Article paru dans le « Canard Enchaîné » du mercredi 6 mars 2013 qui renvoi à l’article précédemment publié sur le site le 9 février, sous le titre Compétitivité- emploi.
Le ministre du Travail jongle avec la représentation syndicale.
LA MARE AUX CANARDS
BRUTALE poussée de fièvre dans les états-majors syndicaux et patronaux.
Le ministre du Travail, Michel Sapin, vient d’annoncer que les chiffres de la représentativité syndicale pourront être diffusés dès le 29 mars.
En réalité, les hauts fonctionnaires du ministère les ont sous le coude depuis quelques semaines. Loin d’un innocent problème de calendrier, le sujet est explosif.
Enjeu : la future loi sur la « flexisécurité », contre laquelle le Front de gauche, la CGT, FO, SUD et la FSU ont mobilisé leurs troupes ce mardi 5 mars, veille de l’adoption du projet de loi par le Conseil des ministres.
Dès le début des discussions, en septembre, le gouvernement s’était en effet engagé à transcrire minutieusement dans la loi ce précieux accord national interprofessionnel (ANI, pour les intimes) qui serait conclu entre le patronat et les cinq syndicats.
A condition, comme l’exige la loi Fillon de 2008, que les syndicats signataires représentent au moins 30 % des salariés, et les opposants moins de 50 %. A l’époque, Ayrault et Sapin faisaient un rêve : tous, y compris la CGT et FO, allaient parapher ce compromis.
Quelques mois plus tard, patatras ! la CGT et FO rejettent ce texte. Lequel a le tort de prévoir, notamment, la possibilité pour les employeurs de baisser les salaires, d’augmenter le temps de travail en période de vaches maigres et, de surcroît, de réduire le délai de recours aux prud’hommes pour les licenciés.
Ayrault s’en tient, lui, à sa ligne. Au nom dû respect du dialogue social, cet accord signé par les « partenaires sociaux » sera traduit en projet de loi, soumis au Parlement.
Au plus bas, la calotte
Tout le problème est que, selon quelques fuites dont « Le Canard » a bénéficié, ces statistiques mystérieuses montrent que les « partenaires sociaux » signataires sont très loin d’être majoritaires.
Et n’atteignent sans doute pas les 30 % fatidiques. Une seule grande confédération, la CFDT, a signé le texte. Quant aux deux autres, la CFTC et la CFE-CGC, leur importance est marginale.
Mieux : la première n’atteint pas la barre des 8 %, indispensable à tout syndicat pour être reconnu nationalement. La signature qu’elle a apposée au bas de l’ANI serait donc caduque. Et celle de la CFE-CGC (qui a choisi de n’être représentative que chez les cadres) ne vaudra pas plus. Du coup, la seule signature valide serait celle de la CFDT.
ANI honni
Certains fonctionnaires du ministère du Travail se sont donc mobilisés pour tenter de sauver la centrale catho. Pour l’instant, aucune idée géniale n’a émergé et, du coup, le gouvernement entretient la fiction sur la prétendue représentativité de ces « partenaires sociaux » signataires.
Et Sapin présentera sans doute les chiffres comme une première estimation, à prendre avec prudence. Ce qui permettra de sauver l’accord pendant quelques mois, le temps de faire voter la loi.
L’ANI rend en effet un grand service à Ayrault : il permet de faire avaliser des mesures impopulaires, qui sont pourtant bien pratiques pour montrer à l’Europe et, surtout, aux agences de notation, que la France s’est engagée sur la voie des réformes.
Il sera toujours temps de découvrir que l’« accord historique » n’avait aucune valeur juridique. ■
par Alain Guédé
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