Verts de peur | Témoignage | par Patrick Rossignol | 4 Février 2015
Le maire de Saint-Amancet voulait se rendre sur le site de Sivens. Impossible : des pro-barrage bloquent la route, l’insultent et le menacent. Nouvelle altercation un peu plus tard. Cette fois, ils sont armés de barres de fer.
Dimanche 1er février au matin, j’étais sur la route en direction de la forêt de Sivens, pour assister aux animations prévues dans le cadre de la Journée mondiale des Zones Humides. En arrivant sur le lieu-dit de Barat, aux alentours de 10h15, j’ai découvert que la route était bloquée par une trentaine d’individus. Ils se sont présentés comme des agriculteurs et chasseurs pro-barrage, originaires de la région.
Je suis agriculteur et maire de la petite commune de Saint-Amancet. Je n’étais a priori pas opposé au barrage, mais j’ai été choqué par la mise en place de la violence qui a conduit à la mort de Rémi Fraisse. Ceci m’a poussé à explorer le sujet plus en détails. C’est là que j’ai réalisé le manque de sérieux du projet et depuis, je continue à suivre la question de près.
Insultes et menaces
J’ai entamé la conversation avec certains d’entre eux, mais la discussion a vite tourné court car d’autres ont commencé à m’insulter à coups de « Dégage de là ! » et autres phrases du genre :
« Vous êtes un élu ? J’espère que vos électeurs vont vous cracher à la gueule ! »
Ils ont ensuite menacé de me « foutre dans le ruisseau » et de « retourner [mon] véhicule » à l’aide de leurs tracteurs. Vers 11h30, nous avons décidé, avec d’autres conducteurs bloqués, de faire demi-tour. Au moment de partir, j’ai surpris quelques-uns des « pro-barrage » en train de prendre des photos de ma voiture.
Des pro-barrage armés de barres de fers et de pioches
Arrivés à Gaillac, avec quelques-unes des personnes n’ayant pas pu accéder au site, nous nous sommes réunis dans un appartement afin de décider de ce que nous allions faire. C’est là qu’on nous a prévenus qu’une bande de pro-barrage se dirigeaient vers nous, barres de fer et pioches à la main. Je pense qu’ils nous avaient suivis. Ils portaient des treillis, des brassards orange et des sweat-shirts noirs à cagoule ornés du logo :
« Brigade anti-Pelluts – Soutien aux gendarmes de Sivens »
Avec quelques-uns, on a décidé de sortir à leur rencontre, histoire de calmer le jeu. Je pensais qu’en tant que maire et agriculteur, j’arriverais à leur faire entendre raison, mais ça n’a pas vraiment marché et on s’est fait accueillir par une volée d’insultes et de menaces.
Les gendarmes sont arrivés peu après : ils étaient en fait à la recherche d’un anti-barrage, qui aurait, selon eux, agressé un membre de la bande. Lorsque je leur ai expliqué la véritable situation, ils m’ont rétorqué que le témoignage de la personne qui avait été agressée était plus crédible que le nôtre. Ils sont alors entrés de force dans l’appartement dont je venais de sortir, en me bousculant et en ne prêtant que très peu d’attention à la bande qui nous agressait et à leurs armes.
Pare-brise cassé
Un peu plus tard, alors que j’allais reprendre ma voiture, j’ai découvert que mon pare-brise et ma vitre latérale avaient été cassés à coups de barre de fer. C’est assez clair, au vu des impacts. Une autre personne de notre groupe s’était déjà fait crever les 4 pneus dans la matinée. Nous nous sommes alors rendus à la gendarmerie pour porter plainte : les gendarmes ont accepté la plainte pour vandalisme mais rejeté tout ce qui concernait les menaces et les insultes. Nous sommes donc sortis.
C’est alors que 5 personnes, faisant partie du même groupe qui nous avait déjà agressés deux fois, sont arrivées devant la gendarmerie. J’ai appelé à l’aide par l’interphone, mais les gendarmes m’ont répondu qu’ils pouvaient voir la scène de la fenêtre et que le groupe n’était pas menaçant. Ce n’est que lorsqu’un jeune journaliste présent sur place s’est fait fracasser son appareil photo que les gendarmes sont ressortis. Plutôt que d’immobiliser l’agresseur, ils ont préféré demander à la victime de présenter sa carte de presse. Finalement, ils ont bien ceinturé un type armé d’une barre de fer, mais l’ont relâché quelques minutes plus tard sans même relever son identité.
La France ne peut accepter les milices
J’ai été très choqué par toute cette histoire. Bloquer la route, c’était de bonne guerre. Mais il n’est absolument pas normal que les forces de l’ordre aient laissé se promener dans Gaillac de véritables miliciens armés, en plein dimanche après-midi. D’ailleurs, je désapprouve autant la violence de « casseurs-radicaux » que celle des « miliciens-pro-barrage ». Les scènes que j’ai vues dimanche m’ont rappelé des épisodes conduits par le parti Aube Dorée auxquels j’ai pu assister en Grèce. Elles sont inacceptables dans un pays comme la France. Et je continuerai à lutter contre cette violence quelles que soient les menaces.
Propos recueillis par Camille Diao
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