Violents incendies à Marseille, dans l’Aude, l’Hérault et le Gard : en 2024, le gouvernement a acheté 42 avions de guerre Rafale pour 5 milliards d’euros et annulé par décret les crédits permettant l’achat de nouveaux Canadairs

Depuis hier mardi 8 juillet, les alentours de Marseille sont ravagés par les flammes d’un incendie dévastateur. Il s’est déclenché sur les coups de 11h à Pennes-Mirabau, suite à l’incendie d’une voiture sur l’A55. 400 personnes ont dû être évacuées, 63 maisons ont été touchées (et le bilan devrait s’alourdir), une dizaine détruites et 110 personnes ont été blessées.
La concentration en particules fines dans l’air était dix fois supérieure aux normes. La fameuse écologie punitive. Ce mercredi matin, le feu n’est toujours pas stabilisé. “On est dans une configuration que les sapeurs-pompiers redoutent le plus, à savoir une multitude de départs de feux et un feu qui va arriver en pleine puissance aux abords d’une zone urbaine… Ce sont des conditions particulièrement difficiles car il peut y avoir des explosions de bouteilles de gaz (…) là encore l’interface forêt habitat est toujours une difficulté pour les sapeurs pompiers »” expliquait le contrôleur général des sapeurs-pompiers professionnels, Marc Vermeulen.
Cet incendie est loin d’être isolé. Dans l’Aude, aux alentours de Narbonne, un incendie déclaré lundi a ravagé 2000 hectares, mobilisant 1000 pompiers. Il s’agit du 3e incendie dans le département en seulement une semaine. Dans l’Hérault, 400 hectares sont partis en fumée et 820 pompiers sont toujours sur place, se battant sur 3 fronts. Dans le Gard, ce sont 120 hectares qui ont été détruits. Hier soir, les pompiers étaient toujours sur place. Ces incendies, s’ils ne sont pas nouveaux, sont devenus la norme chaque été, en raison du réchauffement climatique et de ses corollaires : canicules plus précoces et plus longues, sécheresses prolongées. À Marseille, cela fait des semaines qu’il n’a pas plu. Les sols sont desséchés, propices à une propagation rapide des flammes. Et l’été ne fait que commencer.
Une flotte de Canadairs vieillissante incapable de répondre aux besoins
L’incendie de Marseille a conduit à la fermeture de l’aéroport de Marseille et de l’A55. On a également craint pour l’Hôpital Nord, qui a dû basculer sur ses groupes électrogènes pour éviter des coupures de courant. L’autoroute A9 a été fermée à la suite de l’incendie aux alentours de Narbonne. Les habitant-es des quartiers Nord de Marseille ont été confiné-es. Des dizaines de trains ont été mis à l’arrêt après la fermeture de lignes de chemin de fer. Lorsque les cheminot-es se mettent en grève pour défendre leurs droits et que des trajets sont annulés, le gouvernement n’hésite pas à parler de “prise d’otage” des usagers et usagères. Peut-on donc lui retourner la pareille, et l’accuser de prendre en otage les “habitant-es” de Marseille ? Et même de nous prendre toutes et tous en otage de sa course en avant militariste, au détriment de nos services publics ?
La réponse est oui, clairement. En effet, regardons notre flotte de Canadairs. La France en compte 12 (l’un étant inutilisable en ce moment suite à un accident en Corse en mai). Bien trop peu, et chaque année les pompiers tirent la sonnette d’alarme : « En France, nous n’aurons jamais assez d’avions bombardiers si nous gardons l’état actuel des choses. Tout simplement parce que le dérèglement climatique aujourd’hui fait que nous sommes trop faibles par rapport aux conséquences », explique Éric Brocardi, de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. En outre, la zone de risque d’incendie remonte de plus en plus vers le Nord, des zones qui n’étaient quasiment jamais touchées. En 2024, un rapport parlementaire évoquait ainsi “le nombre et l’intensité des feux de forêt, entraînant ainsi une sur-sollicitation des appareils” qui, de plus, subissent une corrosion accélérée par leurs passages en mer. Des appareils qui ont en moyenne 30 ans, et dont le retrait des plus anciens est prévu pour 2025-2030.
Dans un autre rapport parlementaire du 2 juillet 2025, l’insuffisance des appareils en eux-mêmes, au-delà de leur nombre, était pointée du doigt : “Leur capacité d’emport de 6 tonnes devient limitée face à l’émergence de méga-feux exigeant des moyens de saturation supérieurs”. En effet, leur architecture date des années 1960, et n’est donc plus du tout adaptée. Les Canadairs font face à d’autres problématiques d’importance : aucun appareil n’ayant été construit depuis 2015, on arrive à une pénurie des pièces détachées au niveau mondial.
En complément, huit Dash 8 Q400, un bombardier pouvant larguer jusqu’à 10.000 litres d’eau, mais incapable de se charger en eau de mer comme un Canadair, sont à disposition. Les départements supportent la charge de locations d’hélicoptères bombardiers et d’avions Air Tractor, avec des conséquences lourdes pour les finances publiques. De plus, ces avions en location étant eux-mêmes sur-sollicités, ils se font de plus en plus rares et chers. Depuis 2020, le coût de cette location s’est élevé à 106 millions d’euros. Le rapport du 2 juillet appelle d’urgence à une stratégie de renouvellement de la flotte.
De l’argent pour la guerre, pas pour les Canadairs
En 2022, le très détesté Emmanuel Macron promettait de renouveler l’ensemble de la flotte et d’acheter quatre nouveaux appareils avant la fin de son quinquennat. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. En effet, deux appareils seront livrés, mais en 2028, donc après son départ (on l’espère tout du moins). Plus grave encore, voire criminel, en février 2024 le gouvernement Attal annulait carrément par décret 53 millions d’euros de crédits prévus pour l’achat des nouveaux Canadairs. Le rapport du 2 juillet nous apprend même que la France a refusé de se positionner sur l’achat d’appareils via des fonds européens.
Pourtant dans le même temps, toujours plus d’argent est accordé pour acheter des avions de guerre. En janvier 2024, le gouvernement français commandait 42 avions de guerre Rafale supplémentaires, pour la modique somme de 5 milliards d’euros. Un Rafale est un avion de combat «multirôle», pouvant tirer en l’air, bombarder des cibles au sol, décoller d’un porte-avion et même envoyer des bombes nucléaires. Ce sont ces mêmes avions qui ont défiguré le ciel et fait vivre un enfer aux habitant-es du quartier lors du salon du Bourget.
Chaque Rafale coûte environ 120 millions. Mais ce n’est pas tout : dans un contrat d’armement, les surcoûts sont colossaux. La maintenance du Rafale est facturée environ 10% du coût initial de l’appareil chaque année. En 10 ans, un Rafale est donc payé deux fois par son acheteur. Enfin, une heure de vol d’un Rafale coûte entre 14.000 et 16.000 euros, et brûle des quantités astronomiques de kérosène. Tout ça pour aller tuer des gens à l’autre bout du monde.
Le Rafale a mené des bombardements en Afghanistan entre 2001 et 2021, au Mali – où un village avait été décimé par une frappe en janvier 2021 – ainsi qu’en Irak et en Syrie. Il est aussi intervenu en Libye en 2011. Chacune de ces missions est ensuite «valorisée» sur le marché international : un bombardement est une vitrine pour montrer que le Rafale marche bien.
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