général ITER n’était pas là.
Aucun ordre du jour pour annoncer le déroulement de la soirée avec le nom des intervenants, comme les fois précédentes. Une très maigre présentation du projet ITER ( 5 ou 6 images) et c’en était fini. Et « place aux questions de la salle ». Ah !..
Bref, la réunion publique ITER la plus minable à laquelle j’ai assisté . Une réunion publique à l’image du bilan ITER.
ITER, quel bilan ?….un désastre !
Nous l’écrivions déjà en 2005 avec l’association MEDIANE « ITER, un projet nucléaire dangereux, ruineux et perdu d’avance»
Les dernières nouvelles Importantes concernant ITER sont tombées le 3 juillet 2024 lors de la conférence de presse de Pietro Barabaschi, l’actuel Directeur Général ITER, des nouvelles qui étaient attendues depuis un an.
Un nouveau calendrier : 9 années de retard supplémentaires !
Le premier plasma était pour 2016 au départ, puis reporté à 2025. Il est renvoyé à 2034. On en est à 18 ans de retard.
Et avec le nouveau calendrier, un coût supplémentaire de 5 milliards € !
Soit à ce jour au moins 25 milliards d’euros d’argent public, un coût multiplié par cinq. Et en réalité plus de 40 milliards d’euros en comptant la participation en nature des pays partenaires du projet.
Le Directeur ITER a reconnu que « La fusion ne peut pas arriver à temps pour résoudre les problèmes auxquels notre planète est aujourd’hui confrontée, et des investissements dans d’autres technologies, connues et inconnues, sont absolument nécessaires »
Pourtant les discours et engagements pour faire accepter ce projet de fusion nucléaire étaient tout autre en 2006 au moment de cette mascarade de débat public.
On pouvait même lire qu’après ITER était prévu DEMO, démonstrateur pré-industriel, pour« prouver la faisabilité industrielle de cette technologie vers 2040 et démontrer que la fusion peut, à l’horizon 2050, produire de l’électricité à l’échelle industrielle ».
Une fois encore les 7 pays partenaires ( Union européenne, Russie, Japon, États-Unis, Chine, Inde et Corée du Sud) sont d’accord pour payer davantage. Mais le Directeur ITER envisage à présent de trouver des acteurs privés pour tenter de combler ce gouffre financier.
Plusieurs entreprises privées n’attendent plus rien d’ITER mais croient dur dans la fusion nucléaire et promettent une production d’électricité dans des délais plus courts.
Certains affirment même qu’ITER sera obsolète au moment de sa mise en service.
Je rajouterai que ITER ne fonctionnera probablement pas et qu’il n’y aura Jamais de production industrielle d’électricité grâce à la fusion nucléaire.
La fusion nucléaire ne sera ni « une révolution pour l’humanité », ni « l’énergie du futur ».
Ce n’est pas une énergie propre, ni même une énergie abondante. Elle est dangereuse pour la santé humaine et produit des déchets radioactifs.
Son intérêt est avant tout militaire et tenter de sauver la filière nucléaire mal en point depuis plusieurs années.
ITER ne marchera probablement jamais et finira par un fiasco total, pire que SuperPhénix* qui devait être le fleuron de l’industrie nucléaire française.
Mais en dilapidant tous ces milliards, le monstre ITER aura réussi à bloquer toute avancée vers un autre modèle énergétique et imposer la poursuite de l’industrie nucléaire pour les années futures.
Ce mythe d’une énergie gratuite et inépuisable qui permettrait de consommer et gaspiller indéfiniment est à éliminer des esprits une fois pour toutes. Il est temps aussi d’en finir avec ce gigantisme et cette centralisation de la production dans les mains d’états dirigistes et puissants, au service des plus riches.
Les solutions pour le futur sont connues depuis longtemps :
économiser l’énergie, mettre fin au gaspillage, développer et améliorer les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique) seules vraies énergies propres et d’avenir.
Et ne pas les développer de manière industrielle et centralisée, ce qui est le cas évidement et malheureusement.
L’industrialisation du monde est à combattre. Un nouveau projet de société est préalable à tout projet sur l’énergie.
L’avenir est à de petites unités de production, locales ou régionales, d’une technologie accessible au plus grand nombre, peu gourmandes en énergie, évitant le coût de la distribution.
La fusion nucléaire, comme la fission, est une énergie dangereuse, sale et coûteuse. Une technologie réservée aux pays riches, complexe, centralisée, qui provoque prolifération, dépendance, injustice et guerres.
Antoine Calandra, 11février 2025
* CEA : Commissariat à l’Énergie Atomique
* CLI: Commission locale d’information
* SuperPhénix, ancien réacteur nucléaire, mis en service en 1986, définitivement arrêté en 1997, prototype de réacteur à neutrons rapides à caloporteur sodium. Une machine dangereuse qui a englouti plus de 60 milliards de francs pour ne tourner que trente mois en douze années d’existence.
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Où en est le chantier ITER fin 2024 ? Du bricolage pour rattraper les erreurs.
Quelques nouvelles des récents travaux sur le chantier ITER.
Les modules de la chambre à vide
Je parlais dans le précédent texte des problèmes identifiés sur les trois premiers modules de la chambre à vide qui avaient mis à l’arrêt l’assemblage du tokamak en novembre 2022 (graves problèmes de soudure).
Des techniques de soudage identiques ayant été utilisées pour les neuf secteurs de la chambre à vide, on sait maintenant que tous les modules sont affectés par ces non-conformités dimensionnelles (quatre modules fournis par la Corée, les cinq autres par l’Europe)
Après deux ans d’arrêt, les travaux ont repris. Les trois modules déjà assemblés ont été désassemblés. Chaque module pèse 1380 tonnes et fait 18 mètres de haut ! Il avait fallu trois années pour leur assemblage !
En plus, le premier des 9 modules était déjà installé dans la fosse d’assemblage. Il a fallu le ressortir et le démonter.
Les réparations, qui ressemblent vraiment à du bricolage, vont consister à combler les creux et raboter les bosses de manière à réajuster le profil des secteurs et pouvoir plus tard les souder les uns aux autres.
On estime qu’il faudra environ 24 kilos de métal pour chaque secteur. Un des secteurs est particulièrement affecté par ces non-conformités dimensionnelles, 400 kilos de métal seront nécessaires. Et la réparation s’annonce très difficile.
Rappelons que la précision requise est de l’ordre du millimètre. Toute fuite entrainerait une libération de tritium radioactif. Il va falloir du bon bricolage !
Une fois que tous les secteurs auront été réparés le processus d’assemblage des modules pourra reprendre. Les neuf modules seront alors positionnés dans le puits d’assemblage du tokamak avant d’être soudés les uns aux autres. Un travail énorme !
L’ASN n’est pas vraiment convaincu et suit de près ces travaux. Elle avait déjà alerté en mai 2020 des non-conformités dimensionnelles des secteurs de la chambre à vide.
La fin des réparations / assemblages est prévu pour fin 2027/début 2028. Un seul module est réparé à ce jour.
Les fissures de corrosion des panneaux d’écran thermique
Il y a un autre problème à régler sur ces modules. En novembre 2021, des tests d’étanchéité à l’hélium ont mis en évidence des fuites au niveau de l’écran thermique de la chambre à vide. Une équipe d’experts s’est penché sur le problème. Et donc les fuites sont dues à un double phénomène : des contraintes générées par le cintrage des tubulures du circuit de refroidissement et par leur soudage sur les panneaux de l’écran thermique. Et aussi à la présence de résidus de chlore mal éliminés lors des opérations de rinçage.
Ce qui a provoqué une « fissuration par corrosion sous contrainte » : des fissures de 2,2 millimètres de profondeur se sont développées dans les tubulures.
Début 2023, les équipes ont décidé de démonter et de remplacer les 23 kilomètres de tubulures de refroidissement installées sur les écrans thermiques.
Il est aussi probable que quelques panneaux soient re-fabriqués. « Cette solution pourrait se révéler plus économique que la réparation, affirme le directeur général d’ITER. Les travaux sont en cours.
13 soudeurs avec des certificats de qualifications falsifiés
Coté soudures encore, on apprenait en mai 2023 que 13 soudeurs travaillant sur le chantier ITER avaient falsifié leur certificat de qualifications, une ‘information révélée par Le Canard enchaîné, confirmée par l’ASN qui a demandé à Iter Organization de « préciser l’étendue des falsifications mises en lumière et leur éventuel impact sur des activités portant sur des équipements importants pour la sûreté ».
IO a dû aussitôt interdire l’accès du chantier aux 13 soudeurs, suspendre les contrats d’embauche avec l’entreprise sous-traitante, détruire et refaire les soudures effectuées par ces soudeurs non qualifiés et procéder à une vérification complète de tous les certificats de soudage des travailleurs travaillant sur le chantier.
Les soudeurs qualifiés sont très recherchés dans l’industrie nucléaire. Les problèmes de fissures et de « corrosion sous contrainte »sont récurrents dans le parc nucléaire français !
Du tungstène à la place du béryllium pour tapisser la chambre à vide de tokamaks
En 2023, ITER Organization a décidé de remplacer le matériau de protection de la première paroi de la chambre à vide, une surface d’environ 600 m². Il ne sera plus en béryllium mais en tungstène,
J’avais déjà parlé des dangers du béryllium, très toxique à doses infimes. Le tungstène est moins toxique mais pose d’autres problèmes. De nouvelles études vont être nécessaires et des incertitudes physiques demeurent. Car il suffirait qu’un fragment minime de tungstène se retrouve dans le plasma pour le refroidir fortement engendrant une altération de la réaction, risque de ruiner la création d’énergie.
Et les problèmes sur le chantier ITER ne s’arrêtent pas là !
Antoine Calandra, 12 février 2025
https://blogs.mediapart.fr/antoine-calandra/blog/120225/iter-15-ans-quel-bilan-un-desastre
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