Paris, le 1er mai, boulevard Diderot. Les CRS font obstruction à la traditionnelle journée de solidarité des travailleurs, pensant isoler le bon grain de l’ivraie, les gentils pacifistes des redoutables casseurs. En vérité, les choses sont devenues un peu plus compliquées que cela. Qui peut prétendre que le slogan « Tout le monde déteste la police ! » n’est entonné que par une infime minorité ? Par moments, au vu de la présence policière massive, certains manifestants, à bout de patience, croyaient assister à une manif de flics encerclée par des ouvrier.e.s, étudiant.e.s, précaires, etc. Face à la rangée de robocops, sourds à toute discussion – la plupart utilisent des bouchons d’oreille pour ne pas entendre les insultes et les quolibets – et prompts à gazer tout ce qui s’agite, une vieille citation revient à l’esprit : « La question n’est pas de comprendre pourquoi il y a des gens qui se battent contre la police, mais pourquoi il n’y en a pas plus. » C’est de qui déjà ? Wilhem Reich ? A moins que ce ne soit apocryphe… Peu importe.
« Il n’y a pas de casseurs qui s’infiltrent et cassent pour le fun, estimait ainsi un syndicaliste rennais dans Le Monde du 2 mai. […] Ils ne sont pas en marge du mouvement social, ils sont intégrés aux cortèges. » Les mobilisations du printemps 2016 ont changé la donne. Le discours politico-médiatique sur les « casseurs » a de moins en moins de prise parmi les gens mobilisés. La montée en puissance de la violence dans les cortèges est en grande partie une réaction à la stratégie de tension d’un pouvoir qui veut imposer ses conditions de manifester. Il s’agit aussi d’un légitime sentiment de révolte face à une répression sans frein : plus de mille arrestations enregistrées depuis le début de la mobilisation contre la loi El Khomri.
Pour autant le sempiternel débat sur la violence – c’est bien ou c’est pas bien ? (sondage Chien rouge/CQFD) – est un bourbier qui englue ceux qui s’en font les dépositaires dans des postures stériles. Il y a certes des violences nuisibles au mouvement et qui mettent certains espaces de lutte en danger – ceux où l’on veut pouvoir venir avec nos enfants par exemple. Ainsi, le 1er mai au soir, prenant prétexte d’une attaque contre un magasin de sport, place de la République, les gaz lacrymogènes policiers ont eu raison de la tenue d’une Nuit Debout pourtant massive. Et ça, c’est évidemment ce que souhaitent les tenants du retour à l’ordre.
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