Malgré la présence du variant Omicron de la Covid-19 qui nous plonge depuis quelques semaines dans la sixième vague de l’épidémie, avec une succession de statistiques d’infections et de décès portant l’incidence quotidienne à des niveaux réellement alarmants, il est à nouveau question – tant pour les gouvernements que pour la plupart des gens – de revenir à la normalité du passé. Celle du « sauve qui peut ! », qui a transformé l’épidémie en pandémie.
En effet, malgré l’incertitude des spécialistes, quant à l’évolution de la pandémie, et la certitude, sur les conséquences néfastes – sociales et humaines – de l’adoption d’approches idéologiques pour y faire face, les gouvernements (avec l’approbation d’une grande partie de la population) continuent obstinément à réagir en fonction de l’idéologie capitaliste – privilégier la rentabilité du capital sur la santé et la vie des gens – plutôt que de le faire en fonction des connaissances scientifiques sur les dynamiques sanitaires et environnementales.
Une obstination qui confine au crime, comme en témoignent les chiffres des statistiques officielles des deux premières semaines de ce mois de janvier 2022, battant le record d’incidence d’infections presque partout, et donnant, pour le monde, un total de un peu plus de 317 millions de cas diagnostiqués et 5,51 millions de décès.
Mais, « curieusement », c’est cette explosion d’infections – et, par conséquence, des congés maladie compromettant la prestation de services essentiels et la dynamique économique – qui est en train d’inciter les responsables politiques à se lancer dans un scénario de gestion de la pandémie comme s’il s’agissait d’une maladie ordinaire. Non seulement pour minimiser le plus possible son impact sur les congés maladie, mais aussi pour obliger la population à assumer le risque d’une gestion individualisée de la pandémie/maladie.
Un changement de stratégie justifié par une évolution de la pandémie – supposée possible par certains experts – en endémie, comme la grippe, grâce au variant Omicron.
Mais, cela signifie « oublier » que la grippe cause déjà 650.000 décès par an et que l’anthropisation d’espaces où il n’y avait pas de présence humaine auparavant nous expose à de nouveaux virus qui, avec la pression démographique accrue et la mobilité accélérée résultant de la mondialisation et de l’hyperconnexion du monde, peuvent contribuer à déclencher de nouvelles épidémies mondiales. En outre d’oublier aussi le caractère incertain de cette évolution ; car, si les deux dernières années de la pandémie de Covid nous ont appris quelque chose, c’est bien la futilité de la futurologie, les limites des modèles prédictifs et la stérilité des proclamations d’issues heureuses ou catastrophiques sur la base de vœux ou de peurs.
Un « oubli » qui montre – une fois de plus – que les êtres humains sont les seuls animaux qui trébuchent deux fois sur la même pierre et, donc, qu’il ne faut pas espérer que maintenant, avec à nouveau deux ou trois jours d’incidence à la baisse, qu’ils en tireront des leçons de ce qu’ils ont vécu, pendant ces deux années de pandémie, et que cet axiome cessera d’être vrai. D’autant plus que les gouvernements et la majorité de la population s’empressent de revenir à la normalité du « sauve qui peut ! » de la dynamique économique dominante, malgré le fait d’être responsable de la propagation de la pandémie.
Une normalité qui signifie normaliser le risque d’infection et de décès lié au Covid. Et ce malgré le fait que la seule façon de se rapprocher de la fin de cette pandémie – comme l’OMS et la plupart des épidémiologistes ne cessent de le rappeler – est la réduction des infections et la vaccination complète au niveau mondial.
On peut donc dire que nous assistons à un dangereux, paradoxal et inquiétant recul du sens commun et de la rationalité scientifique, face à l’impératif économique capitaliste, qui montre à quel point la pensée et l’instinct même de survie sont désormais en crise. Tellement, qu’il est d’une grande urgence se demander combien de temps durera cette inconscience.
Non seulement parce qu’il est nécessaire de prendre conscience de cette régression intellectuelle et politique, afin de ne pas trébucher à nouveau sur la même pierre, mais aussi pour pouvoir inventer de nouvelles catégories morales et politiques qui, en plus de mettre la vie au centre de nos valeurs, nous puissent permettre de mieux affronter les dangers du monde actuel.
Une nécessité de plus en plus urgente ; car, les catastrophiques crises sanitaires et écologiques que nous vivons, en plus d’accentuer les effets désastreux – sur les jeunes et les plus précaires – de la crise économique et sociale que nous traînons depuis la crise financière de 2008, ne laissent aucune autre alternative que la pratique de l’entraide et de vivre en harmonie avec notre environnement naturel. Non seulement pour éviter le risque existentiel pour la vie humaine et le reste des espèces, mais aussi pour pouvoir poursuivre l’aventure/processus qui, de la biologie à la culture, nous a faits humains.
Octavio Alberola
En Castillan
https://www.elsaltodiario.com/alkimia/otra-vez-salvese-quien-pueda
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