« Qui
n’est pas aveuglément d’accord avec les diktats et les idées des hommes
au pouvoir à Moscou et de leurs petits suiveurs à l’étranger, se voit
irrémédiablement étiqueté « contre-révolutionnaire » et flétri comme
traître au mouvement ouvrier. » Pourtant, dès 1921, Rudolf Rocker
(1873-1958), anarchiste allemand, publie cette critique globale des
principes du bolchevisme.
Les mesures prises par les dirigeants
russes, l’impitoyable répression de toute pensée libre, l’absence de
toute garantie de liberté personnelle, la suppression des droits
d’expression (liberté de réunion, droit de grève), l’effroyable
développement d’un système de police et d’espionnage, un temps mises sur
le compte de la fatalité de la guerre et la situation critique du pays,
ont fait perdre tout espoir à bon nombre d’enthousiastes et de
fanatiques. Rudolf Rocker considère que l’expérience bolchévique a
irrémédiablement fait faillite et rappelle que pendant la Révolution
française, souvent citée en exemple pour justifier les persécutions,
l’initiative de l’action vint directement du peuple et que « les bêtes
noires de Robespierre et de ses partisans purent poursuivre publiquement
leur propagande orale et écrite », par exemple. « Les soviets auraient
pu jouer en Russie le même rôle que les sections pendant la Révolution
française, mais une fois qu’ils eurent été dépouillés de leur autonomie
par le pouvoir central, qui ne laissa subsister d’eux que le nom, ils
perdirent immanquablement toute influence féconde sur le cours de la
révolution. » « En travaillant systématiquement à la subordination de
toutes les manifestations de la vie sociale au pouvoir absolu d’un
gouvernement doté de tous les droits, on ne pouvait qu’aboutir à cette
hiérarchie bornée de fonctionnaires, qui a été fatale au développement
de la Révolution russe. »
Il rappelle que « sans l’aide énergique des
anarchistes, les bolcheviks ne seraient jamais arrivés au pouvoir ».
C’est l’un d’eux, Anatole Grigorievitch Zelesniakov qui conduisit les
matelots de Cronstadt au Parlement et congédia les députés. Pourtant,
dès avril 1918, ils furent arrêtés ou massacrés, leurs organisations
dissoutes, leurs librairies fermées, leur littérature brûlée. Il raconte
comment les bolcheviks se sont servis de Makhno avant de le trahir, ont
tenté de faire passer le soulèvement de Cronstadt pour une entreprise
contre-révolutionnaire. Il explique que la « commissariocratie
bolchevique, fatale à la révolution russe » provient de l’impossibilité
de concilier le système des conseils et la « dictature du prolétariat »,
« funeste héritage de la bourgeoisie ». Dès le congrès de La Haye en
1872, le porte-parole de la minorité fédéraliste, James Guillaume
opposait à la conquête du pouvoir politique l’exigence fondamentale de
sa destruction totale. « Sous la « dictature du prolétariat », la Russie
s’est transformé en une immense prison, où toute trace de liberté a été
systématiquement effacée, sans que l’on se soit pour autant rapproché
des buts initiaux de la révolution. » La IIIe Internationale est
destinée à promouvoir les directives du gouvernement soviétique auprès
du mouvement ouvrier international. « Le centralisme n’a jamais été une
unification des forces, mais bien la paralysie de la force ; c’est
l’unité artificielle de haut en bas, qui cherche à atteindre son but par
l’uniformisation de la volonté et l’élimination de toute initiative
indépendante – l’unité d’action d’un théâtre de marionnettes, dont
chaque personnage saute et danse au gré de celui qui tire les ficelles
dans les coulisses. » Il prône au contraire le fédéralisme et la
disparition de l’appareil du pouvoir dont le monopole est aussi
dangereux que celui de la propriété.
Fort de son analyse aussi édifiante que précoce, Rudolf Rocker indique la voie à prendre : « Le prolétariat doit se débarrasser des idéologies bourgeoises des révolutions politiques, qui trouvent toujours leur aboutissement dans une nouvelle occupation de l’appareil du pouvoir politique. » « TOUT PAR LES CONSEILS ET PAS DE POUVOIR AU-DESSUS DES CONSEIL ! »
LES SOVIETS TRAHIS PAR LES BOLCHEVIKS – La faillite du communisme d’État
Rudolf Rocker
Traduction de Pierre Galissaires
110 pages – 10 euros
Éditions Spartacus – Paris – Février 1998
Première parution en 1921
Voir aussi :
LA RÉVOLUTION RUSSE
MAKHNO – Une épopée
MARIA NIKIFOROVA, LA RÉVOLUTION SANS ATTENDRE
ttps://bibliothequefahrenheit.blogspot.com/2018/12/les-soviets-trahis-par-les-bolcheviks.html#more
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