«Levez-vous!» : ils résistent au rouleau compresseur de l’IA

Reportage — Numérique

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Un contre-sommet dénonçant les dérives de l’intelligence artificielle s’est tenu à Paris le 10 février. L’occasion pour les participants de partager leurs craintes, mais aussi leurs solutions.

Paris, reportage

« C’est le rush, ça n’arrête pas ! » sourit une ouvreuse. En ce 10 février, le public afflue dans la grande salle du théâtre de la Concorde, dans le 8e arrondissement de Paris. En cet après-midi pluvieux, la foule ne vient pas apprécier un spectacle, mais partager ses craintes et ses solutions face à la révolution numérique qui vient : l’intelligence artificielle (IA).

Un contre-sommet, organisé à l’initiative du philosophe technocritique Éric Sadin, pour dénoncer la « gigantesque messe propagandiste » officiée par les dirigeants de la planète et les industriels du numérique au Sommet pour l’action sur l’IA qui se tient pendant deux jours au Grand Palais. Suppression d’emplois, dégâts environnementaux, renforcement des inégalités, exploitation d’enfants, conflits internationaux… En six tables rondes, chercheurs, syndicalistes, artistes et associations ont chacun évoqué les répercussions de l’intelligence artificielle dans leur quotidien et dans le monde.

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À France Travail, par exemple, son déploiement a entraîné « une perte de sens, a témoigné Sandrine Larizza, syndicaliste CGT. Les conseillers ne font plus que des microtâches à la chaîne ». Cette technologie met en péril « ce qui fait de nous des êtres humains. On devient des robots de chair et de sang », a prévenu Éric Sadin.

Éric Sadin : «  Nous devons redevenir acteurs de notre destin.  » © Mathieu Génon / Reporterre

Grâce à un infaillible soutien politique et financier, l’IA s’immisce à toute vitesse dans le quotidien, s’implante dans les entreprises et dans les services publics, selon l’écrivain : « Elle est devenue la seule voie du futur et inonde toutes les autres possibles. L’IA nous pose une question morale : à l’âge des systèmes omniscients, quel va être notre rôle sur Terre ? Devenir des assistés par les écrans ? ». Et de clamer : « Nous devons redevenir acteurs de notre destin. »

Mais comment lutter contre ce rouleau compresseur qu’est l’IA, ralentir la cadence, tout en reconnaissant ses opportunités et ses atouts ?

Le théâtre de la Concorde, à Paris, a fait salle comble. © Mathieu Génon / Reporterre

« Levez-vous ! »

Parmi les spectateurs, beaucoup se posent la même question. La peintre-sculptrice Geneviève Daveine ne le sait pas encore. Inquiète pour ses enfants, elle a fait le déplacement à la recherche d’idées. Ce qui est sûr, c’est que la septuagénaire n’est pas emballée par le mode d’action « ni les arguments » du collectif Anti-Tech Resistance.

Le collectif Anti-Tech Resistance au début du contre-sommet. © Mathieu Génon / Reporterre

Avant ce contre-sommet, le collectif a occupé la scène pendant une vingtaine de minutes, parfois sous les huées, parfois sous les applaudissements du public. Pour la quinzaine de militants, rien ne vaut plus que la lutte sur le terrain, les blocages, la radicalité.

« L’heure est grave, nos libertés et la vie sur Terre s’éteignent. Il faut déclarer la guerre au système industriel. Qu’est-ce que vous faites assis ? Levez-vous ! » ont-ils appelé dans leur mégaphone, le poing dressé. Le message n’est pas vraiment bien passé : « Allez au Grand Palais plutôt ! » ont crié en réponse quelques hommes.

« Inverser le cours des choses »

Au-delà des actes de rébellion, de nombreuses pistes ont été évoquées durant les débats. Certaines estimant que le nom « intelligence artificielle » devrait être changé au niveau européen car « ça n’a rien d’une intelligence » ; d’autres incitant à l’engagement syndical, le seul moyen d’aider les salariés à se battre contre l’autonomisation des métiers ; beaucoup ont aussi rappelé l’importance de communiquer sur les effets néfastes de l’IA, encore souvent méconnus de la population.

Pour eux, l’IA est une «  féroce machine  ». © Mathieu Génon / Reporterre

Quelques-uns ont enfin abordé les gestes individuels, tout aussi primordiaux. Face aux élèves qui font leurs devoirs à l’aide de ChatGPT, l’enseignante en histoire-géo Cécile Vidil a, par exemple, adapté ses pratiques. « Maintenant, tout le travail de réflexion est fait en classe. À la maison, je ne leur donne plus que les cours magistraux à recopier », explique-t-elle. Le graphiste Patrick Hoarau, lui, « fait attention aux outils numériques » qu’il utilise : « Je boycotte Google et j’entretiens depuis vingt ans mon matériel, même si c’est de plus en plus difficile. »

Le refus est aussi la voie privilégiée d’un jeune homme de 25 ans ayant pris la parole après une table ronde : « Ici se trouve l’élite intellectuelle, qui a le pouvoir d’inverser le cours des choses. Personnellement, je n’ai pas de smartphone, et je trouve ça terrible que la majorité d’entre vous en possède un. C’est la première compromission aux capitalistes et aux financiers qui se trouvent derrière cette féroce machine », a-t-il regretté. Des points souvent bruyamment approuvés par les voisins et les voisines de réflexion. Reste à mettre cela en pratique.

https://www.laquadrature.net/2024/10/11/parution-du-livre-technopolice/

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