Réduction des pesticides : le recul du gouvernement

Agriculture

Réduction des pesticides : le recul du gouvernement

Le plan de réduction des pesticides Écophyto a un nouvel indicateur, a annoncé le Premier ministre le 21 février. Pour les associations écologistes, il s’agit d’un « retour en arrière ».

Gabriel Attal a évacué le sujet en une phrase et quelques secondes. « Je vous annonce que l’indicateur de référence pour suivre notre objectif de réduction [des pesticides] ne sera plus le Nodu franco-français, mais bien l’indicateur européen », a déclaré le Premier ministre, le 21 février. Il tenait une conférence de presse à Matignon, pour faire le point sur les engagements du gouvernement en réponse à la colère des agriculteurs.

Si ce changement d’indicateur peut sembler anecdotique, il a en réalité fait l’effet d’une bombe parmi les ONG environnementales. « C’est un reniement total des objectifs d’Écophyto [le plan visant à réduire de 50 % l’usage des pesticides en France d’ici 2030] », s’est immédiatement indignée l’association Générations futures dans un communiqué.

« Un nouvel échec politique, sanitaire et environnemental »

Dès le 1er février, face aux manifestations d’agriculteurs dans tout le pays, le gouvernement avait déclaré mettre « en pause » le programme Écophyto jusqu’au Salon de l’agriculture (qui débute le 24 février), le temps de consulter les demandes des syndicats. L’exécutif avait ensuite argué que l’indicateur de calcul actuel, appelé le Nodu (nombre de doses unités), ne permettait pas les comparaisons avec les autres pays européens. Autrement dit, qu’il fallait le remplacer.

Le gouvernement avait annoncé envisager un référentiel européen, baptisé HRI1 (indicateur de risque harmonisé). Celui-ci pondère les quantités de pesticides utilisées par un coefficient, censé refléter leur dangerosité. Les ONG environnementales s’étaient opposées à ce choix — elles avaient même boycotté une réunion gouvernementale le 12 février pour protester —, estimant que le changement d’indicateur allait indiquer une réduction des pesticides complètement artificielle.

« Entre 2011 et 2021, le choix du Nodu indique une hausse de 3 % [d’utilisation des pesticides] alors que le HRI1 serait lui à la baisse de… 32 % pendant la même période ! » avaient écrit plusieurs associations dans une lettre, mais le gouvernement avait refusé qu’elles la lisent en réunion.

Lire aussi : Pesticides : « Le prochain indicateur d’Écophyto va endormir les gens »

Faisant fi de cette levée de boucliers, Gabriel Attal a donc malgré tout acté l’abandon du Nodu le 21 février. « C’est conforme à notre volonté d’éviter toute surtransposition. C’était la demande des agriculteurs », a justifié le Premier ministre.

« Il s’agit d’un retour en arrière », a estimé de son côté Générations futures. « L’abandon de l’indicateur Nodu signe un nouvel échec politique, sanitaire et environnemental. L’agriculture est dépendante des pesticides, et plutôt que de l’aider à en sortir, le gouvernement laisse faire », a approuvé l’ONG WWF sur le réseau social X (anciennement Twitter).

Un objectif identique, promet le gouvernement

Interrogés, les services de Matignon insistent : le « changement de thermomètre » ne signifie pas un changement d’ambition. L’objectif est toujours de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides d’ici la fin de la décennie, affirment-ils.

Leur raisonnement est le suivant : puisque l’indicateur européen HRI1 pondère les pesticides les plus dangereux, mais que ceux-ci ont été réduits de 96 % ces dernières années en France, il sera désormais aussi difficile d’atteindre une réduction de 50 % des pesticides qu’avec le précédent indicateur « franco-français ». « Le point d’arrivée reste globalement à une intensité d’effort et une ambition environnementale équivalente », indique le cabinet de Gabriel Attal. Le changement d’indicateur permettrait donc seulement d’avoir une vision plus « homogène » de l’effort au niveau européen. Toutefois, l’exécutif ne précise pas la date de référence du HRI1 qui sera retenue, ni le périmètre des substances qui seront évaluées.

Le nouveau plan Écophyto sera donc publié lors du Salon de l’agriculture, qui se tiendra jusqu’au 3 mars à Paris. « Il permettra d’acter et d’inscrire en toutes lettres notre changement de méthode : pas d’interdiction sans solution, pas de surtransposition, le tout, sans renoncer à notre ambition de réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2030 », a déclaré Gabriel Attal, rappelant que 250 millions d’euros seront consacrés à la recherche d’alternatives aux produits phytosanitaires.

De la même façon, Gabriel Attal a dénoncé l’utilisation du thiaclopride, un néonicotinoïde interdit en Europe depuis 2020, mais dont les importations sont encore possibles. Le Premier ministre a annoncé prendre un arrêté cette semaine pour interdire son importation en France.

Son cabinet indique par ailleurs que « la ligne rouge » reste la santé des Français. Ainsi, les demandes de suppression des zones de non-traitement aux pesticides, portées par certains agriculteurs, ont été refusées par l’exécutif. « Il n’est pas question de bouger ça », insistent les services de Matignon.

La colère s’enlise

Outre cette annonce rapide sur les pesticides, Gabriel Attal a dévoilé les grandes lignes du projet de loi agricole, depuis sa réécriture. En effet, après les premières manifestations, le gouvernement avait brusquement reporté la publication du texte pour le modifier.

D’abord concentré sur le renouvellement des générations et l’installation de nouveaux agriculteurs, le projet de loi s’appelle désormais « projet de loi pour une agriculture souveraine ». Il inscrira « noir sur blanc » l’objectif de souveraineté agricole et alimentaire, et placera l’agriculture au rang des « intérêts fondamentaux de la nation, au même titre que notre sécurité ou notre défense nationale ».

Surtout, le Premier ministre a tenu à rappeler à quel point l’exécutif a agi ces dernières semaines. « Soixante-deux engagements avaient été pris. En trois semaines, 100 % des chantiers ont été ouverts depuis », a-t-il assuré. Et de citer : plusieurs millions d’euros versés pour indemniser les agriculteurs touchés par des tempêtes, inondations ou concernés par la maladie hémorragique épizootique (MHE) ; la suppression de la taxe sur le gazole non routier ; le versement des aides de la Politique agricole commune (PAC)… Tout pour tenter de calmer la colère des agriculteurs.

Des manifestations avaient encore lieu le 21 février, de la Haute-Garonne à la Mayenne. De quoi prévoir quelques chahuts lorsqu’Emmanuel Macron inaugurera le Salon de l’agriculture, le 24 février.

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