Laïcité en PLS : les défenseurs d’Israël se basent sur la bible

Colonialisme, Extrême droite, Gouvernement, Moyen Orient


Au grand Pays des Lumières, de la Raison et de la sacro-sainte Laïcité, une partie de la classe politique se réfère désormais aux textes bibliques pour justifier les guerres au Proche-Orient.


Macron faisant face aux réactions de son propre camp après ses propos sur la création d'Israël par l'ONU.

Mélanger la géopolitique et des textes religieux datant de plusieurs siècles est un jeu extrêmement dangereux, que l’on croyait réservé aux fondamentalistes islamistes ou à quelques sectes chrétiennes évangélistes. Mais non, on trouve ces idées jusque sur les bancs de l’Assemblée, sur les plateaux télé et au sein du parti au pouvoir. Et si la vraie menace à l’égard de la laïcité était ici, bien plus que derrière des voiles ou des abayas ?

Tout a commencé il y a deux jours, quand Emmanuel Macron affirmait que c’est une «décision de l’ONU» qui a «créé» l’État d’Israël. Il faisait référence à la résolution 181 adoptée le 29 novembre 1947 pour la création en Palestine d’un État arabe et d’un État juif. C’était six mois avant la proclamation de l’État d’Israël et le début du nettoyage ethnique du peuple palestinien par des milices sionistes.

Macron est inexact : Israël n’est pas une création de l’ONU mais une création coloniale d’inspiration européenne – les sionistes voulaient imiter les empires coloniaux occidentaux – et l’ONU n’a pas le pouvoir de “créer” de nouveaux États. La vraie création d’Israël a lieu dans le sang, les flammes et la violence, avec des massacres et une annexion lors de la Nakba de 1948. Depuis, l’ONU a régulièrement condamné les crimes commis par Israël.

Mais Macron a le mérite, pour une fois, de remettre les choses en perspective, d’aller à contre-courant du discours dominant sur Israël. Ce que dit Macron, c’est qu’Israël est bien une création récente et relève d’une décision politique internationale.

Ses mots ont provoqué une polémique incroyable, jusque dans ses propres rangs. Julien Bahloul, médiatique soutien d’Israël, s’est exclamé : «L’ONU date de 1945. Le sionisme est plusieurs fois millénaire. Nous sommes chez nous». Le président du CRIF Yonathan Arfi a écrit : «Laisser penser que la création de l’État d’Israël est le fruit d’une décision politique de l’ONU, c’est méconnaître à la fois l’histoire centenaire du sionisme, l’aspiration millénaire des Juifs au retour à Sion».

La macroniste Aurore Bergé à la télévision : «J’espère que ce ne sont pas les propos qu’il a prononcés, qu’il ne les a pas prononcés de cette manière-là, sinon je comprends le trouble que cela a généré». Un autre proche de Macron, le président du Sénat Gérard Larcher s’est dit «stupéfait» des propos d’Emmanuel Macron, dénonçant selon lui une «méconnaissance de l’Histoire».

Une autre députée macroniste, Caroline Yadan, a déclaré : «Le lien du Peuple Juif à la terre d’Israël n’a pas eu besoin de l’ONU pour exister, le sionisme est un rêve plusieurs fois millénaire et réduire Israël à une seule décision de l’ONU c’est nier l’histoire du Peuple Juif».

Macron n’a jamais été aussi contesté par son propre camp qu’avec cette déclaration !

Julien Odoul du Rassemblement National, a même osé : «Il y a 3000 ans, les rois David et Salomon n’ont jamais reçu de mandat de l’ONU pour régner sur Israël». Et les plateaux télé d’extrême droite ont repris une rhétorique similaire. Julien Odoul est épatant, quand on lui rappelle les origines nazies du parti, il y a seulement 50 ans, il affirme que c’est de l’histoire ancienne et qu’il ne faut pas en parler. Mais le Proche-Orient il y a trois millénaire, ça c’est du sérieux.

Mais revenons à cette salve de réactions extrêmement inquiétantes, qui en dit long sur l’état de putréfaction politique de la France. Quelques remarques :

Si c’est l’Ancien et le Nouveau Testament qui comptent pour penser le monde, et non pas les faits et le droit international, alors allons jusqu’au bout de la démarche : on peut déclarer que la terre est plate, qu’elle a été créée il y a seulement 4000 ans, on peut rétablir l’inquisition, lancer de nouvelles croisades…

Si l’on réfléchit, comme le fait le CRIF, en terme «d’aspiration millénaire» sur un territoire, alors c’est la même logique que les croisades, et on peut autoriser les habitants de Mongolie à reprendre l’empire de Gengis Khan qui allait de la Chine à la Turquie. Et l’Espagne ? Pour les celtes, les arabes ou les wisigoths ? On ne partage pas le monde en fonction «d’aspirations» basées sur des conquêtes passées ou des textes religieux vieux de nombreux siècles.

Julien Odoul parle comme un illuminé évangéliste. Les rois David et Salomon sont des personnages mythiques, et leur territoire tel que décrit dans les textes anciens n’a rien à voir avec celui d’Israël actuellement. Odoul ne se base que sur une interprétation radicale de la Bible.

Même selon la Bible, il y avait des habitants en Palestine avant les hébreux : il s’agissait des Cananéens. Dans l’Ancien Testament, il est dit que Dieu aurait ordonné aux juifs la destruction de la population vivant en terre de Canaan. Ils auraient ainsi massacré tous les habitants de la ville de Jericho, aujourd’hui en Palestine occupée. Ces récits religieux sont des inventions, des textes violents, écrits dans un contexte remontant à des milliers d’années. Ils ne donnent aucun droit.

Tous les régimes ont cherché des justifications religieuses ou mythiques pour asseoir leur légitimité. Par exemple, les premiers rois Francs bien de chez nous prétendaient qu’ils étaient les descendants des Troyens, donc héritiers de la cité grecque antique légendaire de Troie, située en Asie Mineure. Faut-il en déduire que ce territoire reviendrait de droit à la France en 2024 ?

Même en sortant de la logique religieuse. Jusqu’à quelle date faut-il remonter pour avoir une légitimité sur un territoire ? S’il faut redistribuer le monde en fonction de ce qu’il était il y a plusieurs siècles, rendons la France aux Gaulois et expulsons les descendants des latins et des francs, donnons tout le bassin méditerranéen à l’Italie, rendons le continent américain aux peuples autochtones – il faut donc supprimer les USA, le Canada, le Brésil… Cette logique n’a aucun sens.

Dans ce grand n’importe quoi, il faut souligner que ce sont des responsables politiques, des gens sérieux, bien habillés, ayant un grand pouvoir et qui reprochent par ailleurs au Hamas ou au Hezbollah d’être des islamistes, qui utilisent la bible pour une croisade messianique. Qui sont les obscurantistes ?

https://contre-attaque.net/2024/10/18/laicite-en-pls-les-defenseurs-disrael-se-basent-sur-la-bible/

2 commentaires sur Laïcité en PLS : les défenseurs d’Israël se basent sur la bible

  1. Une liberté de pensée et de parole réjouissante. L’ancien et le nouveau testament ne sauraient à travers leurs mythes ou réalités légitimer aucune aspiration contemporaine.
    Un oubli d’importance, le coran et le djihad qu’il prône pas davantage.

  2. Le titre est une infox, d’autant qu’on peut parfaitement être juif et athée ou agnostique.

    Pat contre, les ennemis d’Israël se basent sur le Coran ou sur Mein Kampf ou/et la « Race Theory » (équivalent moderne de Mein Kampf). Ou tout cela à la fois.

    Au vu des atrocités que les islamistes font subir aux femmes juives, chrétiennes, yezidi, boudhistes (ou musulmanes si ces dernières ne se soumettent pas), on ne peut pas être féministe et ne pas soutenir Israël. Partout où les Juifs sont en danger de mort, les femmes en général le sont également _ y compris en Europe de l’ouest.

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