Quels que soient le devenir ou le sort que connaîtront, dans les temps à
venir, et peut-être plus promptement qu’on ne l’imagine, son président,
ses ministres, ses parlementaires et leurs affidés du dispositif
médiatico-politique qui les soutient, le régime de la Macronie
benallière fera cas d’école dans l’histoire de la Ve République comme
illustration même de l’abjection politique. En bientôt trois ans
d’exercice du pouvoir, ce régime a, en effet, battu avec une telle
constance tant de records d’arrogance, d’ignominie, de médiocrité et de
bêtise gouvernante que sa place au palmarès est déjà acquise. Car tout
est là de ses bassesses, systématiquement cataloguées au quotidien sur
les réseaux sociaux et les médias alternatifs, pour qui veut savoir,
dans le détail, de quoi le macronard est le nom : en clair, d’une dérive
sans limites vers le tout-État ultralibéral autoritaire où le flic
robocopisé et le journaliste mainstream sont devenus les deux
figures les plus honnies d’une population qui, malgré la terreur
qu’inspire le premier et les justifications que lui trouve le second,
n’en persiste pas moins à penser, très majoritairement, que cette
contre-réforme des retraites que le macronisme nous a concocté et le
monde qu’elle annonce légitiment par avance que la vie se tende jusqu’à
rompre, de quelque manière que ce soit, le front du mépris d’un régime
si détestable.
Du pouvoir comme algorithme : la fin d’un consensus
« On ne sait plus quoi écrire tellement c’est la merde ! »… Ce
lapidaire message, on pouvait le lire, lors d’une récente manifestation
intersyndicale parisienne, sur une pancarte en carton confectionnée à la
hâte. À vrai dire, on ne sait plus quoi faire non plus, mais on
cherche, on carbure, on invente, on tente, on rate, on se reprend, on
repart. Au fond, la bonne nouvelle de ce moment exceptionnel d’histoire,
c’est qu’elle fait désormais sens, cette histoire, pour tout le monde,
qu’elle est lisible jusqu’à crever les yeux. Le logiciel du
« nouveau monde » est programmé pour que la servitude néo-libérale nous
soit imposée par la terreur et la force brute. La logique de ce pouvoir
algorithmique est mortifère, destructrice, ravageuse. Elle ne négocie
rien ; elle arase. L’avantage, et c’en est vraiment un, c’est que, ce
faisant, elle dissipe les anciennes aspirations au partenariat et au
dialogue social. Intégriste, le néo-libéralisme devenu ultra-libéralisme
autoritaire montre enfin son vrai visage, celui de l’horreur économique
casquée, celui de sa prétention radicale à refaire l’homme comme homo oeconomicus
en le déracinant, en le privant de toute trace d’humanité ancienne.
Car, comme dans le totalitarisme stalino-maoïste, la dimension
anthropologique de l’ultra-libéralisme autoritaire, novlangue comprise,
relève d’un cauchemar revisité où l’« humanité efficace » des « premiers
de cordée » pousse tous les autres vers l’abîme.
D’ici, il faut finalement rendre grâce à Macron et à sa bande de
fanatiques d’avoir révélé à ce point et si rapidement la nature même du
système qu’ils servent et dont ils se servent. Certes, la « merde » est
bien là, débordant de la fosse à purin d’une idéologie folle et
follement portée par une caste politique de petits marquis de caricature
convaincus qu’il suffira, sur la distance, que sa milice humilie,
écrase, mutile, terrorise ses opposants de tous bords pour finir par les
lasser. Car là est l’autre caractéristique de cette caste : l’évidence
de sa bêtise politique et de son ignorance historique. On savait, bien
sûr, les effets de l’enseignement de l’inculture managériale sur les
bourgeoises générations montantes d’aspirants au pouvoir. La Sarkozie et
la Hollandie nous en avait même fourni quelques exemples gratinés. Mais
ce qui frappe, pour le coup, c’est le caractère massif de la crétinerie
jusqu’au-boutiste des robots « larémisés » de la République benallière.
Au point de figurer, avec les éditorialistes mainstream, l’échantillon
d’humanoïdes le plus chimiquement pur qui soit de cette postmoderne
bêtise en marche qui n’imagine « les gens » que comme ils sont
eux-mêmes : bêtes à manger du foin.
Longtemps il y eut, derrière le mot consensus, plus qu’une manière de
laisser gouverner la seule expertise, l’idée construite d’un monde rendu
si homogène par la globalisation que le sens du pouvoir devait faire sens commun,
qu’aucune alternative que celle-là même qu’il incarnait – la reddition
au capital financier – ne pouvait être envisagée. De là, la
quasi-similitude d’inspiration des politiques de démantèlement des
services publics, de réductions budgétaires et de privatisation menées,
depuis quarante ans, par la droite et la gauche de gouvernement. La
nouveauté, avec ce pouvoir algorithmique de la Macronie supposément
triomphante, c’est cette folle conviction fondatrice qui fut la sienne,
et qu’on pourrait énoncer ainsi : une fois électoralement réduits à
néant l’influence et les réseaux de l’ancienne caste (de droite et de
gauche), le seul logiciel de gouvernance applicable serait celui de
l’expertise mise au service exclusif des intérêts de la finance. C’est
ainsi que, sûr de sa mission et idéologiquement bétonné dans son dogme
ultra-libéral, il s’est de lui-même installé dans une posture de rupture
radicale du vieux consensus français et des marges de
négociation chaque fois plus ténues qu’il laissait encore au corps
social – ou plutôt à ses corps intermédiaires syndicaux. Et c’est là que
la bêtise à front de taureau de ses chargés de besogne se révèle si
inédite et si majusculement visible qu’à défaut de connaître l’histoire,
ce pouvoir, qui aurait pu se contenter comme ceux qui l’avaient précédé
d’élargir un peu plus le champ – consensuel – d’influence de la
servitude néo-libérale, crée les conditions les plus objectives qui
soient pour que lèvent les populaires colères, et que ça branle dans le
manche comme jamais depuis très longtemps.
Dissensus, déplacement et devenir…
Cela fait bientôt seize mois que, fondateur, le mouvement des Gilets jaunes a posé les bases d’un dissensus général
qui, depuis, d’adjonctions en convergences, ne cesse de progresser en
attaquant le mur du mensonge dominant, et ce faisant reconfigure, sur le
temps long, une nouvelle manière d’ouvrir des perspectives, de penser
la question sociale, de nourrir la résistance du commun. Oui, cela fait
bientôt seize mois que le dissensus se répand, se métamorphose,
s’agrège, se recompose, prospère.
C’est là un constat suffisant pour envisager cette époque comme celle où
est en train de se produire une rupture majeure d’imaginaire aux
conséquences aussi prometteuses qu’imprévues. Dès lors, le temps ayant
passé l’éponge, il importe peu, désormais, de continuer à regretter les
retards à l’allumage de l’hiver dernier, et plus particulièrement
l’erreur historique d’analyse du gauchisme théorisateur, de la
radicalité sans risque et du basisme syndical, qui, aux premiers temps
émeutiers des Gilets jaunes, passèrent leur tour, si occupés qu’ils
étaient à traquer la pureté introuvable d’un mouvement éminemment, et
heureusement, impur. L’histoire a déjà jugé : les avant-gardes supposées
n’ont d’utilité que pour ceux qui s’en disent et qui, parfois, en
vivent. C’est leur raison d’être dans l’histoire illusoire de leurs
propres illusions.
Sur un autre plan, et malgré le courage et la détermination des
grévistes de la RATP, des cheminots et, dans une moindre mesure, des
travailleurs de l’énergie, des raffineries, des ports et docks, de
l’Éducation nationale et de quelques autres secteurs, il faut bien
constater que le mouvement de grève initié le 5 décembre ne s’est pas
généralisé. Il s’est arrêté – après presque deux mois de grève active
tout de même, à la RATP notamment – faute de relais. On se souviendra
que l’une des principales originalités du mouvement des Gilets jaunes
fut précisément, à travers une stratégie inédite de blocage du pays par
l’occupation de ses ronds-points, de tenter de contourner cette perte de
centralité d’une classe ouvrière suffisamment atomisée pour n’être plus
capable, désormais, de créer à elle seule un rapport de forces
suffisamment conséquent pour s’imposer. Il reste ici ou là un fort désir
de régénération de la grève et, face aux hésitations des directions
syndicales formant l’Intersyndicale, une volonté, portée notamment par
la Coordination RATP-SNCF, de partir des bases les plus décidées pour
remettre le couvert au printemps. On verra ce que cette initiative peut
donner. Après tout, personne ne s’attendait, il y a peu, à ce que les
avocats reprennent aussi massivement et avec une telle détermination la
torche de la lutte contre le projet de contre-réforme des retraites en
se réappropriant le chant des Gilets jaunes. Comme personne ne
s’attendait à ce que, en un seul jour, des « sans-papiers » Gilets noirs
soutenus par la CNT-Solidarité ouvrière, parviennent, après avoir
occupé le futur siège du Monde – la Pravda du macronisme –
à faire en sorte que son patron, dont la réputation risquait gros,
convoque la société Eiffage, maître d’œuvre de leur exploitation
éhontée, afin qu’elle régularise sur-le-champ leur situation.
Ce qui apparaît déjà, c’est que rien ne cesse vraiment, que tout se transforme en une sorte de permanente grévilla…
Les grévistes ont repris le travail sans être vaincus. Les caisses de
grève ont été alimentées comme jamais. L’action directe, c’est-à-dire
directement exercée par ceux qui la décident, se voit chaque jour
réinventée, expérimentée, dans divers blocages, occupations, coups de
main, manifs sauvages, défilés festifs, initiatives diverses plutôt bien
pensées et intelligemment menées où syndiqués de base de diverses
corporations, Gilets jaunes, écologistes radicaux, autonomes, artistes,
profs et avocats font cause commune. En clair, la conviction s’arrime
qu’il n’est d’autre manière que le déplacement pour sortir de
« l’inanité tendancielle du jeu démocratique institutionnel » (Lordon).
En clair encore, la base sociale du refus de la contre-réforme des
retraites – et au-delà de la casse systématique des conquis sociaux –
est en voie d’élargissement permanent. Ce qui se joue, sous nos yeux et à
travers nos présences sans autre appartenance que celle qui nous relie
au mouvement réellement existant, c’est peut-être une issue possible à
cette perte de centralité de la classe ouvrière fondée sur la mission
rédemptrice qui lui fut dévolue par le marxisme et le léninisme.
Qu’importe aujourd’hui de savoir que tel ou tel « leader » ouvrier de
base est labellisé NPA, qu’il s’active dans la mise sur pied de
coordinations et qu’il n’exclut pas, par culture et savoir-faire, d’en
prendre la tête ? Mais pour contrôler quoi ? Depuis les Gilets jaunes,
la caractéristique du mouvement de révolte sociale, c’est
l’horizontalité et le refus du leadership, et c’est assez nouveau
pour être répété. Ce qui se reconfigure aujourd’hui, et qui doit
beaucoup aux Gilets jaunes, c’est bien autre chose qu’un revival,
une nouvelle forme de résistance plutôt, large, inventive, offensive,
éclatée et insaisissable. En réalité, nous vivons un processus de
cristallisation qui ne rejette personne. Car chacun a besoin de l’autre –
même des très minoritaires parlementaires de la gauche institutionnelle
– pour enrayer la machine à détruire de l’ultra-libéralisme autoritaire
qui avait fini par se penser omnisciente, et donc omnipotente. L’autre,
c’est celui ou celle qui, participant à la cause commune, s’y inscrit à
sa place et de quelque manière que ce soit. C’est là une perspective
supplémentaire ouverte par les Gilets jaunes : rien ne nuit qui
contribue à bloquer la machine à détruire. Le choix des moyens
appartient aux seuls acteurs coalisés, voire associés, qui s’entendent
pour choisir leur terrain d’intervention. Fini le temps des anathèmes,
des condamnations, de la parole péremptoire, des orthodoxies ! Et c’est
heureux. L’heure est venue de l’écart radical d’avec tous les
présupposés théoriques abstraits de l’émancipation non engageante. Ils
ont d’ailleurs été balayés par le mouvement de la vie même. Que cet
improbable mouvement ait réinventé, à partir de sa propre expérience,
des pratiques et des méthodes aussi essentielles que l’horizontalité,
l’action directe, le mandat impératif ou la révocation, suffit à
l’inscrire de manière évidente dans la plus claire perspective
émancipatrice qui soit. La suite a prouvé qu’il avait suffisamment
marqué les consciences pour que son devenir, entendu comme
capacité d’intervention auto-transformatrice, prospère, sous des formes
encore insoupçonnées, dans le climat d’insubordination générale de cette
grévilla d’exception qui s’inscrit dans le temps long des révoltes
logiques.
« Ils nous ont tout volé, même la peur »…
Ce slogan que l’on crie dans toutes les villes du Chili, nous
pourrions le faire nôtre ainsi réadapté : « Ils nous volent tout, même
la peur. » Car, si la France n’est pas (encore) le Chili et que nous
n’avons pas (encore) tout perdu, il faut bien constater que, de Pinochet
à Sebastián Piñera – en passant par toutes les variantes locales de la
démocratie chrétienne et de la social-démocratie –, c’est bien au Chili
que le programme de l’ultra-libéralisme autoritaire de Milton Friedman
et de ses Chicago Boys a été appliqué pour la première fois dans toute
son étendue ravageuse. Et c’est de ce même programme, de cette même
méthodologie dont s’inspirent Macron et sa bande pour systématiser, en
France, le démantèlement des conquis sociaux et durcir la gestion
policière des multitudes protestataires qui résistent à leur folle
logique de la terre brûlée.
Cette question de la peur reste centrale pour comprendre de quoi le
néo-libéralisme mutant en ultra-libéralisme autoritaire est capable
quand le monde de merde qu’il incarne se voit massivement contesté dans
la rue. Si l’on admet –et comment ne pas l’admettre ? – que le niveau de
violence est toujours fixé par le pouvoir, celui des macronards,
ultra-minoritaire dans l’opinion, n’avait, au plus chaud de la montée en
puissance des Gilets jaunes, que deux options : se démettre ou laisser
quartier libre à sa police, en l’assurant par avance de couvrir tous ses
excès, pour qu’elle mate in vivo la chienlit. Quand on sait que
les compagnies de l’insécurité structurant cette police n’ont le plus
souvent de « républicaines » que l’appellation (CRS) dont elles ont
hérité, en 1944, après dissolution des très vichystes Groupes mobiles de
réserve (GMR) et que, de surcroît et comme pour boucler la boucle,
elles abritent, dit-on, en leur sein nombre de casqués sous influence
lepéniste, on comprend que cette stratégie macronarde de la tension,
fondée sur l’organisation et la légitimation de la terreur, ne pût
qu’inspirer la peur. Et elle l’inspira. Nettement. Mais elle prouvait
surtout que cette démocratie du « nouveau monde » était prête à tout, y
compris à muter en démocrature, pour se maintenir au pouvoir et en
toucher les prébendes, à charge pour lui de démanteler, pièce par pièce,
ce qu’il restait d’une République qui se voulait aussi sociale. Cette
caste, donc, elle-même paniquée par l’hypothèse probablement surévaluée
de l’émeute jaune triomphante, décida de s’ébrouer de sa petite
légitimité électorale, pour beaucoup acquise par « antifascisme » d’urne
de second tour, pour se livrer à cette police qui lui sert désormais de
dernier rempart. Jamais probablement le cri « Police partout, justice
nulle part » n’aura été si approprié pour décrire ce pays tel qu’il est
devenu sous Jupiter : une caserne où tous les coups sont permis, où
aucune exaction flicarde n’est jamais sanctionnée, où le jaune est
interdit sous peine d’amende sur les Champs-Élysées et racketté à chaque
manif du samedi, où un préfet maléfique à képi décoré – qui se sait
investi de tous les pouvoirs – peut se permettre de nasser une
manifestation parisienne que personne ne peut quitter, de l’interdire
sur-le-champ et d’éborgner celles et ceux qui, par force, se voient
retenus dans le périmètre maudit.
Alors, oui, la peur est là qui saisit aux tripes, et elle a un effet
direct, celui de faire baisser les statistiques de participation aux
manifs. « Essoufflement ! », disent les échotiers de la Macronie. Tu
parles ! C’est simple comme bonjour, pourtant : s’il y a moins de monde,
c’est que ceux qui ont peur ou l’âge d’avoir peur n’y sont plus. Parce
qu’ils ont été terrorisés par le pouvoir de la milice (ou la milice du
pouvoir). Comme les grévistes de cet hiver ont été sanctionnés comme
jamais par leurs directions. Comme les piquets de grève ont été chaque
matin attaqués, gazés par la police avec une telle véhémence que, de
mémoire, aucun de ceux qui, d’un certain âge, venaient les soutenir ne
se souvenaient avoir connu un tel niveau de répression. Comme des
lycéens protestant contre les E3C se sont vu insultés, matraqués, mis en
garde à vue, déférés pour un quelconque feu de poubelle.
Les flics ont désormais tous les droits. Il n’existe plus aucun
sanctuaire. Ils rentrent où ils veulent, ils font ce qu’ils veulent. La
démocrature, c’est ce qui est à mi-chemin entre la démocratie et la
dictature. Nous y sommes. Mais voilà, ça ne change rien à rien. Ça
continue de bouger. Ça se calme. Ça repart. La peur est toujours là,
réelle, paralysante parfois. Elle peut durer longtemps, mais ce qui
pointe, ce qui se profile, ce qui se construit dans l’hésitation, c’est
la manière de la dépasser collectivement. C’est aussi une réflexion plus
globale sur le débordement des anciennes formes, légales, de résistance
à l’abjection, sous-tendue par l’idée qu’il faut se préparer
culturellement à l’affrontement en adoptant des formes d’action directe
collectives susceptibles de disperser les dispositifs de répression.
Alors quoi ? On ne sait pas. Ce qu’on sait, en revanche, c’est que cette rupture qui fait aujourd’hui brèche géante dans le mur du consentement, marque la fin et le début d’une époque pour la communauté humaine entrée en dissidence. On sait aussi que le pouvoir accélère, que la vie se tend. L’utilisation du 49-3 en atteste. On sait encore que l’épidémie de coronavirus va probablement lui servir de prétexte pour interdire des rassemblements. On sait qu’il est prêt à tout pour pas grand-chose. Parce qu’il a déjà perdu, le pouvoir. En fait, la bête est nue. Elle est incapable de colmater la crise du régime-système qu’elle a elle-même provoquée. Le caractère mensonger de son discours est chaque jour plus perceptible. Ça fuit de partout. Plus rien ne tient de son monde. Seule la peur qu’il inspire. Mais jusqu’à quand ?
Les secrets de ces moments de révolte qui passent, on ne les perce que du dedans. Ils disent toujours l’attente d’un présent qui s’invente en redécouvrant des passages oubliés, d’anciennes voies passantes que les dominants nous ont dit impraticables. La quête est là ; elle est reprise d’histoire. Dès lors, la mesure du temps change. Nous lui fixons nos échéances à nous, et nous les voulons inattendues, contrariantes. Ce que nous vivons c’est un tremblement du temps où tout se défait des vieilles méthodes et où, par un effet de réenchantement, tout revient d’une plus ancienne mémoire de la confrontation. C’est sans regret que la sécession s’organise pour s’inventer, à la diable, ses formes modernes d’action directe. Les Gilets jaunes l’ont vite compris et, ce faisant, ouvert la voie de la reconquête des dignités bafouées. Toutes les raisons sont bonnes pour sortir des sentiers battus. On ne se défait du poids du déshonneur d’avoir été infiniment vaincus qu’en renouant avec les rêves et les pratiques de la Vieille Cause de l’émancipation. Il faut coaliser en dehors des anciennes appartenances. C’est à partir du réel morcelé de nos dépossessions et dans un mouvement convergent de passions partagées que se tisseront, d’acte en acte posés, les liens de nos associations choisies. Dans l’autonomie cultivée de nos approches, sans prétention à les unifier, sans théorie globalisante, de la manière la plus ouverte qui soit. Il s’agit de corrompre et d’user le présent de l’oppression pour éviter qu’il fasse avenir.
Freddy GOMEZ
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