Mobilisation sociale
jeudi 19 janvier 2023
Depuis quelques années, l’extrême droite n’hésite plus à venir pointer son nez dans les luttes sociales, on l’a vu en particulier au moment des Gilets jaunes. Du côté de certains partis électoralistes, il s’agit de se fondre dans le paysage et d’essayer de se donner un vernis social ; pour les groupuscules radicaux, d’attaquer dans des agressions aussi violentes que soudaines. Pour commencer, on vous propose de faire le point sur la position de quelques mouvements d’extrême droite sur la réforme des retraites…
Au Rassemblement national, si Marine Le Pen a dit que son parti ne combattrait la réforme des retraites dans les rues, elle a réaffirmé son opposition au projet de réforme. Jordan Bardella a ainsi déclaré que son parti « entend prendre la tête de l’opposition législative à la réforme des retraites » En 2019 déjà, lors de la mobilisation contre la réforme du système de retraite « à points », elle avait rappelé qu’en 2017, l’engagement 52 de son programme proposait de « fixer l’âge légal de la retraite à 60 ans avec 40 annuités de cotisations pour percevoir une retraite pleine. »
Mais si on regarde un peu plus en arrière, on voit que cette position n’a pas été toujours celle du FN-RN. Dans les années 1990, le FN s’intéresse beaucoup aux retraités, qui constitue une part importante de son électorat : un Cercle National des Retraités et Préretraités est même créé en 1992 pour soutenir ce public dans ses démarches administratives et fiscales.
En 2003, lors du mouvement contre la réforme des retraites de François FIllon, Jean-Marie Le Pen fustige les grévistes et les manifestants à cause de qui « la France s’enfonce dans l’anarchie » et Louis Aliot déplore que les syndicats « hier aux ordres de Moscou […] continuent sans être combattus, d’empêcher toute réforme vitale pour l’avenir de la Nation. »
En 2010, alors que les foules se mobilisent contre la réforme qui prévoyait de passer de 60 à 62 l’âge légal de départ à la retraite, Marine Le Pen, tout en considérant la réforme « injuste », préfère elle aussi pointer du doigt les syndicats et les « casseurs ».
VISA rappelle qu’en 2012, le programme du FN propose certes 40 ans de cotisations et un départ à 60 ans, mais en précisant que, si le système de retraite est en danger, « alors les français accepteront les sacrifices qu’on leur demandera en augmentant la durée des cotisations ».
À Debout le France, dont le programme stipule simplement vouloir « pérennise notre système de retraite », c’est un peu le même son de cloche. Nicolas Dupont-Aignan propose un référendum d’initiative partagé (RIP) pour se prononcer sur le maintien du départ à 62 ans, tout en jugeant la réforme « inutile » et « injuste ». Debout les retraités !
Mais pour mener son projet à bien, le député de l’Essonne, a besoin de la signature de 185 autres parlementaires : pas sûr que le RN lui donne l’occasion de se remettre en avant, alors que tout le monde ou presque l’a oublié. Quoiqu’il en soit, il a annoncé sa présence dans la manif d’aujourd’hui, même s’il se refuse à « bloquer le pays »…
Du côté de Reconquête !, on assume un positionnement beaucoup plus à droite. Ainsi, Zemmour trouve lui que la réforme défendue par Elisabeth Borne ne va pas assez loin. Sur CNews, il a soutenu le report de l’âge de la retraite à 64 ans, et traite celles et ceux qui défendent la retraite à 60 ans « d’irresponsables ». C’est vrai aussi que sorti de ses terrains de prédilection que sont l’immigration et « l’identité », le pauvre Z est à la rue et totalement déconnecté des préoccupations des gens.
À la Cocarde étudiante, c’est un peu la même : incapable de s’associer à la contestation sociale, elle critique du bout des lèvres une réforme « purement idéologique » sans vraiment la remettre en question, et se distingue en proposant de régler le problème de la retraite en même temps que celle du « grand remplacement » : relancer la natalité française !
Notons au passage que l’ex-FN passé à Debout la France en 2018, Bernard Monot anime un très confidentiel Cercle National des Economistes (CNE) présidé par Jean-Richard Sulzer, qui estimait en mars 2022 que le programme d’Eric Zemmour était le plus « crédible » sur le plan économique.
Aujourd’hui, le CNE estime lui que cette réforme des retraites est en réalité un projet porté en surface par l’Union européenne, et en sous-main par le groupe financier américain BlackRock.
Ce n’est sûrement pas Florian Philippot qui le contredira : pour lui, cette réforme des retraites est entièrement téléguidée depuis Bruxelles (c’est déjà ce qu’il disait en 2017) et la seule solution est donc pour lui le « Frexit » (Asselineau, sors de ce corps !). Mais il reproche lui aussi à Macron de vendre l’État aux Américains, en particulier à Mc Kinsey, dont Philippot voit la main absolument partout, aussi bien derrière les campagnes de vaccination que la réforme des retraites.
En mars 2018, histoire de donner de la crédibilité à son nouveau parti les Patriotes, Philippot avait annoncé qu’il serait dans la rue « avec les retraités » pour défendre leur pouvoir d’achat. Depuis, à diverses reprises, Philippot a tenté de s’inviter dans les luttes sociales. La précoce et durable implication des Patriotes dans le mouvement contre le pass sanitaire a sûrement donné à ce parti le goût de la rue (les urnes ne lui rendant pas justice) : il est donc possible qu’on voit ses militants tenter de jouer sur la confusion des genres.
À l’Action française, on reste « perplexe » face à la réforme des retraites, tout en proposant une sorte de synthèse poussive des critiques des autres mouvements d’extrême droite : Union européenne, BlackRock, dénatalité… On sent aussi qu’à l’AF on a envie de s’agiter pour accompagner la « colère du peuple » dans la rue, mais qu’on est conscient de n’avoir rien à proposer. À Marseille, l’Af s’est même invité à la marche aux flambeaux organisée par la CGT, qui a aussitôt dénoncé cette intrusion.
Enfin, du côté des groupuscules violents, on peut sans trop de risque parier sur le fait que leur « participation » au mouvement de contestation qui s’annonce se résumera à l’agression par surprise de paisibles manifestant·es, voire, pour les plus déterminés, à l’attaque de cortège d’extrême gauche comme cela avait été le cas lors du mouvement des Gilets jaunes.
La Horde
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