Extrême droite, Gouvernement, Médias dominants, Nos articles favoris
Une partie de la presse possédée par les milliardaires se désolidarise du Président. La fin d’une époque ? Décryptage.
Alors qu’ils l’avaient porté au pouvoir en 2017 par une propagande unanime, les bourgeois semblent être en train de lâcher Macron. Depuis la dissolution, les troubles politiques impactent directement l’économie. Et ça, les bourgeois, ça les énerve.
Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser au traitement médiatique de ces dernières semaines. Alors qu’aucune critique du roi n’était permise, aujourd’hui elles pullulent. L’oligarchie des grands patrons de presse mise maintenant sur son nouveau poulain : l’extrême droite (et Louis Sarkozy sera sûrement le suivant).
À la veille de Noël, Le Parisien a par exemple accordé un entretien à Jean-Luc Mélenchon appelant à la démission de Macron. Un choix éditorial tout sauf anodin. Le Monde a de son côté révélé, dans quatre longs articles très documentés et basés sur 90 témoignages de l’entourage présidentiel, de nombreux propos et attitudes scandaleuses de Macron, notamment : «Le problème des urgences dans ce pays, c’est que c’est rempli de Mamadou», ou encore des insultes homophobes comme «Petit pédé» ou «grande tarlouze». La toute puissance et le racisme de Macron ne sont pourtant pas nouveaux, et les cercles qui côtoient le pouvoir en sont informés depuis longtemps. Pourquoi choisir aujourd’hui pour rendre public ces propos ?
Le capitalisme est un système intrinsèquement contradictoire. Il produit des crises à répétition qu’il ne peut réguler lui même. Depuis la crise de 1929, les États ont appris à réguler, règlementer et investir pour résoudre les crises. Le dernier grand exemple en date est celui du Covid, la décision de mettre à l’arrêt l’économie ne pouvait être prise par les entreprises. Pourtant celles-ci ne pouvaient continuer à fonctionner avec le risque sanitaire que représentait alors le Covid.
Il a donc fallu l’intervention de l’État pour réguler le travail, règlementer le ralentissement de l’économie et investir pour maintenir les salaires. Néanmoins et contrairement à la mise en scène de Macron à ce moment là, ces annonces mises en place par le décret du 16 mars 2020 d’Édouard Philippe alors Premier Ministre ont été suivies d’une loi votée à l’Assemblée Nationale afin d’encadrer ces mesures. C’est bien ce dernier point qui est primordial. La gestion de la crise Covid n’a pu être faite ainsi que parce que Macron avait la majorité absolue à l’Assemblée Nationale.
Depuis, Macron a démarré un second mandat chaotique et gouverné presque exclusivement par 49.3. Jusqu’en juin 2024, l’Assemblée Nationale ne censurait pas le gouvernement par peur de la dissolution. Mais l’été dernier, Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale suite aux élections européennes largement perdues au bénéfice du Rassemblement National.
Ce coup de poker politique n’était alors connu que de peu de personnes, il a surpris son propre camp politique jusqu’à ses plus proches, mais aussi ses soutiens parmi la bourgeoisie la plus puissante. Par exemple Bernard Arnault, que la dissolution a mis hors de lui. Le milliardaire a d’ailleurs mis des coups de pression pour s’assurer que Macron ne nommerait pas un-e Premier-e Ministre issu-e du NFP pendant les Jeux Olympiques, parti arrivé en tête des élections législatives anticipées. Les récents articles de presse semblent ainsi montrer un changement de stratégie d’une partie de la bourgeoisie.
Macron vient de nommer Bayrou, un opportuniste médiocre, pour ne pas perdre ses rares soutient à l’Assemblée Nationale. Bayrou a lui-même nommé un gouvernement comportant 19 Ministres du gouvernement Barnier reconduits et d’anciens ministres macronistes comme Gérald Darmanin ou Aurore Berger. Plus personne ne le soutien, à tel point que même le politicien le plus détesté de France, Manuel Valls, a réussi à revenir sur le devant de la scène.
Ce gouvernement ne tiendra probablement pas plus que quelques semaines, car il compte reconduire les mêmes politiques macronistes dans une Assemblée Nationale sans majorité pour les macronistes. Pourtant Macron a besoin de faire voter le budget 2025. Ce budget, qui s’annonçait d’une austérité sans précédent, est attendu par la bourgeoisie qui compte dessus pour améliorer sa rentabilité : un jour férié en moins, des coupes drastiques dans les services publics, des jours de carence en plus, le maintien des cadeaux fiscaux aux entreprises, etc.
L’aveu de faiblesse de Macron est immense, il ne peut plus débloquer la situation pour faire passer les lois attendues par la bourgeoisie qui l’a élu. Son hubris a conduit la France dans l’impasse et l’instabilité.
C’est pourquoi ses plus grands soutiens en 2017 sont en train de le lâcher. Le Parisien appartient au groupe LVMH, Le Monde est contrôlé par Xavier Niel qui est le gendre de Bernard Arnault. Récemment, on découvrait ainsi que ces deux médias ont lâché la brides aux articles critiquant le camps Macron. Celui-ci a raté son pari de la dissolution, qui reposait soit sur le retour d’une majorité dans l’hémicycle pour reprendre le contrôle grâce au barrage républicain qui l’avait élu en 2017 et 2022, soit d’aller au bout de son idéologie en mettant l’extrême droite au pouvoir. Tout a raté. Macron s’est montré imprévisible et incompétent, alors que les ultra-riches aiment contrôler la situation politique. Ils cherchent donc un nouveau serviteur.
De son côté, l’extrême droite a, depuis des années, parfait son image auprès de la bourgeoisie en prenant soin de réduire au néant son programme social tout en conservant sa base électorale par des fausses solutions aux problèmes que pose le capitalisme : la xénophobie. Cette base électorale étant de plus en plus solide, et les grands patrons de plus en plus rassurés par son programme, le basculement s’accélère. Le fascisme a toujours été la roue de secours du grand capital : l’extrême droite remplace la lutte des classe par la suprématie blanche et le nationalisme.
Si les médias du groupe Bolloré ont déjà, depuis longtemps, pris le train en marche par pure idéologie raciste et réactionnaire, les signaux envoyé par les autres grands médias montrent qu’une partie de la bourgeoisie est d’ores et déjà prête à voir advenir l’extrême droite au pouvoir. Mais ce n’est pas tant l’extrême droite qui les intéresse ici, c’est bien débloquer les institutions au plus vite pour poursuivre la course au profit.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi ce basculement arrive avec la nomination de Bayrou et non de Barnier. Premièrement la force du « Front Républicain » qui s’est opérée pour empêcher l’extrême droite de gagner le second tour des législatives est affaiblie. Le «Front Populaire» n’en a eu que le nom : contrairement à 1936, quand la victoire de la gauche avait été suivie de grèves massives et de blocages pour imposer l’application d’un vrai programme social, la semi-victoire de juillet dernier n’a été suivie de… rien. La rue est d’un calme absolu depuis plus de 6 mois et les directions syndicales semblent dans le coma, malgré les coups de force du pouvoir. L’atonie semble générale.
La nomination de Barnier a renforcé la résignation de la population ainsi que sa méfiance à l’égard des institutions, le gouvernement Bayrou composé de Darmanin et Valls est un coup supplémentaire aux dernières illusions démocratiques, ce qui fragilise encore davantage un hypothétique « Front Républicain ». La lassitude, conséquence des coups de force de Macron, pourrait bien avoir fait basculer une partie de l’électorat dans le refus de participer aux prochaines élections qui, rappelons-le, si Macron devait démissionner, devrait être organisée dans les 35 jours qui suivent. Aucune force politique ne sera plus prête que le Rassemblement National.
Deuxièmement, Donald Trump vient d’être élu au États-Unis. Son programme à la fois néolibéral et néofasciste risque de redistribuer les cartes du capitalisme mondial : il annonce des mesures protectionnistes pour les USA, qui vont mettre en péril certaines entreprises, en particulier européennes. Il est primordial pour la classe possédante française de rester compétitive. Aussi, à l’instar d’Elon Musk nommé à la tête d’un ministère de l’«efficacité gouvernementale», les grands partons français souhaitent accélérer les réformes libérales et le massacre des institutions, à l’exception des forces coercitives comme la police qui servira comme toujours de milice à l’État pour préserver les intérêts des entreprises.
Toutefois ces coup de forces de Macron font aussi tomber le masque de l’État. D’ordinaire, le président de la République a un rôle d’illusionniste, celui de laisser penser que l’État est au service des citoyens et que c’est le peuple qui dirige, notamment grâce aux élections. Macron a méthodiquement abimé les institutions et les gouvernements illégitimes de Barnier et Bayrou ont accentué le désintérêt envers les institutions. La bonne nouvelle, c’est que plus rien ne fait désormais illusion, les masques sont tombés. Ce n’est qu’en cessant de déléguer l’ensemble de la politique à la classe possédante radicalisée qu’il est possible de sortir de la route vers l’extrême droite tracée par Macron.
Comme le disait Mikhaïl Bakounine, théoricien de l’anarchisme et philosophe russe qui a notamment écrit sur le rôle de l’État : «Y a-t-il jamais eu, à n’importe quelle époque, dans n’importe quel pays, un seul exemple d’une classe privilégiée et dominante qui ait fait des concessions librement, spontanément, et sans y être contrainte par la force ou la peur ?»
https://contre-attaque.net/2024/12/30/macron-va-t-il-devoir-demissionner/
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