On sait les méfaits du mode de production capitaliste et du productivisme sur les écosystèmes : océans acidifiés, biodiversité des sols dévastée, sixième extinction de masse, montée des eaux… On sait les déroutes du siècle dernier en matière de résistance audit capitalisme : débâcle mondiale du communisme d’État, échec des soulèvements anarchistes, mise au pas du réformisme social. Inutile de critiquer plus encore l’état des lieux : parlons plutôt des portes de sortie à notre disposition. L’Américain Murray Bookchin, disparu en 2006, est l’une des figures fondatrices de l’écologie sociale. Il est également le théoricien du municipalisme libertaire (ou communalisme) : une proposition à vocation révolutionnaire, populaire et écologiste. Elle aspire ainsi à dépasser le marxisme et l’anarchisme — que Bookchin a embrassés au fil de sa vie — tout en reconfigurant l’ensemble de la société, de bas en haut, autour de la commune et de la démocratie directe.
Aliénation : « La vie urbaine dans la métropole moderne connaît une situation d’anonymat, d’atomisation sociale et d’isolement spirituel qui est pratiquement sans précédent dans l’histoire humaine. Aujourd’hui, l’aliénation humaine est presque absolue. Dans l’espace urbain, les pratiques de coopération, d’entraide, de simple hospitalité et de décence se sont réduites de manière alarmante. » (Notre environnement synthétique, Atelier de création libertaire, 2017 — en langue anglaise : 1962)
Bêtes : « Notre viol de la nature a des racines psychiques très profondes — et il dérive ultimement d’une haine vindicative à l’égard des exigences personnelles de vivre avec d’autres êtres humains. De par ses origines hiérarchiques et patriarcales, la tradition occidentale manque d’empathie et pour les êtres non-humains et pour les individus humains. La marque de l’histoire est un amoncellement de débris où le plâtras des villes, mélangé à des machines démolies et à des corps fragmentés épandus pêle-mêle dans une étendue de ruines, constitue le vrai temple de la civilisation. Le moins que l’on puisse dire est que les animaux, dans ces horribles décombres, ne reçoivent guère d’attention. Nous les regardons fondamentalement comme les échecs de l’évolution dont nous sommes, assurément, l’apogée ; comme des déchets du progrès, comme des biens qui n’existent que pour être utilisés, souvent avec une cruauté monstrueuse, à nos fins les plus triviales. » (« Le changement radical de la nature », Aventures de la liberté, Atelier de création libertaire, 1985 — en langue anglaise : 1984)
Croissance : « Nous avons tellement pris pour acquis cette notion [de croissance] dans ces dernières générations que c’est comme si elle était immuablement fixée dans notre conscience, tout comme le caractère sacré de la propriété elle-même. Dans les faits, la croissance est presque devenue synonyme de l’économie de marché qui prévaut aujourd’hui. Ce fait trouve son expression la plus claire dans la maxime du marché croître ou mourir
. Nous vivons dans un monde compétitif dans lequel la rivalité est une loi de l’économie ; le profit, un désir social et personnel ; toute limite ou restriction, un archaïsme et les biens de consommation un substitut au moyen traditionnel utilisé pour établir une relation économique, à savoir le don. » (« Death of a Small Planet », The Progressive, août 1989)
Déléguer : « Un peuple dont la seule fonction politique
est d’élire des délégués n’est pas en fait un peuple du tout, c’est une masse, une agglomération de monades. La politique, contrairement au social et à l’étatique, entraîne la recorporalisation des masses en assemblées richement articulées, pour former un corps politique dans un lieu de discours, de rationalité partagée, de libre expression et de modes de prises de décision radicalement démocratiques. » (Pour un municipalisme libertaire, Atelier de création libertaire, 2003–2018)
État : « Quand je dis que nous devons démocratiser la république, je veux dire que nous devons préserver ces éléments démocratiques qu’a gagnés le peuple autrefois. En même temps, il nous faut aller plus loin et essayer de les radicaliser en les élargissant, en opposition à l’État et à ces éléments de l’État qui ont envahi la vie. […] Mais à côté de ces très puissants éléments étatiques dans la vie civique, il y a aussi des éléments démocratiques, ou des vestiges d’éléments démocratiques, et ceux-ci doivent être élargis et radicalisés. Cette radicalisation, selon moi, est le seul moyen dont dispose le mouvement municipaliste libertaire pour développer un pouvoir parallèle dirigé contre l’État. […] Ces deux processus font partie ensemble du phénomène plus large qui consiste à essayer de confronter l’État avec un pouvoir populaire suffisamment étendu pour être capable finalement de renverser l’État et de le remplacer par une société communiste libertaire. » (Entretien avec Janet Biehl, 12 novembre 1996, Le Municipalisme libertaire, Éditions Écosociété, 2014)
Femmes : « Bien avant l’apparition de la société bourgeoise, le rationalisme grec avait légitimé le statut des femmes qui faisait d’elles pratiquement des biens meubles, et la morale hébraïque avait placé entre les mains d’Abraham le pouvoir de tuer Isaac. Cette réduction de l’humain à l’objet, que ce soit comme esclave, comme femme ou comme enfant, trouve son exact parallèle dans le pouvoir de Noé de nommer les animaux et de les dominer, d’asservir à l’homme le monde vivant. Ainsi, nés des deux sources essentielles de la civilisation occidentale, l’hellénisme et le judaïsme, les pouvoirs prométhéens du mâle se sont rassemblés en une idéologie de la rationalité répressive et de la morale hiérarchique. La femme est devenue l’incarnation de la fonction biologique, l’image de la nature
, écrivent Horkheimer et Adorno, et l’assujettissement de celle-ci a constitué le titre de gloire de cette civilisation.
» (Pour une société écologique, Christian Bourgois, 1976)
Garde civile : « Un véritable civisme tentant de créer une authentique politique, une citoyenneté autonomisée et une économie municipalisée seraient un projet vulnérable s’il ne parvenait pas à remplacer la police et l’armée de métier par une milice populaire — plus exactement, une garde civile composée de patrouilles tournantes, à des fins de police, et des contingents militaires bien entraînés pour répondre aux menaces extérieures. La démocratie grecque n’aurait jamais survécu aux assauts répétés de l’aristocratie grecque sans sa milice de citoyens hoplites, ces fantassins capables de répondre à l’appel aux armes avec leurs propres armes et leurs commandants élus. » (« Libertarian municipalism : the new municipal agenda », From urbanization to cities, Cassel, 1995)
Hiérarchie : « Il y aura des leaders partout, chaque fois qu’une lutte sera engagée. L’existence de leaders conduit-elle nécessairement à l’existence d’une hiérarchie ? Absolument pas ! Le mot leader ne devrait pas nous faire peur au point de ne pas reconnaître que certains individus ont plus d’expérience de maturité, de force de caractère, etc. que d’autres. […] J’ai énormément de difficultés avec les anarchistes qui rejettent complètement toute direction. […] Il est tragique que les mots avant-garde et leader aient été discrédités par la Nouvelle gauche
pendant les années 1960, à cause des expériences du stalinisme et du léninisme. Dans bien des révolutions, ils ont été infiniment importants ; des leaders et des organisations décidées ont porté en avant les révolutions et, en l’absence de telles personnes décidées, des révolutions ont échoué. » (Entretien avec Janet Biehl, 12 novembre 1996, Le Municipalisme libertaire, Éditions Écosociété, 2014)
Intellect : « Le passage à une autre société
ne se fera pas par une explosion soudaine, sans une longue période de préparation intellectuelle et morale. Il faut éduquer le monde aussi complètement que possible si l’on veut que les gens changent eux-mêmes leur vie et ne se contentent pas de la voir transformée pour eux par des élites cooptées qui finiront par devenir des oligarchies poursuivant leur propre intérêt. […] Les mouvements radicaux ne peuvent plus se permettre de se lancer inconsidérément dans l’action pour l’action. » (Une société à refaire, Atelier de création libertaire, 1992)
Jeu : « D’une part, une tendance anti-éclairée se répand [au sein des mouvements écologiques] comme une plaie spirituelle aux États-Unis et en Europe, voulant revenir à l’irrationalité, au mysticisme, à une religion païenne
au nom du retour à la nature. Des cultes de la Déesse, des traditions paléolithiques
(ou à la rigueur néolithiques), des rituels écologiques
qui ne sont au mieux qu’un vaudou comparable au vaudouisme économique de l’ère Reagan, prennent racine sur les deux continents au nom de la nouvelle spiritualité
. […] Les problèmes écologiques sont entièrement dissociés de leur contexte social et réduits à un jeu mythique de forces naturelles, fréquemment accompagné de relents racistes et fascistes. » (Une société à refaire, Atelier de création libertaire, 1992)
Kurdes : « Je suis heureux qu’[Öcalan] [cofondateur emprisonné du PKK, ndlr] trouve matière, dans mes idées sur le municipalisme libertaire, à aider à penser un futur corps politique kurde. Je ne suis pas en mesure de poursuivre un dialogue théorique approfondi avec monsieur Öcalan autant que je le voudrais… Mon espoir est que le peuple kurde puisse un jour établir une société libre et rationnelle qui permettra à son éclat de s’épanouir à nouveau. Ils ont en effet la chance d’avoir un chef de file du talent de monsieur Öcalan pour les guider. » (Courrier électronique, 2004, traduit par Ballast)
Latence : « Le développement de la citoyenneté doit devenir un art et pas simplement une forme d’éducation — et un art créateur au sens esthétique qui fasse appel au désir profondément humain d’expression de soi au sein d’une communauté politique pleine de sens. Ce doit être un art personnel grâce auquel chaque citoyen est pleinement conscient du fait que sa communauté confie sa destinée à sa probité morale et à sa rationalité. Si l’autorité idéologique de l’étatisme repose sur la conviction que le citoyen
est un être incompétent, quelquefois infantile et généralement peu digne de confiance, la conception municipaliste de la citoyenneté repose sur la conviction exactement contraire. Chaque citoyen devrait être considéré comme compétent pour participer directement aux affaires de l’État
et surtout, ce qui est le plus important, il devrait être encouragé à le faire. Il faudrait fournir tous les moyens destinés à favoriser une participation complète, comprise comme un processus pédagogique et éthique qui transforme la capacité latente des citoyens en une réalité effective. » (From Urbanization to Cities, Cassell, 1995)
Marxisme : « La classe ouvrière actuelle s’est complètement industrialisée, au lieu de s’être radicalisée comme l’espéraient pieusement les socialistes et les anarcho-syndicalistes. […] Nous ne pouvons qu’assister non seulement à l’échec de la classe ouvrière comme agent historique du changement révolutionnaire, mais aussi à sa transformation en un produit fabriqué par le capitalisme dans le cours de sa propre évolution. […] Ceci nous amène à parler des terribles lacunes du modèle de changement social introduit par Marx dans le projet révolutionnaire qui a marqué les cent dernières années, projet qui fut également accepté implicitement par les radicaux non-marxistes. […] Le drapeau rouge du marxisme enveloppe maintenant le cercueil des mythes qui célébraient la centralisation économique et politique, la rationalisation de l’industrie, la théorie simpliste d’un progrès linéaire et des positions foncièrement anti-écologiques. » (Une société à refaire, Atelier de création libertaire, 1992)
Nucléaire : « Si les tests d’armes nucléaires étaient arrêtés définitivement, nous serions toujours confrontés aux dangers de longue durée créés par l’usage pacifique de l’énergie nucléaire. À la différence des faibles quantités d’énergie auxquelles l’homme avait affaire avant 1940, l’industrie de l’énergie nucléaire engendre des millions de curies de déchets chaque année. […] Avant de créer de nouveaux centres de radioactivité et de les ajouter aux problèmes existants de traitement des déchets, nous ferions bien de nous demander si tous les dangers liés à l’exposition à des faibles doses de radiations ont été étudiés et si nous avons fait le tour de toutes les alternatives à l’énergie nucléaire. » (Notre environnement synthétique, Atelier de création libertaire, 2017 — en langue anglaise : 1962)
Oxyde de carbone : « Depuis la Révolution industrielle, la masse totale d’oxyde de carbone contenue dans l’atmosphère s’est accrue de 25 %. On a de très solides raisons théoriques de soutenir que cette couverture de plus en plus épaisse d’oxyde de carbone, en empêchant la dispersion du rayonnement thermique de la terre, va donner naissance à des types de perturbations atmosphériques de plus en plus dangereuses et risque, à terme, de provoquer la fusion des calottes glaciaires des pôles et la submersion de vastes étendues de terres. Si éloigné dans le temps que puisse paraître ce déluge, la modification de la proportion d’oxyde de carbone par rapport aux autres gaz de l’atmosphère est un signe alarmant de l’impact que l’homme peut avoir sur les équilibres naturels. […] Le fait capital, c’est que l’homme est en train de défaire l’œuvre de l’évolution du vivant. » (Pour une société écologique, Christian Bourgois, 1976 — en langue anglaise : 1964)
Propriété : « Nous en arrivons ainsi, soudainement, à l’idée d’une économie municipale qui se propose de dissoudre de manière novatrice l’aura mystique qui entoure la propriété des firmes et la propriété nationalisée. Je me réfère à la municipalisation de la propriété, comme opposée à sa privatisation ou à sa nationalisation. Le municipalisme libertaire propose de redéfinir la politique pour y inclure une démocratie communale directe qui s’étendra graduellement sous des formes confédérales, en prévoyant également une approche différente de l’économie. Le municipalisme libertaire propose que la terre et les entreprises soient mises de façon croissante à la disposition de la communauté, ou, plus précisément, à la disposition des citoyens dans leurs libres assemblées et de leurs députés dans les conseils confédéraux. » (From Urbanization to Cities, Cassell, 1995)
Question : « […] Les anarchistes conçoivent le pouvoir comme un mal essentiellement maléfique qui doit être détruit. Proudhon, par exemple, a déclaré qu’il diviserait et sous-diviserait le pouvoir jusqu’à ce qu’il cesse d’exister. Proudhon a peut-être voulu que le gouvernement soit réduit à l’entité minimale pouvant exercer son autorité sur l’individu, mais sa déclaration perpétue l’illusion que le pouvoir peut réellement cesser d’exister : une notion aussi absurde que l’idée que la gravité puisse être abolie. […] Le pouvoir qui n’est pas entre les mains des masses doit inévitablement tomber entre celles de leurs oppresseurs. Il n’existe pas de placard dans lequel il puisse se cacher, pas de rituel envoûtant qui puisse le faire s’évaporer, pas de royaume surhumain vers lequel il puisse être envoyé — et aucune idéologie simpliste qui puisse le faire disparaître avec quelques incantations morales et mystiques. […] Au risque de me répéter, permettez-moi de souligner que la question vraiment pertinente à laquelle l’anarchisme est confronté n’est pas de savoir si le pouvoir existera, mais s’il reposera entre les mains d’une élite ou entre les mains du peuple — et s’il recevra une forme qui correspond aux idéaux libertaires les plus avancés ou s’il sera mis au service de la réaction. […] Les révolutionnaires sociaux, loin d’écarter le problème du pouvoir de leur champ de vision, doivent se demander comment lui donner une forme institutionnelle concrète d’émancipation. » (Communalism, n° 2, novembre 2002)
Résultats : « Un de mes problèmes, c’est que les gens veulent des résultats immédiats ou rapides — c’est une des principales tares de la génération d’après-guerre. La révolte des années 1960, malgré toutes ses idées généreuses, s’est effondrée entre autres parce que les jeunes radicaux exigeaient une satisfaction immédiate et des succès sensationnels. Si les gens croient aujourd’hui que la politique est comme une machine distributrice dans laquelle on dépose sa pièce de 25 cents et qui expulse une tablette de chocolat, alors je leur recommanderais de retourner à la vie privée. » (Entretien avec Janet Biehl, 12 novembre 1996, Le Municipalisme libertaire, Éditions Écosociété, 2014)
Système : « Chercher querelle à un tel système [capitaliste] au sujet de ses valeurs, tenter de l’effaroucher avec les conséquences de la croissance, revient à lui reprocher ce qui constitue son métabolisme même. Autant persuader une plante de renoncer à la photosynthèse que de demander à l’économie bourgeoise de renoncer à l’accumulation du capital. D’ailleurs, à qui s’adresser ? L’accumulation n’est pas déterminée par le bon ou le mauvais vouloir des bourgeois pris individuellement mais par la relation mercantile même que Marx a si judicieusement désignée comme la cellule de base de l’économie bourgeoise. Ce n’est pas la perversité du bourgeois qui suscite la production pour la production, mais le complexe même du marché, auquel il préside et auquel il succombe. En appeler à ses préoccupations humaines contre ses préoccupations économiques, c’est s’aveugler sur ce fait élémentaire que son pouvoir même est fonction de son être matériel. » (Pour une société écologique, Christian Bourgois, 1976 — en langue anglaise : 1964)
Technologie : « J’estime que cette éco-communauté effacerait la rupture entre la ville et la campagne et même, à la vérité, entre l’esprit et le corps car elle opérerait la fusion du travail manuel et du travail intellectuel, de l’industrie et de l’agriculture, grâce à la rotation ou à la diversification des tâches. L’éco-communauté prendrait appui sur une technologie d’un nouveau type, mettant en œuvre un outillage adaptable, susceptible d’utilisations variées et produisant des biens durables et de qualité — c’en serait fini de l’obsolescence incorporée, de la folie quantitative des productions de camelote, de la circulation accélérée de marchandises sans aucune utilité. Qu’il soit bien clair que je ne plaide pas pour l’abandon de la technologie et pour le retour à la cueillette paléolithique. » (Pour une société écologique, Christian Bourgois, 1976 — en langue anglaise : 1964)
Usine : « Ce n’est pas à unir
et à organiser le prolétariat en vue des changements qu’a servi l’usine, mais à le dresser aux réflexes de la subordination, de l’obéissance et du labeur abrutissant. Comme tout ce qui est opprimé dans la société, le prolétariat ne reprend vie que quand il ôte ses habits industriels pour s’adonner librement et spontanément à la communication, c’est-à-dire au processus vivant qui donne un sens au mot communauté
. » (Pour un municipalisme libertaire, Atelier de création libertaire, 2003–2018)
Verts : « Mais je ne vois aucun intérêt à former un parti comme les Verts, qui présente Ralph Nader [candidat écologiste à la présidence américaine, en 1996 et 2000, ndlr] à la présidence. Malgré son radicalisme apparent, il veut opérer complètement à l’intérieur du système existant. Quant à moi, je propose de développer des solutions radicalement différentes du système actuel. Je propose d’établir une culture politique séparée, des modes d’organisation, des modes de transformation à la fois politiques et économiques non seulement pour le Delaware [État de la côte est des États-Unis, ndlr], mais pour la totalité des États-Unis, ou du Canada ou de tout autre pays, alors que ceux qui opèrent dans le cadre social actuel ne veulent que modérer l’État, lui donner un visage humain
. » (Entretien avec Janet Biehl, 12 novembre 1996, Le Municipalisme libertaire, Éditions Écosociété, 2014)
Weimar : « Chaque compromis, surtout une politique du moindre mal, conduit invariablement à des maux plus grands. C’est par une série de moindres maux offerts aux Allemands pendant la République de Weimar que Hitler a accédé au pouvoir. Hindenburg, le dernier de ces moindres maux, qui fut élu président en 1932, a nommé Hitler chancelier en 1933, donnant le fascisme à l’Allemagne, pendant que les sociaux-démocrates continuaient à voter pour un moindre mal après l’autre jusqu’à ce qu’ils obtiennent le pire de tous les maux. » (Entretien avec Janet Biehl, 12 novembre 1996, Le Municipalisme libertaire, Éditions Écosociété, 2014)
XXe siècle : « Pourtant, en 1963, quand j’écrivais Ecology and revolutionary though, je me rappelle avoir signalé l’effet de serre
et ses conséquences, dans quelques siècles, sur la calotte glaciaire ; les perturbations dans les cycles de l’eau, de l’azote, du carbone et de l’oxygène (que je réunissais sous la formule de cycles bio-géo-chimiques
), avec pour finir le déséquilibre biologique et climatique de la planète ; la pollution dangereuse de l’environnement depuis le sol jusqu’aux aliments que nous mangeons ; enfin, l’appauvrissement de la biosphère qui pourrait aboutir, contrairement aux lois de l’évolution, à la naissance d’un monde de moindre complexité, inadapté aux mammifères, aux vertébrés, bref à toutes les formes de vie que nous connaissons. Je n’aurais jamais pensé, il y a seulement vingt ans, que lorsque je parlais de siècles
, il s’agissait simplement de la fin du XXe siècle et du début de l’an 2000 ; que demain, c’était aujourd’hui et que la pollution, qualifiée de dangereuse
, tournait déjà à la catastrophe. » (« Anarchism : 1984 and beyond », publié dans Un anarchisme contemporain : Venise 84, vol. 3, L’État et l’anarchie, Atelier de création libertaire, 1985)
Yeux : « Il nous faut voir en face cette rude évidence qu’il est nécessaire de détruire ce système et de le remplacer par une société qui rétablisse l’équilibre entre le monde humain et le monde naturel — une société écologique qui devra commencer par ôter le bandeau des yeux de la Justice et substituer à l’inégalité entre égaux l’égalité entre inégaux. Cette société écologique, je l’ai appelée ailleurs anarcho-communisme ; dans mon prochain ouvrage, je la désigne comme écotopie
. Chacun l’appellera comme il voudra. » (Pour une société écologique, Christian Bourgois, 1976 — en langue anglaise : 1964)
Zola : « La montée du capitalisme anglais au XVIIIe siècle et sa généralisation au XIXe transformèrent radicalement toutes ces perspectives. Pour la première fois, la concurrence était vue comme quelque chose de sain
, le commerce comme libre
, l’accumulation comme une preuve d’économie
, et l’égoïsme était présenté comme la preuve que, sous l’intérêt personnel, une main cachée
travaillait pour l’intérêt général. Ces notions de saine rivalité
, de liberté
, d’économie
et d’intérêt général
servaient à justifier une expansion illimitée et un pillage délibéré, non seulement de la nature, mais des hommes. Les classes prolétaires, en Angleterre, souffrirent tout autant de la révolution industrielle que les immenses troupeaux de bisons exterminés dans les plaines américaines. Les valeurs humaines et les communautés ne furent pas moins perverties que les écosystèmes animaux et végétaux pillés dans les forêts primitives d’Afrique et d’Amérique du Sud. Parler seulement des prédations commises par l’humanité
sur la nature, c’est minimiser les méfaits commis par l’homme envers l’homme décrits dans les romans de Dickens et de Zola. Le capitalisme a divisé l’espèce humaine aussi brutalement et profondément qu’il a séparé la société et la nature. » (Une société à refaire, Atelier de création libertaire, 1992)
Tous les abécédaires sont confectionnés, par nos soins, sur la base des ouvrages, articles, entretiens ou correspondance des auteurs.
Photographie de bannière : carcasse d’avion à Sólheimasandur (Islande)
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☰ Lire notre abécédaire du sous-commandant Marcos, mai 2017 Publié le 07 septembre 2018 dans Abécédaires, Écologie par Ballast
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