Deux manifestations sont prévues en janvier contre la loi asile et immigration, loi la plus raciste et anti-sociale de ces 40 dernières années. Mais pourquoi deux ?
Le coup de tonnerre à l’Assemblée nationale sera-t-il suivi d’une déferlante dans la rue ? Ses opposants le souhaitent de tout cœur.
« La loi a été adoptée le 19 décembre. Dès le 22 décembre, de nombreuses organisations déjà mobilisées contre son adoption se sont réunies pour déterminer une nouvelle date de manifestation. Il y avait une conscience commune que l’heure était grave. Avec cette loi inspirée par les idées de l’extrême droite, on avait franchi un cap », résume Julie Ferrua, secrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires.
De fait, la loi asile et immigration, voulue par le gouvernement Macron, réécrite par les Républicains et quasi dictée par le Rassemblement national, est sans conteste la loi la plus raciste et anti-sociale depuis 40 ans.
Parmi les mesures les plus choquantes : elle introduit un nouveau critère de préférence nationale en exigeant des conditions de présence en France (5 ans) ou de travail (30 fiches de paie) pour avoir accès aux allocations familiales et aux aides au logement. Elle met aussi fin à l’automaticité du droit du sol pour les personnes nées en France de parents étrangers, censé acquérir la nationalité française automatiquement à leur majorité. Elle comporte également d’autres articles moins médiatisés mais tout aussi dramatiques pour des milliers de personnes, souvent dans une situation déjà fragile (voir notre article).
Après le vote, le mouvement social, qui manifestait depuis plus d’un an « contre Darmanin et son monde », acte sa défaite, dénonce un tournant à l’extrême droite du quinquennat Macron et refuse de baisser les bras. Mais, alors que les organisations souhaitent montrer leur unité lors d’une grosse journée de manifestation commune, deux dates de manifestations contre la loi asile et immigration finissent par sortir du chapeau.
Le 14 janvier sans la CGT
Si la nécessité d’organiser une riposte massive et rapide au vote de la loi immigration fait consensus parmi les organisations présentes lors de la réunion du 22 décembre, difficile de parvenir à un accord. « Tout le monde était d’accord pour dire qu’il fallait agir avant le 25 janvier, date à laquelle la loi doit passer devant le conseil constitutionnel et où, de l’aveu même des ministres, certains articles vont être censurés », explique Julie Ferrua de Solidaires.
« Au départ, de nombreux collectifs de sans-papiers souhaitaient que la riposte soit la plus rapide possible et souhaitaient que la manifestation ait lieu dès le 6 janvier. D’autres organisations expliquaient qu’il faudrait du temps pour que quelque chose de plus gros se fasse mettaient en avant la date du 21. On pensait qu’on arriverait à trouver un compromis autour du 14 janvier », ajoute Mathieu Pastor, militant de la marche des solidarités.
Finalement, les désaccords ne sont pas surmontés et deux manifestations restent programmées le 14 et le 21 janvier. Les premières auront lieu le 14 janvier, notamment dans les grandes villes (Paris, Marseille, Lyon, St Étienne, Rennes, Grenoble, Bordeaux, Montpellier, Brest…). L’appel rassemble plus de 400 collectifs, associations, syndicats et partis politiques, mais un grand absent manque à l’appel : la confédération CGT.
Le 21 janvier : une « grande marche citoyenne »
Pour la centrale syndicale, la date du 14 janvier est exclue car trop proche de celle du 13 janvier, grande date de mobilisation pour la Palestine. La CGT estime également qu’elle a besoin de plus de temps pour médiatiser l’événement et le construire avec ses adhérents. Elle acte également un changement de méthode. Avec une tribune signée par « 201 personnalités », artistes, militants, scientifiques, elle souhaite élargir le champ des manifestants au-delà des cercles militants.
« L’idée c’est de rassembler tous ceux qui sont choqués par cette loi écrite sous la dictée de l’extrême droite (…) L’idée c’est de se placer sur le plan de l’humanité vis-vis de l’autre et de l’attachement aux valeurs fondamentales de la République : l’universalité des droits, le maintien du droit du sol », a soutenu Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, interviewée par RMC.
La cégétiste appelle Emmanuel Macron à utiliser l’article 10 de la constitution : « Cet article permet de revenir vers l’Assemblée nationale même si la loi est votée. Nous demandons au président de la République de l’activer pour organiser un nouveau débat à l’Assemblée nationale sur la base d’un texte modifié en profondeur », continue Sophie Binet.
Continuer au-delà du conseil constitutionnel ?
Pour insister sur ce caractère rassembleur, la tribune a été signée par une députée Renaissance opposée à la loi immigration, un député LIOT, Marylise Léon de la CFDT. Des personnalités qui ne portent pas les mêmes revendications (la régularisation de tous les sans-papiers par exemple) que les organisations militantes des premiers et premières concernés, qui manifesteront le 14 janvier.
« On ne va pas se cacher, on sait que la manifestation du 21 janvier sera plus visible que celle du 14, les organisateurs ont des moyens que nous n’avons pas. Mais on ne se retrouve pas dans une marche où les grandes stars vont parler et où les premiers concernés ne sont pas mis en avant. On ne pense pas que quelque chose de combatif puisse sortir de ce cadre. On a aussi peur que ce grand mouvement citoyen s’arrête avec le passage de la loi au conseil constitutionnel. Or la bataille ne peut pas s’arrêter là », estime Mathieu Pastor de la Marche des solidarités.
Son organisation a décidé de ne pas appeler à se joindre à la marche du 21 janvier.
D’autres organisations comme Attac France ou Solidaires ont au contraire décidé d’appeler aux deux journées, estimant que la deuxième journée viendrait renforcer la première :
« Une seconde manifestation aura lieu le 21 janvier, qui devra donner encore plus d’ampleur à la mobilisation, après les manifestations du 14 décembre. D’ici là, sur nos lieux de travail, d’études, de vie, continuons à mobiliser et à informer sur les conséquences de cette loi dictée par l’extrême droite. On peut faire reculer le gouvernement si on s’y met massivement », conclut Attac France dans son communiqué.
Crédit photo : Simon Mauvieux
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