POUR LE BIEN DE LA RÉVOLUTION

24 avril 2023

Malgré l’interdiction de l’enrôlement des Suisses dans la guerre d’Espagne décrétée par le Conseil fédéral et la répression de toute forme de solidarité, plusieurs centaines furent volontaires. Parmi eux, Albert Minnig et Edi Gmür témoignèrent de leur arrivée à Barcelone, de leur expérience au front, des débats sur la militarisation. Le premier est milicien dans les rangs de la CNT-FAI, le second, communiste. Leurs  divergences contribuent à la pluralité des points de vue.

Le groupe avec lequel voyage Albert Minnig est un des premiers, en provenance de Suisse, à rejoindre les milices. Ils arrivent le 30 août 1936 à Port-Bou et constatent que les organisations ouvrières ont pris le contrôle de l’exploitation des chemins de fer. Après quelques heures d’instruction, ils rejoignent la colonne Los Aguiluchos de la FAI pour le front de Huesca, avec espadrilles, bleus et cartouchières, sous les acclamations de la foule au moment de quitter Barcelone. Pour échapper à la « militarisation imbécile », ils demandent à rejoindre  e bataillon italien. Ils ne reçoivent plus ni vivres ni munitions, et « les camarades espagnols qui ont été militarisés se plaignent de n’avoir pas obtenu une seule promesse et aucun n’a encore vu la couleur du matériel russe ». Albert Minnig raconte aussi sa visite de la collectivité de Torrente de Cinca, puis la métamorphose de Barcelone où il repasse avant son départ : les drapeaux républicains ont remplacé les drapeaux rouges et noirs, les señores, le peuple aux terrasses des Ramblas.

Edi Gmür et ses camarades passent la frontière espagnole le 24 décembre 1936 à minuit. Dès le 29, ils sont au front, à Gelsa, avec le groupe de combattants de langue allemande du Grupo Internacional, agité par des débats assez houleux sur la militarisation. Si les espagnols et les français y sont opposés, les autres internationaux – et lui aussi – y sont favorables sous certaines conditions. Cependant, alors qu’il est en permission à Barcelone, le bataillon auquel appartient sa compagnie est lourdement décimé par une contre-attaque des fascistes pendant la prise de l’ermitage de Santa Quiteria, mi-avril, l’aviation ayant, semble-t’il, reçu l’ordre de Valence de ne pas intervenir. Il assiste aux « troubles de mai » : échanges de tirs et aux barricades dans les rues de Barcelone. « Je suis venu ici pour lutter contre le fascisme international, et maintenant on se voit confronté au problème de suivre un des partis ouvriers contre l’autre », note-t’il. En juillet, il est arrêté, soupçonné d’avoir servi dans le Batallón de Choque, formé par le POUM. Rapidement libéré, il décide de ne pas retourner au front et part en France. Il mourra en 1956. Sa compagne détruira tous ses papiers lors des émeutes anticommunistes que connaît la Suisse en décembre, suite à la répression soviétique contre le soulèvent populaire en Hongrie

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier

POUR LE BIEN DE LA RÉVOLUTION
Deux volontaires suisses miliciens en Espagne, 1936-1937
Albert Minnig et Edi Gmür
Présentation et traduction de Marianne Enckell
146 pages – 10 euros
Éditions CIRA – Lausanne – Avril 2006
Le cahier d’Albert Minnig a initialement été publié dans Le Réveil anarchiste, Genève, du 24 juillet 1937 au 12 février 1938.
Le journal d’Espagne d’Edi Gmür, dans Tages-Anzeiger, quotidien zurichois, du 14 mai au 18 juin 1938.

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