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Par AFP , publié le 10/04/2016 à 10:49 , mis à jour à 10:49
Des milliers d’Islandais manifestent pour demander des élections immédiates, le 9 avril 2016 à Reykjavik afp.com/HALLDOR KOLBEINS
Reykjavik – Le Parti pirate islandais, fondé comme groupe contestataire marginal, se retrouve dans la situation étonnante de pouvoir prendre le pouvoir dans un pays écoeuré par son élite politique et financière.
D’après les sondeurs, ce sont 43% des Islandais qui affirment vouloir voter pour lui, autant d’électeurs en colère de voir que des centaines de leurs riches compatriotes ont leur nom dans les « Panama Papers », et donc des intérêts dans des paradis fiscaux.
« Nous ne pouvons pas prédire si ça va rester comme ça ou non, mais ce que nous voyons, c’est que les gens aiment notre style, notre approche », dit à l’AFP la députée « pirate » Asta Gudrun Helgadottir. « Y compris des personnes âgées qui ne vont pas sur internet et nous demandent des brochures imprimées ».
Tout est allé extrêmement vite pour cette formation qui, dans une large mesure, est encore en construction. Son siège national, dans le vieux port de Reykjavik, local de la taille d’un deux-pièces avec mezzanine, correspondait à l’ambition initiale de faire souffler un vent nouveau sur la politique. Il pourrait vite paraître exigu pour un futur parti de gouvernement.
Birgitta Jonsdottir, poète, militante du site internet Wikileaks, a fondé le parti en 2012 après l’implosion du Mouvement des citoyens, groupe pro-démocratie directe avec lequel elle avait été élue députée trois ans auparavant.
« Elle se cherchait. C’est une rebelle et elle a eu cette idée du Parti pirate, qui a pris tout de suite », rappelle Stefania Oskarsdottir, professeur de science politique à l’université de Reykjavik.
Aux législatives de 2013, avec des moyens extrêmement limités, le nouveau-venu dépasse tout juste les 5% des voix nécessaires pour entrer au Parlement, où il a trois députés. Depuis, il n’a fait que déjouer les pronostics qui lui promettaient le sort d’autres mouvements protestataires, plus ou moins sérieux, nés des bouleversements de l’après-crise financière.
Au Parti pirate, on tâche de ne pas se laisser griser par cette popularité et l’intérêt des journalistes du monde entier, pour faire avancer des idéaux. Transparence, démocratie directe, lutte contre la corruption, indépendance vis-à-vis des milieux d’affaires, défense des libertés individuelles sont les thèmes des « Piratar », qui se disent en rupture avec la « vieille » manière de faire de la politique, droite contre gauche, majorité contre opposition.
– Structure horizontale –
« Dans les autres partis, quand on est jeune et qu’on s’engage en politique, c’est simple: on commence par écouter des discours des dirigeants du parti, et on applaudit. Ici, rien à voir. Tout le monde participe, tout le monde peut écrire des propositions qui seront débattues », souligne Karl Hedinn, militant de 21 ans qui se déplace dans la petite capitale en skate-board.
Le parti insiste sur sa structure « horizontale », avec une hiérarchie réduite à sa plus simple expression: un comité exécutif de sept membres et sept suppléants, à présidence tournante.
« Cette structure faible, c’est la force et la faiblesse des Pirates. Ils doivent trouver des gens compétents pour la faire fonctionner, sinon ce sera compliqué. En politique il faut être assez organisé pour que le jour du scrutin, vos électeurs potentiels aillent effectivement aux urnes », souligne Mme Oskarsdottir.
D’après elle, « pour l’instant le Parti pirate est un excellent endroit pour placer son intention de vote et envoyer un message. Mais beaucoup d’électeurs en demanderont plus pendant la campagne » des législatives de l’automne.
Ils pourraient vouloir connaître les alliances électorales envisagées, dans un pays où aucun parti n’a jamais obtenu seul de majorité parlementaire depuis l’indépendance en 1944. Or officiellement, personne ne discute d’une éventuelle coalition gouvernementale avec le Parti pirate, et inversement, dans une formation qui rassemble libertaires, militants de la gauche radicale, libéraux du centre ou de gauche, ou encore cyberactivistes hostiles aux idéologies.
« Nous travaillerons probablement avec la gauche. Avec la droite, le confiance aujourd’hui est rompue », répond la députée Helgadottir.
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