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Que cherchent-ils à cacher ? Éléments de réponse
«Honte à vous !» C’est le cri qui s’est élevé à la Knesset, le parlement israélien ce mercredi 22 janvier. C’est le cri de familles de victimes israéliennes, tuées le 7 octobre, et qui réclament la vérité sur cette attaque depuis quinze mois. Les députés israéliens ont mis fin à leurs espoirs. Ils ont voté contre la création d’une commission d’enquête d’État sur les événements du 7 octobre 2023.
Ceux qui ont empêché l’enquête sont les membres de la coalition gouvernementale d’extrême droite, celle de Netanyahou.
Ces élus ont ainsi bloqué toute possibilité de créer une commission par voie parlementaire pour les six prochains mois. Les représentants du Conseil d’Octobre, un collectif de familles d’israéliens défunts, ont laissé exploser leur colère.
La députée israélienne qui avait réclamé la commission d’enquête estime que le gouvernement cherche à «fuir ses responsabilités», et son groupe a estimé que «le peuple d’Israël ne pardonnera pas aux membres de la coalition d’avoir empêché une commission d’enquête d’État sur le plus grand désastre de l’histoire du pays».
Mais que cherchent à cacher Netanyahou et ses complices ? Pourquoi les dirigeants fascistes d’Israël refusent-ils une enquête sur un drame qu’ils ont pourtant massivement instrumentalisé pour déclencher un génocide à Gaza ? Quelques éléments de réponse.
Le soutien de l’extrême droite israélienne au Hamas
Avant même le 7 octobre, Netanyahou et ses amis étaient les alliés objectifs du Hamas. «Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie». Ce sont les propos qui étaient tenus par le Premier Ministre israélien.
Le Times of Israël explique dans un article que «pendant des années, les différents gouvernements dirigés par Benjamin Netanyahu ont adopté une approche qui divisait le pouvoir entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie, tout en prenant des mesures qui renforçaient le groupe terroriste palestinien du Hamas».
De son côté, Bezalel Smotrich, qui est aujourd’hui ministre des Finances et membre de l’aile la plus radicale des colons, déclarait en 2015 : «L’autorité palestinienne est un fardeau, le Hamas est un atout».
Avi Primor, ancien ambassadeur d’Israël, l’avait confirmé dans une interview télévisée la même année 2015 : «C’est le gouvernement israélien, c’est nous qui avons créé le Hamas, afin de créer un poids contre le Fatah».
La droite israélienne a elle-même créé son ennemi préféré. Elle préférait un mouvement palestinien confessionnel plutôt qu’une opposition anticolonialiste laïque et unie. Si une commission d’enquête sur le 7 octobre faisait son travail, elle pointerait inévitablement la responsabilités de ceux qui, en Israël, ont choisi de renforcer le Hamas depuis des années.
Une attaque annoncée et ignorée
Bien avant le 7 octobre, l’unité 414 avait signalé les préparatifs d’une attaque imminente. Cette unité de l’armée israélienne, majoritairement féminine, se trouve sur la base militaire de Nahal Oz, située en bordure de Gaza. Elle est chargé de surveiller la frontière, à l’aide de puissantes caméras. Les militaires qui s’y trouvaient avaient prévenu leur hiérarchie de mouvements suspects, mais l’état major israélien n’en a pas tenu compte et n’a pas envoyé de renforts à cette unité.
Le 7 octobre, la base de Nahal Oz est tombée rapidement, et ses soldates ont été tuées dans les combats ou enlevées. Ont-elles été sacrifiées délibérément par Netanyahou ? C’est une question que pourrait se poser une commission d’enquête.
L’armée et les services de renseignement israéliens avaient également reçu de multiples avertissements des services secrets égyptiens qui faisaient état, eux aussi, d’un projet d’attaque.
Au sein même des renseignements israéliens, l’unité 8200 avait même révélé que les entraînements des combattants du Hamas portaient sur l’assaut de bases militaires et le «transfert des soldats captifs». L’unité estimait que l’objectif était de prendre «200 à 250 otages». C’est précisément ce qu’il s’est passé. Le gouvernement israélien n’en a pas tenu compte.
Pire, un énorme festival de musique a été maintenu par les autorités israéliennes littéralement aux portes de Gaza, et l’armée elle-même reconnaît que ses effectifs étaient dégarnis le 7 octobre, car ils étaient occupés à sécuriser des colonies à l’autre bout du pays. Un choix délibéré ?
Qui a tué les victimes israéliennes du 7 octobre ?
Au sein de l’armée israélienne, il existe une consigne appelée «Directive Hannibal» visant à empêcher par tous les moyens la capture de soldats, y compris en sacrifiant la vie des personnes capturées. Elle est utilisée depuis les années 1980. Avant la guerre de Gaza en 2008-2009, le lieutenant-colonel Shuki Ribak affirmait qu’aucun soldat ne serait enlevé «à n’importe quel prix. Dans n’importe quelle condition. Même si cela signifie qu’il se fait exploser avec sa propre grenade avec ceux qui essaient de le capturer».
L’usage de cette doctrine lors de l’attaque du 7 octobre a été sérieusement questionnée. Le grand quotidien Israélien Haaretz y a répondu de manière catégorique : dans une enquête parue le 7 juillet 2024, le journal confirme que la directive Hannibal a été employée pour empêcher le Hamas de ramener des otages, y compris en tuant ces derniers.
Des documents et des témoignages prouvent qu’Israël n’a pas hésité à massacrer ses propres soldats, mais aussi des civils. Dès 7h18, lorsque le commandement israélien apprend un enlèvement dans un poste frontière israélien à Gaza, l’état-major divisionnaire donne l’ordre «Hannibal à Erez» et envoie un drone d’assaut.
Plus tard dans la matinée, le commandement ne se contente plus d’ordonner des frappes sur les bases de sa propre armée, mais donne «des ordres plus généraux». À 10h32, un général fait tirer des obus vers la bande de Gaza, «même si les soldats et les civils se trouvaient dans des zones ouvertes ».
À 11h22, l’ordre est encore plus clair : «Pas un seul véhicule ne doit retourner à Gaza». Une source a confirmé à Haaretz : «Tout le monde savait à ce moment-là que de tels véhicules pouvaient transporter des civils ou des soldats kidnappés… Tout le monde savait ce que signifiait, ne laisser aucun véhicule retourner à Gaza».
Les images prises après les combats montrent de nombreuses carcasses de voitures totalement carbonisées, comme soufflées par des missiles, et des maisons dévastées par des déflagrations. Sur les zones de combat dans les Kibboutz, le général Barak Hiram avait déjà admis au New York Times avoir ordonné à un commandant de char de tirer sur la maison «même au prix de victimes civiles». Les familles des 14 Israéliens morts à ce moment exigent une enquête.
Yasmin Porat, une israélienne de 44 ans, s’est retrouvée au milieu des tirs entre le Hamas et l’armée israélienne le 7 octobre. Prise en otage dans un kibboutz, elle a été utilisée comme bouclier humain par un assaillant qui voulait se rendre aux soldats israéliens, et a donc été sauvée. Elle a raconté dès le mois de novembre 2023, dans une émission de radio israélienne, la manière dont s’est déroulée l’opération. Elle a d’abord été retenue pendant plusieurs heures et traitée «humainement», puis elle raconte que l’armée israélienne a attaqué par surprise le bâtiment où elle était retenue avec d’autres, et que des otages israéliens auraient été «tués par les tirs croisés très nourris» et des tirs d’obus de char sur la maison.
Lorsque le journaliste lui demande : «Il est donc possible que nos forces aient tiré sur eux ?» elle répond : «Sans aucun doute», avant d’ajouter : «Ils ont éliminé tout le monde, y compris les otages».
Une commission d’enquête pourrait chercher combien d’israéliens ont été tués par leur propre armée le 7 octobre.
La fabrication de mensonges d’État
L’organisation caritative Zaka, reconnue par l’État israélien et animée par des juifs orthodoxes, a été très médiatisée après le 7 octobre. C’est elle qui avait certifié avoir vu le corps de «vingt enfants brûlés» dans le Kibboutz de Be’eri : «J’ai vu 20 enfants ensemble, les mains liées dans le dos, et ils ont été abattus et brûlés, en deux piles» affirmait l’un des membres. Il est avéré que c’était un mensonge, pourtant relayé par tout le gouvernement israélien, puis par les médias du monde entier.
L’organisation Zaka a été visée par plusieurs accusations de viol, de maltraitance et de détournement de fonds dès 2021. Pourquoi les autorités israéliennes ont-elles envoyé de tels illuminés, intégristes religieux et mis en cause par la justice, pour «identifier les victimes» ?
Un membre d’United Hatzalah, un groupe de « secouristes, urgentistes et ambulanciers » a raconté dans les médias américains : «Nous avons vu un petit bébé dans un four. Ils ont mis, ces salauds, ces bébés dans un four et ont allumé le four». Cette information qui a fait le tour du monde a elle aussi été démentie par plusieurs journalistes israéliens.
Même question : il s’agit d’une organisation bénévole. Pourquoi ne pas avoir envoyé de professionnels des secours sur les lieux, pour décrire la scène aux médias ? Pour faciliter la production de fake news ?
Après le 7 octobre : les israéliens tués à Gaza
« Tous trois étaient torse nu, l’un des personnages portant un bâton avec un drapeau blanc de fortune. Le soldat […] a immédiatement ouvert le feu et crié « terroristes ! » aux autres ».
C’est le témoignage d’un militaire israélien à Gaza en décembre 2023, après que trois otages israéliens aient été tués par leur propre armée. Ils avaient pourtant crié «au secours» en hébreu, disposé des draps avec écrit SOS, mais avaient tout de même été abattus.
Les soldats se sont rendus compte de leur méprise en voyant que les défunts ne «ressemblaient pas» à des palestiniens. L’un d’eux est roux à la peau claire. La hiérarchie leur a donné l’ordre de tuer tout ce qui bouge à Gaza, il n’ont pas réfléchi. Une commission pourrait enquêter sur ces ordres génocidaires, qui ont eu pour conséquence de tuer même les captifs israéliens.
Parmi les otages, de nombreux autres ont pu être emportés par les frappes israéliennes qui ont pilonné Gaza à une cadence infernale. Il est établi que Netanyahou a délibérément saboté les tentatives de négociation, de cessez-le-feu et de libération de captifs, malgré la demande des familles et des manifestations massives à Tel Aviv. Combien d’israéliens ont été tués entre-temps sous les bombes de l’aviation israélienne ?
Enfin, depuis l’attaque terrestre de Gaza qui a débuté le 29 octobre 2023, la presse estime qu’en moyenne deux à six soldats ont été tués chaque semaine par des tirs amis. Le 16 mai 2024, un char d’une unité de blindés israélienne a tiré deux obus sur un bâtiment où étaient rassemblés des soldats à Jabalia, tuant 5 d’entre eux et blessant les autres.
Encore une question sur laquelle une commission d’enquête parlementaire aurait pu se pencher. Mais toutes ces zones d’ombre, extrêmement troublantes, qui pourraient jeter un discrédit encore plus profond sur le gouvernement israélien, ne seront pas traitées par une commission d’enquête parlementaire.
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