Près de deux salariés sur trois sont concernés par le plan social engagé avant l’été par la filiale française du groupe allemand TUI. Mardi 8 septembre, ils seront en grève à l’appel d’une intersyndicale composée de la CGT, la CFDT, FO et la CFE-CGC, pour obtenir plus que le minimum proposé par leur direction.
Colère ! C’est le sentiment qui domine chez les salariés de TUI France assure Lazare Razkallah, le secrétaire du syndicat CGT et du conseil social et économique (CSE) de la filiale française du numéro 1 mondial du voyage. « Les salariés ont reçu un mail avec un lien pour se connecter à une visioconférence le 17 juin, alors que nous étions en chômage partiel. Nous avons appris en direct, à ce moment-là, le licenciement de 600 d’entre nous, et que toutes les agences seraient soit fermées, soit cédées », raconte l’élu au CSE.
L’entreprise a dévoilé officiellement son plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) concernant 583 postes pour un total de 904 salariés en CDI en France, et la fermeture ou la cession de ses 65 agences, le 24 juin à l’occasion d’un CSE. À l’échelle du groupe, TUI avait fait connaître le 13 mai son intention de supprimer 8000 emplois dans le monde. Ce mardi 8 septembre, les salariés en grève de la filiale française se regrouperont à 11 h devant le siège de l’entreprise à Levallois-Perret. Selon un dernier pointage effectué la veille par la CGT, le premier syndicat dans cette filiale, 57 agences sur 65 seraient touchées par des arrêts de travail et 90 vendeurs venus de toute la France rejoindront leurs collègues parisiens.
Une grève pour sauver les meubles
Les revendications de l’intersyndicale portent sur les conditions de départ des 583 salariés, la bataille contre les licenciements étant jugée perdue d’avance face au géant du voyage. «Dans un contexte où la direction fait un plan social violent et où 600 salariés ne sont plus au siège, mais chez eux, comment voulez-vous créer une cohésion sans les voir physiquement ? J’ai des collègues qui n’ont pas travaillé depuis le mois de mars », concède Lazare Razkallah. Une situation qu’il résume par une formule : « ils veulent liquider, ils liquident ! Au moins, que l’on se batte sur les conditions sociales ».
Un « choix » de guerre lasse, après déjà cinq plans sociaux depuis 2012. D’autant que pendant le confinement, TUI France s’est déjà séparé de 300 CDD et saisonniers au lieu de leur faire profiter de l’activité partielle mise en place par le gouvernement. Et ce, sans même en informer en temps et en heure le CSE, indique le secrétaire de cette instance représentative du personnel. « Qu’est ce que cela coûtait à l’entreprise ? Juste de verser les salaires avant d’être remboursé par l’État », s’énerve-t-il. Pour lui, le signe d’un mépris, comme pour les propositions sociales de la direction dans le cadre du PSE.
À moins que les salariés ne pèsent sur les négociations, ils devront se contenter des indemnités légales de licenciement. Et pas plus ! Soit quelques milliers d’euros pour solde de tout compte avec une ancienneté comprise entre dix et vingt ans. Et ce ne sont pas les à cotés sociaux qui mettront du beurre dans la prime. Les salariés virés n’auront droit qu’à six mois de congés de reclassement, 8 mois pour les plus de 50 ans. Une broutille dans une période de crise où trouver un travail dans le secteur du tourisme relève de la mission impossible. Avec la grève, les syndicats espèrent obtenir mieux. Aujourd’hui, ils réclament, en plus d’une prime supra-légale, que le congé de reclassement soit porté à 12 mois, et 18 mois pour les plus de 50 ans. De plus, ils demandent un doublement du budget attribué à la formation et de la prime à la création d’entreprise.
Trois milliards de sauvetage pour moins 8000 emplois
Les syndicats n’ont pas l’impression d’exagérer. Bien au contraire. Au mois d’avril, le groupe TUI a bénéficié de 1,8 milliard d’euros de l’État allemand pour faire face aux difficultés liées au coronavirus. Le 13 mai, il annonçait la suppression de 8000 postes sur un total de 70 000. Une claque qui n’a pas empêché Berlin de lui verser une rallonge de 1,2 milliard cet été, après que le groupe ait annoncé une perte de 1,4 milliard au second trimestre. De ce côté-ci de la frontière, les autorités françaises n’ont certes pas mis les mêmes sommes sur la table. Pour autant, en plus de bénéficier de l’argent de l’activité partielle, TUI France aurait bénéficié en 2019 de 10 millions d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi selon le syndicat FO. Ce qui n’empêche pas l’État de ne rien trouver à redire face à ces licenciements massifs. En tout cas jusque-là.
Le dossier sera donc géré par la Directe, comme il est d’usage pour les PSE. Et pas plus. « TUI France a agité le chiffon rouge de la liquidation judiciaire pour que les pouvoirs publics acceptent mieux ce plan social », analyse Lazare Razkallah qui reste persuadé que le PSE était prévu avant le confinement. Si rien ne change après cette journée de grève, les salariés risquent de partir de TUI France en fin d’année avec un « pourboire ». Malgré 10 ou 20 ans de travail dans cette entreprise pour certains d’entre eux.
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