[Nous recevons et volontiers transmettons.]
Emailleurs, fileurs-doreurs, dessinateurs d’épures, poseurs de fonds et dessinateurs-modélistes, nous sommes des employés des deux sexes de l’établissement public Sèvres & Limoges – Cité de la céramique. Nous voulons faire part de notre indignation devant les discours tenus au sujet de la commande du nouveau service « Bleu Elysée » pour un montant total de 500 000 euros. De la directrice générale de la Cité à certains délégués syndicaux, on prétend justifier cette dépense somptuaire en invoquant une « démonstration de l’excellence française » et le sort des 200 employés, professeurs et apprentis d’une maison « qui lutte sur un marché très dur ». Nous sommes en effet fiers du savoir-faire collectif que l’entreprise étatique contient dans ses murs depuis quatre siècles. Mais nous savons que ce savoir-faire n’a été développé ni par les gouvernants, ni par les bureaucrates que les monarques puis les présidents ont placé à la tête de notre collectivité. Son patrimoine ce sont nos prédécesseurs qui l’ont créé depuis trois siècles, et c’est nous qui le faisons prospérer.
Nous, les ouvrières et les ouvriers, nous les techniciennes et ingénieures, les artistes qui collaboraient et collaborent encore avec nous et les voyageurs d’autrefois en quête de nouvelles techniques, et les milliers et milliers d’humbles artisans qui, à travers le monde, ont affiné les techniques de manipulation du kaolin, de l’argile, de la barbotine, du grand feu et du petit feu. Cet art qui doit tant au labeur des artisans de tout l’Orient n’est pas l’expression de l’ « excellence française » mais d’un brassage millénaire de savoir-faire et il est particulièrement mal venu à l’heure où l’Occident se referme comme une huître pourrissante face aux migrations que son économie provoque, de s’instaurer en représentants d’une excellence nationale, quelle qu’elle soit.
Non contents de savoir tout ce que nous devons aux céramistes du reste du monde, nous n’avons pas oublié nos sœurs et nos frères des métiers d’art du Faubourg Saint Antoine qui firent la révolution, comme nous n’oublions pas les grèves révolutionnaires des porcelainiers de Limoges en 1905, et le rôle que les femmes y jouèrent, et l’attaque de la prison : non, les céramistes ne sont pas condamnés à être une corporation privilégiée vivant de la commande étatique et travaillant uniquement pour permettre aux gouvernants de se goberger dans de la vaisselle luxueuse tout en rendant toujours plus précaire la vie de ceux qui se laissent gouverner. Comme des millions d’habitants de ce pays, nous avons été révoltés par la concomitance entre la diffusion d’une vidéo de propagande élyséenne anti-pauvres et l’annonce du chiffre réel de la commande que, malgré les contorsions sémantiques, les contribuables devront payer.
C’est pourquoi, en attendant le moment où la délicatesse de nos dessins et la beauté de nos fonds figureront sur les assiettes de banquets prolétariens, dans des fêtes de soutien aux grévistes, ou dans les repas de village, de quartier et de zad, nous avons décidé d’agir. Nous avons les moyens de saboter le Bleu Elysée et chacune de ses assiettes comportant un détail du plan du palais présidentiel. Le bleu virera-t-il au rouge quand Erdogan le touchera de sa fourchette et lui explosera-t-il au visage pour lui rappeler son travail de boucher en Syrie et dans son propre pays ? La céramique se brisera-t-elle en morceau pour faire sentir à Poutine ce que nous souhaitons à son empire ? L’assiette émettra-t-elle une odeur nauséabonde à l’instant où Trump l’approchera de ses doigts boudinés ? Nous n’allons évidemment pas vous dire exactement comment nous comptons saboter les dîners d’apparat dont le péteux petit président français voudra régaler les dirigeants les plus infects de la planète. Tout ce que nous pouvons promettre, c’est que nous allons nous employer à mettre des défauts dans les ors, les lustres et les platines.
Alliance des Céramistes Anti-Baratin
Mes chers frères des Métiers d’Art ( M majuscule et A aussi ; frères parce que la grande confrèrie nous rassemble ) mon coeur bat à l’unisson avec vos propos et je me sens revivre, moi le petit Orfèvre maître artisan pendant 35 ans , je retrouve l’esprit de nos anciens et je vous embrasse fraternellement. Continuez le combat pour la beauté : oui ; continuez le combat pour que chacun et chacune – quel que soient ses revenus puisse aussi avoir le privilège de salir de belles oeuvres d’art. Merci de vos mots
Comme votre discours me va droit au coeur et me rassure !!!
J’aime lire ainsi que les actions qui s’adressent au petit Roitelet version 2018 pouvant le ridiculiser ainsi que l’égratigner …. Lui montrer que les Français ne sont pas dupes de son dédain envers les pauvres….
A bas la nouvelle monarchie !!!
Dans ce royaume de France quand le peuple montrera les dents….
Une nouvelle tête roulera dans le panier….
G.M