Paris, le 19 septembre,
Chère Caroline Fourest,
Quelle semaine !
La sortie de votre livre, « Le Vertige MeToo », est l’occasion d’une tournée — pas encore achevée — des plateaux radio et télé, avec entre autres des interviews à forte exposition dans la matinale de France Inter (11 septembre), dans « C à vous » sur France 5 (11 septembre), sur France Culture (15 septembre), dans la matinale de RTL (17 septembre) ou encore sur le plateau du désormais incontournable Duhamel Benjamin sur BFM-TV (15 septembre).
Cet ouvrage vous a également valu un entretien dans le Parisien(11 septembre) et de nombreux articles, parmi lesquels un sympathique portrait dans la Tribune dimanche (8 septembre) et une recension dithyrambique dans l’hebdomadaire féministe l’Express (10 septembre). Le magazine Transfuge vous a même décerné le « prix Transfuge du meilleur essai politique » — qui semble avoir été créé pour l’occasion, c’est dire. Quant au toujours très subtil Raphaël Enthoven, il a pris sa plus belle plume pour vous comparer à Albert Camus. Tout simplement.
Bien des auteurs et autrices rêveraient d’une telle couverture médiatique à l’occasion de la sortie d’un de leurs livres. Selon les chiffres de Livres Hebdo, ce sont ainsi pas moins de 1396 essais qui sont publiés à l’occasion de cette rentrée 2024 ; autant le dire, les places sont chères ! Et vous avez, une fois de plus, su tirer votre épingle du jeu.
Il faut dire que, comme souvent, vous avez eu du flair, en choisissant d’adopter, à propos d’une question fort médiatisée et considérée comme « clivante » (« le sujet inflammable par excellence » selon la formule du toujours très pertinent Nicolas Demorand), une position à la fois « ferme », « précise » et « nuancée » — du moins si l’on en croit les critiques élogieuses de votre livre.
Une position adoptée par une autrice qui sait d’où elle parle, comme vous l’expliquez dans le Parisien avec la modestie qui vous caractérise : « Je suis à la fois féministe, c’est ma racine absolue, c’est ce qui m’a construite. Je suis aussi journaliste donc par définition je doute et j’ai besoin de toujours examiner les faits, rien que les faits. Et puis je suis réalisatrice, donc je connais aussi les subtilités du monde du cinéma, ses coulisses. »
Mais, et ce malgré l’excellent accueil qui vous a été réservé par nombre de vos confrères et consœurs journalistes, tout ne s’est pas passé comme prévu.
C’est ainsi que, le 11 septembre, vous avez été interpellée sur France Inter par une auditrice, Laurence, elle-même victime de violences sexuelles, qui vous a reproché des propos qui pourraient encourager les victimes à se censurer. Après que vous lui avez élégamment coupé la parole pour — notamment — l’inciter à lire votre livre, Laurence n’a pas cédé : « Je pense que parler comme ça à une victime qui est en plein psychotrauma, c’est totalement délétère. »
C’est ainsi que, le 12 septembre, l’actrice Judith Godrèche a mis en ligne une vidéo sur son compte Instagram, dans laquelle elle vous accuse de publier une « enquête à charge » contre elle (et d’autres victimes), « d’instruire son procès » et de reprendre à son propos des informations non vérifiées — qu’elle dément — et au sujet desquelles vous ne l’avez pas contactée.
C’est ainsi que, le 13 septembre, Lénaïg Bredoux et Valentine Oberti, codirectrices éditoriales de Mediapart, ont publié un texte dans lequel elles affirment que votre livre « propage des erreurs, voire des mensonges » à propos du travail de leur journal. Un texte qui expose une longue liste d’approximations, factuelles, voire de mensonges, factuels, contenus dans votre ouvrage — et au sujet desquels vous ne les avez pas contactées.
C’est ainsi que, le 13 septembre toujours, la journaliste Hélène Devynck, l’une des nombreuses victimes du violent prédateur PPDA, a relayé sur son compte X le texte de Lénaïg Bredoux et Valentine Oberti publié sur Mediapart, en y ajoutant une information vous concernant : « Elle invente une citation de mon livre que je n’ai jamais écrite. » (1)
C’est ainsi que se sont multipliées les critiques de votre travail, de son sérieux et de sa rigueur, sans même parler des critiques de votre positionnement, qui font entendre un autre son de cloche que les éloges initiaux. Mais ce n’est pas de ce positionnement dont il est question ici.
Ce dont il est question ici, chère Caroline Fourest, c’est de cette nouvelle et énième démonstration de votre inépuisable capacité à tordre le réel, à tricher avec la vérité, à mentir.
Comme lorsque vous aviez affirmé sans ciller à Aymeric Caron, sur le plateau d’« On n’est pas couché », que vous aviez gagné un procès en appel alors qu’il n’avait pas eu lieu. Un mensonge éhonté qui vous a valu de ne plus être invitée par Laurent Ruquier.
Comme lorsque vous aviez écrit, alors qu’une simple recherche sur Google vous aurait permis de savoir qu’il s’agissait d’une contre-vérité, que le député travailliste Jeremy Corbyn avait ses bureaux dans une mosquée intégriste.
Comme lorsque vous avez répété durant des années, contre les faits, les évidences et les travaux de recherche, que le mot « islamophobie » avait « pour la première fois été utilisé en 1979 par les mollahs iraniens ».
Comme lorsque vous aviez parlé, sans fournir le début du commencement d’une preuve, de « ces familles qui au nom de leurs convictions religieuses retirent les enfants des cours d’histoire quand on enseigne la Shoah » (à 39’30 ici) ou « des associations qui demandent des gymnases pour organiser des tournois de basket réservés aux femmes, voilées, pour en plus lever des fonds pour le Hamas. » (à 9’ ici)
Comme lorsque vous avez prétendu qu’il fallait, au sujet des bilans humains fournis par les autorité de Gaza, « diviser les chiffres si ce n’est pas cinq au moins par dix » (sic), sans aucun argument à l’appui et alors même que l’État d’Israël produisait des chiffres à peu près similaires.
La liste n’est pas exhaustive, et devra sans doute être actualisée la semaine prochaine si votre tournée médiatique se poursuit.
Voilà qui est gênant pour quelqu’un qui, rappelons-le, affirme : « Je suis aussi journaliste donc par définition je doute et j’ai besoin de toujours examiner les faits, rien que les faits. »
Mais les faits, vous concernant, sont de toute évidence têtus. Vous tordez le réel, vous trichez avec la vérité, vous mentez.
Vous continuez cependant d’être invitée, presque partout, presque tout le temps, pour parler de presque tout. Sans être mise devant vos responsabilités face à des pratiques auxquelles vous devriez pourtant être confrontée, et qui devraient même définitivement vous disqualifier eu égard à votre prétention à dire les faits alors que vous les falsifiez pour servir vos opinions.
Mais, après tout, pourquoi changer de méthode alors que vous continuez d’être publiée, invitée, récompensée ? Pourquoi arrêter de mentir alors que la plupart des grands médias et des intervieweurs semblent s’en satisfaire ? Et pourquoi, finalement, s’astreindre à un minimum d’éthique et de morale alors que cela ne vous coûte rien et que cela risquerait de desservir votre propos ?
Reste à savoir, chère Caroline Fourest, ce que vaut une opinion qui, pour être assise, nécessite de mettre à mort la vérité, de façon répétée et préméditée, avec la complicité de médias et de journalistes complaisants. Pas grand-chose, assurément.
Cordialement,
Jules Blaster
Crédits photo/illustration en haut de page :
Morgane Sabouret
https://www.blast-info.fr/articles/2024/chere-caroline-fourest-boxing-day-1-6AtsxubGTiitUAjvfFHzWA
Commentaires récents