Le marigot révisionniste et ce qu’il cache

Article mis en ligne le 20 août 2022

par F.G.

■ Deux croisés du révisionnisme historiographique de droite extrême – Isabelle Schmitz et Philippe Maxence – viennent de sortir des poubelles où il était tombé en Espagne le faussaire Pio Moa, ancien maoïste délirant rallié sur le tard au franquisme et auteur, dans les années 2000, de libelles propagandistes de légitimation de la « Croisade contre les Rouges ». Ainsi, dans le numéro 63 du Figaro Histoire (août-septembre 2022) et sous le titre « Guerre d’Espagne, la mécanique du chaos », les deux plumitifs susnommés lui servent la soupe à la faveur de la publication en français de Mythes de la guerre d’Espagne 1936-1939, grotesque pensum de Pio Moa récemment paru à L’Artilleur, officine éditoriale dont le catalogue – de Bainville à Rioufol ou Philippot et de furieux auteurs climato-sceptiques à d’obscurs croisés de la chasse aux musulmans – laisse peu de doutes sur les penchants zemmouriens de ses responsables.

Fallait-il, comme « Cerveaux non disponibles », faire grand cas de cette affaire au nom de la résistance à la falsification et des grands principes antifascistes, ou, comme « Mediapart », appeler des historiens brevetés ou patentés à la rescousse de la vérité au prétexte que le faussaire Pio Moa n’aurait aucun pedigree académique ? Nous n’en sommes pas sûrs. On comprend, certes, l’indignation morale des premiers. Moins la démarche de « Mediapart » qui, ce faisant, semble ignorer – ou minimiser, ou approuver – le rôle que joua l’Alma Mater dans la reconfiguration mémorielle de ladite « transition démocratique ».

Pour nous, Pio Moa est un crétin polygraphe doublé d’une canaille politique qui a recyclé toutes les saloperies franquistes en les présentant comme des découvertes propres. Il a servi à faire diversion en un temps où plus personne ne lisait la vieille historiographie nationale-catholique. Aujourd’hui il ne sert plus à rien en Espagne où ses livres sont soldés à vil prix dans toutes les brocantes du pays. Que des artilleurs zemmouriens l’éditent en français et que des zélotes de la vraie droite nationale s’en fassent les propagandistes ne nous indignent même pas. Ils sont dans leur rôle avec vingt ans de retard, ce qui est plutôt rassurant.

Cela dit, l’occasion est bonne de partir de cet épiphénomène pour réexaminer par quels mécanismes et à partir de quels dispositifs, la « transition démocratique » socialo-libérale vers le Marché s’entendit à merveille, avec la complicité des médias progressistes et de l’Alma Mater, pour en finir avec la révolution sociale de juillet 1936 et l’immense rêve émancipateur qui la porta.

C’est dans cette perspective qu’il nous a semblé utile de republier l’analyse de Freddy Gomez – « Soubresauts d’une histoire sans fin » –, où est évoqué marginalement (c’est-à-dire à sa juste place) le rôle que l’establishment postfranquiste attribua au « crétin politique » Pio Moa dans ce jeu de dupes. Ce texte fut publié dans la revue (papier) À contretemps, n° 27, pp. 3-6, janvier 2007.

Bonne lecture !

– À contretemps –

https://acontretemps.org/spip.php?article934

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