Colonialisme, Guerre, Médias dominants, Moyen Orient
On se demande comment un pays devient fasciste, comment la quasi-totalité d’un peuple peut basculer dans la barbarie et valider une opération génocidaire. Il faut regarder ses médias. Car il n’y a pas qu’en France que les chaines de télévision sont possédées par une poignée de riches d’extrême droite, qui imposent un bourrage de crane raciste et militariste à leurs téléspectateurs. Israël est même un cran au dessus.
Destruction participative sur la 12
Prenons la chaine israélienne Canal 12. Elle ne se contente pas de relayer des mensonges et la propagande de guerre de l’armée, elle envoie carrément l’un de ses journalistes vedettes faire sauter des bâtiments.
Depuis le début des agressions israéliennes à Gaza et au Liban, les soldats israéliens ont l’habitude de publier sur les réseaux sociaux les images de plasticage de bâtiments, voire de villages entiers. Ils sont fiers de détruire les lieux de vie de civils, et la hiérarchie n’y trouve rien à redire. C’est un génocide en live stream, retransmis sur Tiktok, et accompagné de rires et de “likes”.
Mais Canal 12 est allé plus loin, puisque c’est son présentateur le plus célèbre qui s’est fait filmer en train de commettre un crime de guerre. Il s’agit de Danny Kushmaro, que le journal Haaretz qualifie de «journaliste de télévision le plus reconnaissable en Israël».
La scène a lieu dans un reportage diffusé le 26 octobre, qui dure une trentaine de minutes. Danny Kushmaro porte un casque, un gilet pare-balles et des lunettes noires. Il a le regard tourné vers l’horizon, assis sur un fauteuil posé sur les ruines de ce qui était une maison, entièrement détruite. Le journaliste accompagne l’armée israélienne dans le sud du Liban, notamment dans le village de Aïta el-Chaab. «Cet endroit ressemblait à un village pastoral il y a deux ou trois semaines, et maintenant c’est la destruction totale», commente Danny Kushmaro. Puis il participe personnellement à la dévastation.
Un soldat, intervenant dans le reportage, s’adresse au présentateur : «Juste avant de partir, il reste une dernière mission», en pointant du doigt une maison. Il tend au présentateur un détonateur. Le soldat lance le compte à rebours : «Quatre, trois, deux, un…» et le journaliste appuie sur la détente. Après avoir fait sauter la maison, Kushmaro s’adresse en anglais à la caméra : «Don’t mess with the Jews» – «Ne vous frottez pas aux Juifs».
Sur Channel 14 : un soldat violeur devenu nouvelle star
L’armée israélienne a installé, en plein désert du Neguev, à 30 kilomètres de Gaza, un camp de torture. Nommé Sde Teiman, ce lieu sert à concentrer des détenus palestiniens capturés par les soldats à Gaza.
Un médecin du camp, des employés et des détenus y ont rapporté des actes de torture par électrochocs lors des interrogatoires, provoquant une douleur extrême, mais aussi une déshumanisation totale : les détenus sont ligotés à des lits, les yeux bandés, déféquant dans des couches et interdits de parler. Des viols ont aussi été commis pour briser les détenus : des témoignages parlent d’insertions de tiges de métal dans l’anus, ou d’obligation de s’asseoir sur des objets pointus qui pénètrent et blessent pendant les interrogatoires, provoquant des saignements.
Suite à ces révélations sur l’usage de torture, neuf réservistes israéliens ont été poursuivis au mois de juillet. Mais dès leur arrestation, une foule armée, emmenée par des élus et des ministres d’extrême droite, avait envahi la base militaire pour les soutenir. Non seulement les soldats tortionnaires et violeurs n’ont pas été condamnés, mais l’un d’entre eux est devenu une star de la télé.
Channel 14 est une chaîne de télévision d’extrême droite, l’équivalent de Cnews en Israël. Elle organise des talk show sur le modèle de Touche pas à mon poste, relayant entre deux propos débiles des idées racistes, haineuses, voire des apologies de crimes contre l’humanité. En septembre 2024, trois organisations israéliennes de défense des droits de l’homme ont même saisi la justice après avoir recensé sur cette chaine 50 déclarations soutenant le génocide à Gaza et 150 déclarations appelant à des crimes de guerre tels que des massacres aveugles, des déportations massives et la famine.
C’est donc sur cette chaine que le soldat Meir Ben-Shitrit, principal suspect dans l’affaire des viols collectifs de Palestiniens au centre de détention de Sde Teiman, connait la gloire. Ses crimes n’ont pas fait de lui un paria mais le chouchou des plateaux télé.
Au mois d’août, Channel 14 a d’abord diffusé une interview de dix minutes du soldat, au visage masqué, en uniforme, et armé, expliquant sa version des faits. Celui-ci a été ovationné par le public de l’émission. Quelques jours plus tard, il était de nouveau invité, à visage découvert cette fois, révélant son identité. Meir Ben-Shitrit a été reçu comme un invité prestigieux, encouragé par le public et les animateurs, et la chaine a fait la promotion de son interview pendant des jours.
Sur le plateau, l’animateur Shai Goldshtein lui a même dit : «Je me suis mis à votre place. Vous vous trouviez face à ces gens, vraiment, les gens les plus méprisables qu’on puisse imaginer, qui ont fait les choses les plus horribles à notre peuple, à nos frères et sœurs. Je pense que si j’étais là et que j’en avais l’occasion, je m’en prendrais à ces gens».
Depuis, le soldat violeur est devenu un invité régulier des talk shows de la télévision israélienne.
De Bolloré aux chaines israéliennes, de Paris à Tel Aviv, la même ignominie médiatique, la même inversion des valeurs, la même barbarie télévisuelle qui prépare les esprits au pire.
https://contre-attaque.net/2024/10/29/fascisme-televisuel-en-israel/
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