Vidéosurveillance : la reconnaissance faciale suspendue grâce aux révélations de Disclose

Scène de violences urbaines consécutives dans le quartier de Planoise à Besançon (Doubs), ici dans la nuit du 29 au 30 juin 2023. CC BY – Toufik-de-Planoise

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Jusqu’aux révélations de Disclose à l’automne 2023, la police et la gendarmerie ont utilisé illégalement le logiciel d’analyse d’images de vidéosurveillance Briefcam. D’après un rapport du ministère de l’intérieur publié en catimini, cet outil a été suspendu juste après notre enquête. Une décision qui met fin, au moins temporairement, à l’une des plus graves atteintes à la vie privée en France ces dernières années.
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Gérald Darmanin l’avait promis il y a près d’un an. Le ministère de l’intérieur vient enfin de rendre public son rapport sur l’utilisation du logiciel Briefcam par les forces de l’ordre. Un document long de 90 pages, pour répondre aux révélations de « l’organisme d’investigation Disclose », comme nous présentent ses auteur·ices, qui confirme l’intégralité de nos informations sur le recours illégal à Briefcam par des dizaines de services de police et de gendarmerie. Et qui, malgré les pirouettes sémantiques, ne parvient pas à démentir l’utilisation de la reconnaissance faciale par les autorités.
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La reconnaissance faciale utilisée pendant les révoltes de l’été 2023
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Premier enseignement : Briefcam a été suspendu juste après nos révélations : le 17 novembre 2023 dans la gendarmerie, soit trois jours après notre enquête, et un mois plus tard, au sein des services de police judiciaire. Que l’on soit rassuré·e, cependant : le logiciel n’aurait été utilisé pour reconnaître automatiquement des visages sur des images de vidéosurveillance qu’une seule fois en France… en huit ans. 
Cette « unique mise en oeuvre » daterait de l’été 2023, dans le cadre d’une enquête de gendarmerie, dans le Val d’Oise, écrivent les auteur·ices du rapport. On est alors dans le « contexte exceptionnel » des soulèvements violents déclenchées par la mort de Nahel Merzouk, tué à bout portant par un policier lors d’un contrôle routier. « La fonctionnalité de reconnaissance faciale a été activée […] en intégrant dans Briefcam des photographies de personnes soupçonnées par les enquêteurs d’avoir participé aux émeutes », révèle une annexe du rapport. ­ Aussi « exceptionnel » qu’il serait, cet exemple prouve que les forces de l’ordre pouvaient, en un clic, utiliser la reconnaissance faciale dans l’espace public, confirmant les révélations de Disclose. Un fait que l’ancien ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, n’a jamais reconnu. ­
­ Surtout, rien n’indique que ce cas est « exceptionnel ». Et pour cause : le rapport s’appuie uniquement sur « des remontées déclaratives reposant pour l’essentiel sur la mémoire des utilisateurs ». En clair, les six fonctionnaires qui l’ont rédigé  —  dont quatre policiers et gendarmes —  ont interrogé leurs collègues, dont ils ont « acquis la certitude de la bonne foi ». Circulez… ­ Un « super magnétoscope » illégal ­ Le rapport mentionne « 177 utilisations déclarées du logiciel [Briefcam] entre 2015 et 2023 », tout en admettant qu’il n’existe « aucun enregistrement systématique et continu par les services permettant d’avoir une vision complète » de son utilisation sur cette période. Un langage policé que l’on peut traduire ainsi : l’absence totale de certitudes sur l’usage de la reconnaissance faciale, alors même que l’option est disponible par défaut sur le logiciel depuis fin 2018, et qu’elle ne peut « être désactivée qu’après une intervention informatique de l’administrateur ». ­ ­ Une chose est sûre : le ministère de l’intérieur cherche à blanchir l’utilisation illégale de Briefcam par ses services. Dans leur rapport, les auteur·ices expliquent, sans rire, que le logiciel était considéré par « les enquêteurs de terrain comme un “super magnétoscope” », ou une « grosse loupe ». Ils ne l’ont donc jamais mentionné dans leurs procès-verbaux. Mais c’était « de bonne foi », assure le document. Même chose pour leur hiérarchie. Alors que le logiciel aurait dû être déclaré auprès de la CNIL (Commission nationale informatique et libertés), dès son arrivée dans les commissariats et gendarmeries du pays, le rapport note sobrement « huit années d’utilisation flottante au plan juridique ». Il a fallu attendre la publication de notre enquête pour que la police mentionne l’existence de Briefcam auprès de la CNIL. Quant à la gendarmerie, elle l’a soigneusement évité, préférant suspendre immédiatement Briefcam de l’ensemble de ses postes pour « des raisons d’insécurité juridique ». ­ ­ Notre enquête sur Briefcam illustre pleinement la mission de Disclose. À partir d’une alerte lancée par une source au sein de l’administration, nous avons obtenu les preuves d’une atteinte généralisée à la vie privée commise par celles et ceux censé·es faire respecter la loi. Nous avons minutieusement recoupé et vérifié ces informations. Puis, nous les avons fait connaître au grand public, avec une intention : que le pouvoir rende des comptes et abandonne ses pratiques de surveillance illégale. Avec votre soutien, notre rédaction peut poursuivre son travail d’intérêt public, en toute indépendance. ­ Il n’y a pas de petit montant : un don de 5 euros par mois ou un don unique de 50 euros renforcent, concrètement, notre capacité d’enquête. Merci ! ­ Nous ne devons pas relâcher la pression. Car, tout laisse à croire que le ministère de l’intérieur entend profiter de l’affaire Briefcam : dans son rapport publié hier, il indique « [qu’]une fonctionnalité de reconnaissance faciale, si elle était légalement autorisée, susciterait évidemment l’intérêt des enquêteurs ». Les menaces pour la vie privée sont d’autant plus vives que le gouvernement Barnier a annoncé, début octobre, son intention de généraliser la vidéosurveillance algorithmique, expérimentée pendant les JO. Face aux apôtres de la surveillance d’État, Disclose est déterminé à poursuivre le combat. Avec vous ! ­ ­ À très bientôt,  ­
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Mathias Destal
Rédacteur en chef de Disclose
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