Transports
Hausse de la fréquentation des trains, tonnes de gaz à effet de serre non-émises, progression face à l’avion… En Espagne, les subventions massives aux transports publics sont un grand succès, estime Greenpeace.
Madrid, correspondance
« La » baisse du prix des transports en commun entraîne-t-elle une diminution des émissions de CO₂ ? Oui, répond Greenpeace Espagne, dans un rapport publié le 19 septembre. La branche ibérique de l’ONG a dressé le bilan des mesures adoptées par le gouvernement espagnol pour faire baisser le prix des transports publics, un an après leur entrée en vigueur. Et elle estime que les mesures temporaires réduisant le coût des transports publics en Espagne ont entraîné une baisse de 160 à 320 tonnes d’émission de CO₂ par jour dans le pays.
Depuis septembre 2022, l’État prend en charge à 100 % les trajets réguliers des Espagnols — en trains de banlieue ou du réseau ferré régional, bus publics entre deux villes… Cette prise en charge est de 50 % pour les trajets réguliers en trains régionaux à grande vitesse et pour les trajets de moins de 100 minutes sur le réseau à grande vitesse national.
Dans les villes, les abonnements pour le métro et les bus sont subventionnés à 50 %. Ces aides doivent s’appliquer jusqu’au 31 décembre. En parallèle, l’ouverture du rail à la concurrence a permis la baisse des prix sur certaines lignes à grande vitesse. Résultat ? Le train gagne du terrain sur l’avion.
Fréquentation en hausse
Un succès donc, assure l’ONG de défense de l’environnement : une fréquentation du métro en hausse de 17 % dans les villes, de 30 % pour le bus. Le nombre de voyages sur le réseau régional classique a bondi de 67 % et de 64 % pour la grande vitesse.
Quant aux réseaux périurbains, leur fréquentation a monté de 27 %. « Cela suppose une augmentation moyenne de 206 278 voyageurs par jour, [soit] 56,1 millions de voyageurs en plus [dans le pays entre le début des subventions et mai dernier] », dit le rapport.
« Nous devons encore vérifier d’où viennent ces nouveaux voyageurs car il n’y a toujours pas de données officielles disponibles sur la période pertinente », dit Cristina Arjona, chargée des questions de transports pour Greenpeace Espagne.
Laisser la voiture à la maison
Pour avoir une première estimation en termes d’émissions de gaz à effet de serre, les auteurs du rapport se sont basés sur les résultats de la mise en place du ticket à 9 € en Allemagne, qui permettait d’emprunter tous les transports publics d’une ville et les trains régionaux pour 9 € par mois durant l’été 2022.
Ils ont croisé les résultats de cette expérience avec les chiffres publiés par la région de Madrid sur les variations de l’intensité du trafic sur ses routes. Ils estiment ainsi que 10 % à 20 % des nouveaux usagers des transports en communs ont laissé leur voiture à la maison. Ce qui réduirait les émissions liées aux déplacements des Espagnols de 160,21 à 320,42 tonnes de CO₂ par jour. Rapporté à une année, ce sont entre 58 467 et 116 953 tonnes économisées.
Pour éviter le retour à la situation antérieure une fois que ces subventions prendront fin, Greenpeace préconise un abonnement unique de transports à 30 euros par mois, valide pour la totalité des services actuellement couverts par les mesures gouvernementales sur l’ensemble du territoire.
En parallèle aux subventions temporaires de l’État, l’ONG se réjouit de l’ouverture à la concurrence du ferroviaire depuis mai 2021, rompant le monopole de la société ferroviaire historique Renfe. Pour l’heure, seuls le français Ouigo et l’italien Iryo se sont lancés sur cinq destinations du réseau grande vitesse, toutes au départ de Madrid (Barcelone depuis mai 2021, Valence depuis octobre 2022, Alicante, Málaga et Séville depuis cette année).
Cela a entraîné une chute des prix. Entre Madrid et Barcelone, par exemple, en mars dernier, le prix moyen proposé pour les trains AVE de l’opérateur espagnol était de 78 euros. Il variait entre 37 et 42 euros chez les nouveaux venus. Avec certains billets à 15 euros. Et cela semble rendre le train plus attractif que l’avion.
En 2022, la Commission nationale des marchés et de la concurrence, le « gendarme de la concurrence » en Espagne, note dans son dernier rapport annuel, publié en juillet 2023, que la part du train monte par rapport à celle de l’avion sur le trajet Madrid-Barcelone. En France en revanche, l’ouverture à la concurrence n’a pas eu les effets positifs escomptés.
« Les citoyens préfèrent le train à l’aviation »
Dans une étude publiée le 20 juillet, Greenpeace s’indignait que, sur un même trajet, les billets d’avion pouvaient coûter quatre fois moins cher que le train en Espagne.
Pour Cristina Arjona, l’augmentation de la part du train sur les lignes où la concurrence a fait baisser les prix « démontre que quand les services existent et qu’ils sont accessibles, les citoyens préfèrent le train à l’aviation, secteur où les émissions augmentent le plus chaque année. »
https://reporterre.net/En-Espagne-le-succes-du-train-pas-cher
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