Services publics
3 novembre 2022 par Transrural initiatives
Un collectif grenoblois a décidé de réinstaller des cabines téléphoniques dans les espaces publics. Objectif : pouvoir vivre sans être tracé et lutter contre la fracture numérique. Interview.
Publié dans Alternatives
Cet article est publié dans le cadre de notre partenariat avec Transrural initiatives.
Transrural Initiatives : D’où vient cette idée de relancer les cabines téléphoniques à Grenoble ?
Vincent, membre du collectif Observatoire international pour l’installation des cabines téléphoniques (OIRCT) : Il y a deux ans, un parti un peu décalé, le parti « popolitique » s’est lancé dans la campagne des municipales à Grenoble. Parmi les propositions, il y avait l’idée de réinstaller 22 cabines téléphoniques dans la ville.
L’an dernier, le journal local Le Postillon s’était penché sur cette proposition en disant qu’il fallait aller jusqu’au bout de la démarche. L’article a touché pas mal de monde et avec des membres du Postillon et d’autres personnes, nous avons créé l’OIRCT. Nous avons lancé la première cabine téléphonique en mars dernier dans un parc où il n’y a aucun accès à l’électricité et internet et la seconde vient d’être installée.
À Grenoble, une part du budget municipal est consacrée à un budget participatif. On a été sélectionnés parmi la trentaine de projets pour la suite qui va faire l’objet d’un vote plus large.
Concrètement, comment ça marche ?
Même si ce n’est pas satisfaisant, on est obligé de passer par internet. On a acheté un téléphone fixe qui fonctionne comme un portable, sur batterie avec une carte. Ça donne un objet sur mesure, les gens peuvent l’utiliser, mais pas l’emporter. Il y a plusieurs dizaines d’appels par jour. Il y a pas mal de jeunes ados qui s’en servent pour prévenir leurs parents qu’ils sont arrivés au parc, des sans-papiers, ceux qui n’ont pas de portable.
Derrière cette initiative, quel est le message que vous voulez faire passer ?
Nous ne sommes pas dans une optique passéiste ou nostalgique, mais dans une optique de montrer que l’utilisation de la cabine téléphonique est un choix de société, de refus de la numérisation générale et de réclamer le droit de vivre sans smartphone, sans téléphone et être sans cesse fliqué, tracé… Nous voulons d’un monde rempli d’humains, pas de robots.
Quelle est votre position sur la « fracture numérique » ?
Beaucoup disent qu’il faut des médiateurs pour des gens qui sont éloignés du numérique, on n’est pas là-dessus. Nous disons : il faut pouvoir vivre normalement sans smartphone, sans ordinateur et que les services publics soient aussi sans connexion internet. Qu’on puisse faire des démarches sans fournir trois codes et prendre rendez-vous chez le médecin sans aller sur Doctolib. On a l’impression que la numérisation générale est une fatalité, on est persuadé que non. Les choix politiques qui servent les grands intérêts privés notamment, ça ne dessine pas un avenir désirable.
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La cabine téléphonique est donc un symbole ?
C’est un acte décalé et un peu inattendu, car le nombre de cabines n’a fait que baisser depuis 25 ans. Il y en avait 300 000 en 1997, il y en a maintenant moins d’une dizaine actives en France ! Mais ce n’est pas une fatalité. Dans d’autres pays, il en reste beaucoup plus. En Australie, ils viennent de décider de rendre gratuits les appels nationaux sur les 15 000 dernières cabines avec un discours très clair pour lutter contre la fracture numérique. La disparation des cabines, c’est le résultat de choix politiques.
Propos recueillis par Étienne Martin pour Transrural Initiatives
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