« La SNCF créé des travailleurs pauvres » : nouvelle grève des cheminots
Les cheminots seront en grève sur tout le territoire ce mercredi 6 juillet. Les travailleurs de la SNCF font monter la pression sur leur direction face au décrochage entre leurs salaires et l’inflation. Au-delà de la conjoncture actuelle, les organisations syndicales pointent l’absence d’augmentation salariale depuis huit ans. Mais aussi les conséquences de la suppression du statut de cheminot.
Cet été, la fréquentation du réseau SNCF sera un record. Le nombre de billets vendus à la mi-juin est en hausse de 10 % par rapport à la même période en 2019. Et de 50 % par rapport à l’an dernier. Ce succès estival, pourtant, n’augure pas de retombées sur les salaires. « La SNCF a fait 900 millions de bénéfices en 2021 à la SNCF. L’entreprise n’arrête pas de communiquer sur le fait que les trains seront pleins cet été… Mais derrière, on est en sous-effectif. Et nos salaires n’ont jamais été aussi bas par rapport au coût de la vie », réagit Bruno Poncet, secrétaire fédéral Sud Rail.
Depuis huit ans, les travailleurs de la SNCF n’ont pas bénéficié d’une augmentation de salaire. Et dans le contexte inflationniste actuel, comme dans beaucoup d’autres secteurs (énergie, aérien, commerce…) les organisations syndicales dénoncent un décrochage trop important.
« Confrontés à une inflation croissante et à l’absence d’augmentation générale depuis 2014, les cheminots subissent un recul net et fort de leur pouvoir d’achat » écrivent dans leur communiqué les syndicats à l’origine de la grève du 6 juillet : CGT, Sud Rail et CFDT. Ils demandent des mesures de rattrapage salarial pour absorber l’inflation. Celle-ci devrait atteindre 6,8 % en septembre, selon les estimations de l’INSEE. Mais aussi, plus globalement, une augmentation générale des salaires. « Aujourd’hui, la SNCF créé des travailleurs pauvres, qui gagnent à peine le SMIC », insiste Bruno Poncet.
« La crise va durer dans le temps »
D’un côté, donc, des mesures d’urgence sont demandées. La direction a fini par proposer un premier rendez-vous de négociation aux syndicats ce mercredi 6 juillet. Ces derniers assurent n’avoir aucun indice sur ce que la direction posera sur la table. « On sent qu’il n’y a pas de réelle volonté de négociation », craint Bruno Poncet. Contactée sur les pistes de travail envisagées, la SNCF n’a pas, pour l’heure, répondu à nos questions.
Le préavis de grève déposé pour ce 6 juillet est donc là pour « peser sur cette négociation, et en établir le caractère significatif », affirme Thomas Cavel. « C’est un avertissement à la boîte », abonde Bruno Poncet. Les organisations syndicales décideront de la suite à donner au mouvement en fonction des propositions avancées ce mercredi.
Reste, d’un autre côté, les négociations annuelles obligatoires (NAO). Un autre front pour les syndicats. « Ce sont deux couloirs de nage distincts, avec leur calendrier respectif. Mais avec un objet commun : celui des salaires », résume Thomas Cavel. Les dernières NAO ont eu lieu fin 2021. Une clause de revoyure était prévue, dans l’accord final, en 2023. Sauf que plusieurs syndicats, dont Sud Rail, n’ont pas signé cet accord. Tous, y compris l’UNSA ferroviaire, exigent depuis lors une réouverture des négociations dès 2022. Pour l’heure, c’est toujours le statu quo. « La crise va durer dans le temps. Donc on a besoin de mesures qui s’inscrivent aussi dans le temps » insiste Thomas Cavel.
En outre, les syndicats appelant à la grève demandent un report systématique de la hausse du SMIC sur l’ensemble de la grille. Et pour cause : les revalorisations successives du SMIC font passer sous son seuil les plus bas salaires de l’entreprise, puisque ceux-ci ne sont pas suffisamment revalorisés en parallèle. « S’il n’y a pas de revalorisation salariale dans la foulée de l’embauche, on se retrouve avec des salaires en-deça du SMIC » explicite Bruno Poncet. Ce phénomène « concerne toujours trop de collègues », soupire Thomas Cavel.
Fin du statut de cheminot à la SNCF : « on en paie le prix »
Au-delà de la conjoncture actuelle, la SNCF traverse une crise profonde. La faute à une politique publique sous-investissant dans le réseau ferroviaire et engageant l’entreprise dans une spirale de réduction des coûts, comme le détaille nos confrère de Basta!. La crise a franchi une nouvelle étape avec la loi « pour un nouveau pacte ferroviaire », passée en 2018 sous le gouvernement d’Édouard Philippe avec recours aux ordonnances. Depuis le 1er janvier 2020, celle-ci supprime le statut de cheminot pour tous les nouveaux entrants.
Aujourd’hui, « il y a une productivité très forte mais en même temps des départs de plus en plus nombreux et des difficultés de recrutement patentes », expose Thomas Cavel. Pour le responsable syndical, ce phénomène s’accélère depuis 2018. Conséquence directe, selon lui, de la suppression du statut de cheminot qui « assurait une attractivité ». « Il y a eu une mauvaise loi, une mauvaise politique publique sur le ferroviaire, et on en paie le prix très cher aujourd’hui », conclut-il.
Les organisations syndicales prennent garde à unir les anciens salariés sous statut comme les nouveaux entrants, derrière les revendications actuelles. Par exemple, « on demande un 13e mois autant pour les statutaires que pour les contractuels », souligne Bruno Poncet. De même, les demandes d’augmentations de salaires ou de primes (de nuit, pour les horaires décalés) concernent tout le monde. « Là où l’entreprise fait tout pour séparer les travailleurs, nous on fait tout pour les rassembler », veut croire Bruno Poncet. La mobilisation de ce mercredi témoignera du niveau d’accomplissement, sur le terrain, de cette volonté.
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