NOUVELLE-CALÉDONIE La constante coloniale de l’État français

dimanche 14 juillet 2024, par Courant Alternatif

Les émeutes qui ont éclaté en Nouvelle-Calédonie le 13 mai dernier sont couramment présentées comme une rupture avec le « processus de paix » engagé avec les accords de Matignon en 1988 et celui de Nouméa en 1998. Elles sont en tout cas une conséquence logique de ces accords, car ils ont permis à l’État français – gouverné tour à tour par la droite, la gauche ou le centre – de maintenir la Nouvelle-Calédonie sous sa coupe alors qu’ils étaient censés rendre possible son accession à l’indépendance.

La Nouvelle-Calédonie a connu ces dernières semaines une situation insurrectionnelle (voir l’encadré 1) dont le déclenchement est dû au projet de loi constitutionnelle qu’avait concocté le gouvernement pour modifier un corps électoral spécifique à l’archipel. Ce texte adopté par le Sénat le 2 avril allait être voté par l’Assemblée nationale le 14 mai, puis par les deux Chambres réunies en Congrès avant le 30 juin. La dissolution de l’Assemblée qu’a décidée Macron au lendemain des européennes a rebattu les cartes : comme le Congrès ne pouvait plus être convoqué dans les temps, il a annoncé le 5 juin « suspendre » le projet de loi pour « donner toute sa force au dialogue sur place et au retour à l’ordre » sur le territoire calédonien. Alors, a-t-on juste eu là un « mauvais coup » jupitérien ?

C’est ce que le discours des indépendantistes et de leurs soutiens laisse à penser. Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) a rendu Macron responsable des émeutes pour avoir cherché un « passage en force » de son projet de loi. Ainsi la secrétaire générale de sa principale composante, l’Union calédonienne (UC), déclarait-elle le 21 mai : « La pratique du gouvernement rompt avec la méthode qui a permis à la Nouvelle-Calédonie de vivre en paix ces trente-cinq dernières années, à la suite des accords de Matignon en 1988 puis de Nouméa en 1998 (voir l’encadré 2), c’est-à-dire le respect du consensus entre les parties et de l’impartialité de l’État. »

ENCADRE 1
Le tsunami social du printemps 2024

Le 13 mai, la fin des « Dix jours pour Kanaky » organisés par la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT, créée en novembre 2023 par des indépendantistes pour coordonner la mobilisation contre la réforme du corps électoral) vire à l’émeute : routes bloquées, magasins pillés ou incendiés, voitures brûlées, caillassages… Tandis que des affrontements ont lieu entre des jeunes et des forces de l’ordre dans plusieurs quartiers de Nouméa, la capitale du territoire, des milices loyalistes installent des barrages filtrants pour « protéger » d’autres quartiers. Selon le bilan établi le 16 juin par le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, il y avait à cette date neuf morts (dont deux gendarmes), des centaines de personnes blessées et 1 187 interpellées. Deux mutineries ont aussi eu lieu au Camp-Est, la prison de Nouméa (surpeuplée à 95 % de Kanak et autres Océaniens). 570 établissements (mairies, écoles, locaux des services sociaux, etc.) auraient été détruits ou endommagés en quelques jours, et les dégâts s’élèveraient à 1,5 milliard d’euros. Toutes les marchandises étant importées dans l’archipel, des pénuries n’ont pas tardé à apparaître. D’après la Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie, le 3 juin, 5 000 personnes ont perdu leur travail du fait des émeutes et 15 000 vont se retrouver au chômage partiel (soit le quart des emplois salariés calédoniens). Un couvre-feu a été instauré du 14 mai au 17 juin, l’état d’urgence décrété par Macron le 15, et le réseau TikTok suspendu. 3 500 membres des « forces de sécurité » étaient encore déployés à la mi-juin sur le territoire pour empêcher que, sitôt des barrages routiers évacués par la police, ils ne soient réinstallés par des indépendantistes.

En fait, l’embrasement calédonien récent s’inscrit dans la lignée des révoltes kanak successives contre l’État français, depuis que celui-ci a fait de l’archipel une de ses colonies en 1853 . Il est une révolte sociale en même temps qu’il traduit la réaction d’un peuple autochtone contre des politiques colonialistes visant à le rendre minoritaire sur sa terre afin de l’accaparer. L’État français a alterné la répression et des promesses ou des aides financières envers les Kanak, mais il a aussi usé de méthodes plus sournoises – comme de favoriser l’arrivée de populations extérieures et de leur donner le droit de voter aux élections locales. La Nouvelle-Calédonie présente en effet pour lui un grand intérêt, sur le plan économique et géostratégique : elle est très riche en minerais (notamment le nickel, dont elle possède environ le quart des réserves mondiales) et elle lui offre une base militaire dans le Pacifique Sud.

17 juin 2024. Lycée professionnel Petro Attiti.

Sous la présidence Pompidou, les directives données par le Premier ministre Messmer au secrétaire d’État aux DOM-TOM Deniau dans une lettre du 19 juillet 1972 étaient d’« empêcher une revendication nationaliste de populations autochtones » en Nouvelle-Calédonie en favorisant l’« immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer » et en faisant « réserver des emplois aux immigrants dans les entreprises privées ».
La question du corps électoral prévu pour les référendums d’autodétermination a ensuite été la pierre d’achoppement des multiples statuts proposés par les gouvernements successifs, de gauche ou de droite, pour le territoire calédonien – et elle a fréquemment entraîné la consigne donnée par les partis kanak, devenus assez vite indépendantistes, de boycotter ces scrutins ou d’autres. A la présidentielle française de 1981, ils ont appelé à voter Mitterrand parce que l’Union de la gauche avait inscrit dans son Programme commun « le droit inné et actif du peuple kanak à l’indépendance » ; mais ils ont ensuite rejeté le statut Lemoine (présenté en 1984 par le Premier ministre Fabius à l’Assemblée nationale) parce que le corps électoral pour le référendum d’autodétermination programmé en 1989 n’était pas défini précisément et que les Kanak étaient déjà noyés dans d’autres communautés. Au recensement de 1983, ils et elles n’étaient plus que 42,6% d’une population calédonienne comprenant des Européens (37,1%), des Wallisiens et Futuniens (8,4 %), des Tahitiens (3,8%), des Indonésiens (3,7%), des Vietnamiens (1,6%) et d’autres communautés (2,7%).

Si les accords de Matignon ont peu après instauré un corps électoral « spécial » pour les scrutins calédoniens, les tentatives de supprimer cet « acquis » n’ont pas manqué, et la dernière a mis en relief la fragilité du « bouclier » auxquels s’accrochent les dirigeants indépendantistes.

ENCADRE 2
Les accords de Matignon et de Nouméa

Les accords de Matignon du 26 juin 1988 (complétés le 20 août par ceux d’Oudinot) reconnaissent la culture et l’identité kanak. Ils promettent un référendum sur l’autodétermination en 1998, avec un corps électoral composé des personnes établies en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans. Ce corps électoral doit aussi servir à désigner les membres des Assemblées chargées de gérer les trois provinces créées – celles du Nord et des îles Loyauté (majoritairement kanak) et celle du Sud (où vivent entre les deux tiers et les trois quarts des 271 000 Calédoniens). L’État conserve ses pouvoirs régaliens en matière de défense, sécurité, justice et monnaie. Il reste compétent dans les domaines de l’enseignement et des communications ; et, pour permettre « le développement des régions défavorisées », il apporte des crédits d’investissement à répartir dans la proportion de 3/4 pour les provinces du Nord et des Iles et 1/4 pour celle du Sud. Les crédits de fonctionnement du budget du territoire sont affectés dans les conditions suivantes : 1/5 pour le territoire, 2/5 pour les provinces du Nord et des Iles, 2/5 pour celle du Sud. Priorité est donnée à l’embauche locale sur le marché de l’emploi, à niveau égal, et un programme assurera la formation de 400 cadres afin d’intégrer des Kanak dans l’administration des provinces. Enfin, les auteurs des homicides commis à Ouvéa le 24 avril 1988 bénéficieront d’une amnistie – celle-ci a permis de jeter un voile sur les exactions des militaires ce jour-là.
L’accord de Nouméa du 5 mai 1998 affirme qu’une « décolonisation pacifique » officiellement engagée associe les descendant-e-s des colons (« victimes de l’Histoire ») et ceux des colonisé-e-s dans une même « communauté de destin ». Il annonce un « rééquilibrage » économique qui passe par la réalisation de grands travaux routiers et portuaires, et surtout par le maintien de la répartition des crédits étatiques qu’ont définie les accords de Matignon.
Le pouvoir législatif sera exercé par les Assemblées des provinces, dont une partie des membres constituera un Congrès de 54 membres qui élira à la proportionnelle un gouvernement collégial, sur la base des listes de candidat-e-s proposées par les groupes politiques. Ce Congrès élaborera des « lois du pays » (contrôlées par le Conseil constitutionnel) dans divers domaines (signes identitaires, emploi, ressources naturelles…). Le gouvernement français continuera de financer le fonctionnement des institutions calédoniennes, gardera ses compétences régaliennes, et aura également le droit de dissoudre le Congrès en cas d’instabilité institutionnelle.
L’accord prévoit le transfert progressif à la Nouvelle-Calédonie de pouvoirs concernant l’enseignement, les impôts et taxes qu’elle percevra, le commerce extérieur, les transports et communications, le droit civil et commercial ainsi que la sécurité civile. Mais il repousse de seize à vingt ans la tenue du référendum sur l’indépendance ; et ce référendum devient… trois consultations d’un corps électoral spécial (répondant à des conditions strictes de naissance, de résidence depuis vingt ans sur le territoire, et d’« intérêts matériels et moraux ») qui doivent être réalisées sur le territoire à deux ans d’intervalle. Enfin, cet accord est déclaré « irréversible », et la partition du pays interdite – la tentation de faire sécession étant assez forte dans la riche province du Sud.

Au final, Macron s’est distingué de ses prédécesseurs surtout en manifestant plus clairement/cyniquement qu’eux son intention de ne pas lâcher l’archipel. Sitôt connus les chiffres du dernier référendum (voir l’encadré 3), il a lancé : « L’accord de Nouméa arrive à son terme juridique » et « Ce soir, la France est plus belle car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester ! ». Pourtant, cet accord stipule que, quel que soit le résultat des consultations, « l’organisation politique mise en place [depuis] 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d’évolution, sans possibilité de retour en arrière » ; et que les « partenaires politiques » établiront une Constitution calédonienne si le oui est majoritaire, ou un nouveau statut du territoire au sein de la République française si c’est le non.

En entendant les déclarations des leaders indépendantistes ou en lisant la presse « de gauche », on a l’impression que les manœuvres de Macron sont jugées pires que celles d’un Mitterrand autorisant le massacre d’Ouvéa en 1988 pour favoriser sa réélection à la présidence de la République (voir l’encadré 4). Il est reproché à l’actuel Président d’avoir dessaisi son Premier ministre du dossier calédonien pour le confier à son ministre de l’Intérieur et de l’Outre-Mer Darmanin, une personnalité clivante ; ou d’avoir nommé Sonia Backès , la cheffe de file des loyalistes , secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté dans le gouvernement Borne, ou encore d’avoir désigné comme rapporteur du projet de loi constitutionnelle un autre élu loyaliste calédonien, Nicolas Metzdorf. Et Macron est aussi accusé d’avoir jeté à plusieurs reprises de l’huile sur le feu calédonien, ces dernières années. Par exemple quand il a menacé, le 25 mai, de soumettre à un référendum national sa réforme du corps électoral calédonien…

Toutes ces critiques sont justes – mais comment peut-on attendre du représentant d’un État qu’il soit le partenaire « neutre » (et aimable) des populations qu’il colonise ? C’est tout simplement impossible parce que leurs intérêts respectifs sont antagoniques. De plus, le gouvernement a eu beau jeu, à l’issue des trois référendums, de prétendre vouloir « dégeler » le corps électoral dont découle la composition des Assemblées territoriales, du Congrès et du gouvernement calédonien au nom des « exigences démocratiques résultant des principes constitutionnels et des engagements internationaux de la France ». Utiliser le suffrage universel si prisé dans les démocraties libérales contre un « régime spécial » était malin : l’intégration dans le corps électoral calédonien des 25 000 personnes ayant « au moins dix ans de résidence » sur le territoire contribuerait à marginaliser plus encore les Kanak .

ENCADRE 3

Les référendums prévus par l’accord de Nouméa

La question posée est : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Le premier référendum pouvait être organisé dès 2014, mais les diverses parties se sont employées à le repousser par peur de son résultat, et la composition de son corps électoral a longtemps cristallisé les tensions.
Ce référendum du 4 novembre 2018 a constitué une bonne surprise pour le camp indépendantiste puisque le non l’a emporté à seulement 56,7 % des suffrages exprimés (avec une participation de 81,01 %) – alors qu’une fraction des indépendantistes (l’Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités et le Parti travailliste) avait appelé à ne pas voter. Son résultat a fait (re)naître l’espoir d’accéder à l’indépendance par la voie électorale ; aussi, pour le référendum du 4 octobre 2020, la participation a été de 86 %… et le non s’est réduit à 53,3 % des votants – ne manquaient que 10 000 voix pour qu’il l’emporte.
Mais, pour le référendum du 12 décembre 2021, le FLNKS a appelé à ne pas se rendre aux urnes [1] – et il en est résulté à la fois une écrasante victoire du non et une abstention massive. Le FLNKS avait demandé le 21 novembre à Macron de repousser cette consultation parce que la pandémie de covid-19 sévissait alors sur le territoire : le nombre de cas s’y élevait à 11 871, avec 276 décès principalement dans les communautés océaniennes (pour plus de la moitié chez les Kanak, où le deuil coutumier dure un mois). Macron a refusé : en campagne pour sa réélection, il voulait mettre le « règlement de la question calédonienne » à son actif ; de plus, les nouveaux inscrit-e-s sur la liste électorale spéciale étant en majorité kanak, le report du scrutin aurait pu conduire à une victoire du oui. Avec ses 96,5 % de non à l’indépendance et ses 56,1 % d’abstentions, ce référendum a rappelé ceux qui avaient eu lieu pendant les « événements » en 1984, 1987 et 1988, où les indépendantistes avaient appelé à leur boycott actif ou passif.

20 mai 2024. Zone industrielle « Normandie » à Nouméa.

Quoi qu’il en soit, on peut dire que les accords de Matignon et de Nouméa ont constitué un beau piège pour les Kanak, car, s’il est certain que le rapport de force n’était déjà pas en leur faveur avant, jouer la montre en les signant, comme l’ont fait les leaders indépendantistes, ne leur a pas plus apporté l’indépendance. Et si les accords de Matignon ont été approuvés, le 6 novembre 1988, à 80,99% dans la province Nord et 85,10% dans celle des Iles (contre 42,81% dans le Sud), l’abstention y a été respectivement de 33,69% et de 53,51%. De plus, lorsqu’ils ont appris leur teneur, les militants arrêtés après la prise d’otages à Ouvéa ont protesté en refusant d’être libérés ; et le 4 mai 1989, Djubelly Wea, qui avait été un de leurs porte-parole, a tué Tjibaou et son adjoint Yeiwéné Yeiwéné parce qu’il leur reprochait d’avoir trahi en les signant.

Le respect d’un engagement par le détenteur d’un pouvoir n’est jamais évident . Mais, que les responsables indépendantistes aient commis une erreur d’appréciation ou qu’ils aient fait preuve de naïveté en croyant que les accords de Matignon et de Nouméa seraient à jamais la sauvegarde des Kanak, la participation aux institutions calédoniennes les a ensuite conduits à vouloir resserrer le lien avec la métropole au lieu de le rompre – et, de même, à se cantonner au type de « démocratie » qu’on y pratique au lieu de promouvoir un quelconque socialisme. Ces responsables recherchent l’autonomie d’une Kanaky/Nouvelle-Calédonie que l’État français soutiendrait financièrement et protégerait sur le plan international. Selon les époques et les positions de leurs partis, ils parlent d’« indépendance-association », d’« indépendance-partenariat » ou d’« interdépendances » avec la France. Et mettre l’accent sur les méfaits du colonialisme bien plus que sur ceux du capitalisme les conduit à demander à ses gouvernants réparation d’une injustice « historique » à l’égard du peuple kanak sans contester l’ordre économique et social établi.

Daniel Goa, président de l’UC, assurait ainsi le 26 mai 2021 à Paris : « Dans l’esprit indépendantiste, la souveraineté ne se conjuguera pas avec une rupture avec qui que ce soit. (…) Durant cette période [de transition], Kanaky/Nouvelle-Calédonie signera des accords d’interdépendance pour garantir le transfert de toutes les compétences et des moyens. La France pourra, si elle le souhaite, en devenir le chef de file. »

De même, quand à l’été 2021 la direction du gouvernement calédonien a pour la première fois incombé à un indépendantiste, Louis Mapou (figure du Palika ), celui-ci a dit dans sa déclaration de politique générale : « Il est (…) fondamental qu’à la sortie de l’accord de Nouméa l’État et la Nouvelle-Calédonie envisagent les voies et moyens qui leur permettent de concilier leurs positions pour servir au mieux leurs intérêts stratégiques partagés [et que leur] coopération dans le Pacifique évolue et se renforce. »
Pour l’heure, la situation dans l’archipel traduit surtout la persistance de rapports coloniaux.

Vanina, le 22 juin 2024

ENCADRE 4
Les « événements » des années 80

Afin de dénoncer le projet Lemoine, le FLNKS appelle à un boycott actif des territoriales prévues le 18 novembre 1984, tandis que son dirigeant, Jean-Marie Tjibaou, promeut la « lutte de libération nationale » pour l’« indépendance kanake socialiste » (IKS). C’est le point de départ des « événements » de 1984-1988 – où les indépendantistes ont déjà comme adversaires les milices loyalistes (2 000 à 3 000 personnes d’extrême droite surarmées) et l’Etat français (d’importantes forces militaires sont stationnées sur le territoire).
Les militant-e-s s’activent : barrages routiers, occupations de mairies, séquestration de gendarmes, manifestations… et, sur les 50 % d’abstentions aux territoriales, il y a 80 % de l’électorat kanak. L’état d’urgence est décrété le 12 janvier 1985 et un couvre-feu imposé. Le 25, Tjibaou déclare l’indépendance de la Kanaky et désigne son « gouvernement provisoire ». Le 27, Jacques Lafleur, leader du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (principale force loyaliste), annonce que la Nouvelle-Calédonie est en état de « légitime défense »… Jusqu’à la fin de l’année, ce ne sont que grèves, incendies, manifs, barrages, plasticages, arrestations, assassinats – 90 Kanak trouveront la mort au total. En mars 1986, la droite gagne les législatives en France – et la répression se durcit sous la « cohabitation » Chirac-Mitterrand.
Le 24 avril 1988 doivent avoir lieu des territoriales et le premier tour de la présidentielle française – dont les deux favoris sont Mitterrand, pour un second mandat, et Chirac. Le FLNKS a appelé à leur boycott actif et confié à ses comités locaux le soin de faire connaître sa position. Le 22 avril, des militants de l’île d’Ouvéa conduits par Alphonse Dianou (membre de l’UC) décident, pour appliquer cette consigne, de remplacer le drapeau français par le drapeau kanak dans une gendarmerie ; mais l’action tourne mal : un gendarme réagit à leur vue en tirant, s’ensuit une fusillade où meurent quatre militaires, puis les militants indépendantistes en prennent 27 autres en otages avant de se réfugier dans une grotte. Le 5 mai, Mitterrand signe l’ordre d’en donner l’assaut. C’est l’« opération Victor » : 350 gendarmes, paras et GIGN interviennent, et 19 Kanaks sont sauvagement exécutés. Mitterrand est réélu. Il charge son nouveau Premier ministre, Michel Rocard, de faire reprendre le dialogue entre Tjibaou et Lafleur – et, le 26 juin, ceux-ci acceptent les accords de Matignon.

Notes

[1] Lire, sur oclibertaire.lautre.net, « De la lutte pour l’indépendance kanake socialiste à la négociation d’une autonomie renforcée ? » paru dans Courant alternatif de février 2022.

https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article4215

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