20 avril 2016
En ces périodes de chômage, l’emploi constitue un argument massue, censé pouvoir nous faire accepter n’importe quoi. Linky n’échappe pas à la règle : officiellement, le déploiement des 35 millions de compteurs communicants créera 10 000 emplois ! Bien vrai ? Oui et non. Et surtout non, d’ailleurs…
L’opération en elle-même, évidemment, génère de l’emploi. Il a d’abord fallu concevoir tout le protocole, puis procéder à une phase « test ». Tout cela a été confié à un consortium présidé par la société Atos Origin France (pour la petite histoire dont chacun tirera les conclusions qu’il souhaite, c’est l’ex-ministre de l’économie Thierry Breton qui en est le président du directoire depuis novembre 2008). Et maintenant que la machine est lancée, il faut construire les compteurs à grande échelle, les répéteurs, les concentrateurs, les centres de collecte d’informations, puis installer tout ce beau matériel.
Alors, forcément, il faut des bras. Cela paraît limpide : Linky crée de l’emploi. Pour un temps… Car si le calendrier est respecté, les 35 millions de compteurs seront installés en 2021. Que deviendront les emplois créés pour l’occasion ? « Ce sont des contrats qui vont de 4 à 6 ans, qui permettent de donner une visibilité sur la durée aux entreprises et leur permettent de prévoir la sortie de Linky », explique Bernard Lassus, responsable du programme Linky chez ErDF.
Et après ? Les entreprises françaises espèrent pouvoir vendre leur savoir-faire à l’étranger. Sans quoi aux 10 000 créations de postes succéderont 10 000 suppressions de postes. Voire plutôt 20 000… Car avec Linky, finies les relèves à pied. Et 70% des opérations actuellement réalisées sur le terrain seront réalisées à distance. « Cela équivaut à environ 3 millions de RTT rendues aux Français », se réjouit Bernard Lassus. N’y aurait-il pas à tout hasard une contradiction entre le fait d’annoncer la création de 10 000 emplois et, dans le même temps, de supprimer grâce à la technologie 3 millions d’heures de travail ? Selon Bernard Lassus, « c’est plutôt un problème de vases communicants à l’intérieur de l’entreprise » : ceux qui allaient sur le terrain géreront les problèmes à distance, à effectif constant, assure le responsable d’ErDF. Mais selon le porte-parole de l’association Négawatt, Marc Jedliczka, ces nouvelles technologies devraient permettre à ErDF de se délester de l’équivalent d’environ… 10 000 emplois. Linky pourrait donc créer 10 000 emplois pendant 4 à 6 ans – leur pérennité étant très hypothétique au-delà de ce délai – tout en en supprimant 10 000 qui, eux, étaient durables. Au final, dans le meilleur des cas, le bilan sur l’emploi du déploiement de Linky sera neutre. Mais à bien y regarder, il sera beaucoup plus certainement négatif. Ce qui n’empêche pas ErDF de jurer l’inverse.
Nicolas Bérard
> Note : à ce jour, 103 communes ont refusé l’installation du compteur Linky.
Pour connaître leurs démarches : http://www.lagedefaire-lejournal.fr/ linky-et-les-contreurs-intelligents/
Pour obtenir des courriers types : http://refus.linky.gazpar.free.fr
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