Ces dernières semaines on a entendu tout et son contraire, et à peu près n’importe quoi, à propos de la chute du gouvernement Barnier, annoncée pour demain suite aux 2 motions de censure déposées par LFI et le RN. Des motions qui emporteront vraisemblablement la majorité et feront tomber le Premier Ministre, pour la première fois depuis des décennies. Mettons un peu les choses au clair.
Les député-es de ce qu’on appelle le « socle commun », c’est-à-dire cette joyeuse bande de droite extrême comprenant macronistes et Républicains, ont multiplié les déclarations catastrophistes afin d’empêcher la censure et surtout de continuer à se présenter comme les « garants de l’ordre », quitte à raconter n’importe quoi et à mentir.
Il est en outre assez cynique d’appeler à la stabilité et se présenter comme garants de l’ordre lorsqu’on est député-e macroniste, alors que son propre chef de camp est le seul et unique responsable du désastre ambiant. Ces gens rejouent le refrain du «c’est nous ou le chaos», entendu et répété à chaque élection. Sauf qu’à présent, tout le monde sait que ce sont EUX le chaos.
Nous évoquions ce week-end le cas de M. Kasbarian, ministre de la Fonction publique qui, face au risque d’un rejet du Projet de loi de finances pour 2025, agitait lors d’une interview sur BFM la possibilité d’un blocage des paies et des remplacements des fonctionnaires. Les syndicats de la fonction publique avaient répondu qu’il s’agissait avant tout de «mensonges et de menaces», car il serait illégal de mettre en œuvre des suspensions de salaires.
L’ancienne première ministre Élisabeth Borne nous promet également une descente aux enfers : « Ça veut dire qu’au 1er janvier, votre carte Vitale ne marche plus, les retraites ne sont plus versées… » Barnier menace d’une hausse brutale d’impôts en cas de censure. Le président du Sénat Gérard Larcher dénonce les députés qui «mettent en péril la vie quotidienne de nos concitoyens». Sauve qui peut.
« C’est une catastrophe si le gouvernement tombe, cela enverrait un signal dévastateur aux marchés » en rajoute une couche un député macroniste. Preuve s’il en est que dans un régime néolibéral, ce sont les marchés financiers qui décident de la marche du pays.
La macronie a décidé de précipiter le pays dans l’abîme et veut aujourd’hui en faire payer le prix à tout le monde – enfin, aux plus précaires, les grandes entreprises et les propriétaires se sortent généralement très bien d’une crise économique frappant leur pays, on vous rassure – sans jamais remettre en question leur propre responsabilité. Si vous souhaitiez demander son avis à M. Macron, il faudrait aller lui demander en Arabie Saoudite, où il est en déplacement aujourd’hui – le sens du timing, toujours !
En réalité, voilà les différentes situations possibles. Que l’on ait un nouveau gouvernement formé dès le mois de décembre, ou que le gouvernement actuel reste en charge des « affaires courantes, cela change peu de choses pour le moment. Ce gouvernement peut déposer une « loi spéciale » afin de reconduire le budget de 2024 et ainsi assurer la continuité du fonctionnement de l’État. C’est là où les choses se corsent et deviennent plus incertaines, puisque c’est une plongée dans l’inconnu…
Scénario 1
La loi spéciale est votée. Le budget de 2024 est reconduit. Bonne nouvelle pour les retraité-es : toutes les pensions seront revalorisées dès janvier, au lieu du décalage voulu par le gouvernement. Moins bonne nouvelle pour d’autres, qui paieront plus d’impôts avec la fixation du barème de l’impôt.
Scénario 2
La loi spéciale est rejetée. Macron sort de sa poche le fameux article 16, dont beaucoup ont entendu parler pour la première fois lorsque son ombre a plané sur nous après le résultat des législatives anticipées. Cet article, en gros, nous fait basculer dans la dictature puisqu’il confère les pleins pouvoirs au président. Il n’a été utilisé qu’une fois de façon éphémère par De Gaulle, lorsque des généraux fascistes ont tenté de renverser la République pendant la guerre d’Algérie, en 1961. Au niveau du budget et sur tous les sujets, Macron pourrait donc faire à peu près ce qui lui chante. En attendant une nouvelle dissolution, en juin prochain.
Scénario 3
La loi spéciale est rejetée. L’article 47 de la Constitution est activé. Il permet au gouvernement de ne pas passer par le vote pour promulguer le projet de finance de budget, mais par ordonnance. Il subsiste des doutes au niveau juridique sur la possibilité d’un gouvernement qui a été censuré à utiliser cet article. Si ce scénario se réalise, le budget d’austérité, injuste et rejeté par la population et les députés entrerait en vigueur. Ce serait, là aussi, un formidable coup de force.
Scénario 4
Le shutdown à l’américaine : l’État n’est plus en mesure d’engager de dépenses ni de percevoir de recettes au 1er janvier. Ce serait une plongée dans l’inconnu mais elle est hautement improbable. Contrairement aux USA, des protections législatives sont prévues pour empêcher un arrêt du fonctionnement de l’État en cas de crise.
Ce scénario est sujet à débat chez les constitutionnalistes, pour savoir s’il est envisageable dans notre pays. Ce qui est beaucoup plus réaliste, c’est que les marchés attaquent la France à cause de l’instabilité politique, que les intérêts de la dette explosent, et que notre pays subisse une thérapie de choc imposée par la finance internationale. Comme la Grèce, l’Argentine, et d’autres auparavant.
Nous espérons que ces explications vous aideront à y voir plus clair sur ce qui nous attend dans les prochaines semaines. Peu importe le scénario qui l’emporte, la fin d’année sera mouvementée. Mais est-ce que le désordre est forcément une mauvaise chose, comme nous le promettent les prophètes du malheur, quand l’ordre est aussi injuste ? Pour les capitalistes oui certainement, leur panique affichée en est la preuve. Mais pour « ceux d’en bas », le chaos peut au contraire être le terreau de bien belles choses.
https://contre-attaque.net/2024/12/04/chute-du-gouvernement-les-scenarios-possibles/
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