
Billet de blog 2 mai 2025
Enseignant… encore un peu
Nous n’avons pas fini, par les temps que nous vivons, temps de guerres effectives ou potentielles, d’entendre les « maîtres de ce monde » invoquer la Patrie avec un grand P en passant sous silence la mort qui lui est pourtant consubstantielle.
La mort, en effet, dont le cortège effarant de corps fusillés, déchiquetés explosés devrait bannir à jamais jusqu’à l’idée même de patrie, bannir à jamais les criminelles insanités telles que « mourir pour la patrie est le sort le plus beau… » qui n’occulteront jamais les « charrettes » de têtes tranchées, les proclamations assassines telles que « patria o muerte ! » lancées à la tribune de l’ONU par un « comandante » ( Ernesto « Che » Guevara) qui parvenu au pouvoir ordonna et présida aux exécutions massives contre le mur, « el paredón », de la sinistre forteresse de La Cabaña et qui à la même tribune justifia ses crimes, assénant sans trembler « oui nous avons fusillé, nous fusillons et nous fusillerons » (ONU, 11 décembre 1964)… Patria o muerte !
Comment alors chasser des esprits, de nos esprits, la funeste idée de patrie ? Je ne sais pas. Comment lutter contre cette hégémonie qu’on n’osera pas dire culturelle mais bien plutôt mortifère, cette propagande c’est-à-dire ce discours qui impose par les moyens les plus détestables une idéologie, en l’occurrence une idéologie de la compétition et du spectacle, de la compétition comme spectacle partout, dans tous les domaines, à l’école comme dans les stades (ces spectacles affligeants de spectateurs imbibés et vociférant…) à la télévision comme dans les entrées de villes qui en sont saccagées, enlaidies, défigurées ? Comment lutter contre cette propagande réduisant des citoyen(ne)s en consommateurs avides de toutes les marchandises qui miroitent sur les écrans, réduisant des corps sans âme en réceptacles rabelaisiens de nourritures immondes ? Je ne sais pas.
Peut-être faut-il revenir à l’origine du cosmopolitisme à Diogène de Sinope ,(404-323 av. J.-C.) Diogène le Cynique (dit le Chien) qui, disent les historiens, forgea le mot cosmopolite (kosmopolítēs ) signifiant citoyen du monde car quand on lui demandait d’où il venait il répondait je suis « citoyen du monde » et, de là, parcourir l’histoire du cosmopolitisme depuis les stoïciens jusqu’à Emerson, Thorreau Gary Davis, Camus, Einstein, Sartre et bien d’autres jusqu’à Martha C. Nussbaum.
Et revenir sans cesse à Diogène, Diogène le Cynique, celui qui avait choisi de dormir dans une sorte de jarre couchée sur le flanc (pithos), ce précurseur de la sobriété qui, voyant un enfant boire dans le creux de ses mains, se défit de son écuelle : puisqu’il était possible de s’en passer.
Diogène, celui qui osa dire à Alexandre le grand « ôte-toi de mon soleil », Diogène le chien qui en sa personne associait la sagesse cosmopolite à la sobriété salvatrice, cette sobriété qui seule peut sauver le monde, la terre, Gaïa, bref, nous sauver de cette fange numérico-spectaculaire dans lequel nous barbotons, ces scintillements incessants et hypnotiques (voir « Hypnocratie » de Jianwei Xun …!, Philosophie Magazine Editeur) qui sont en train de « fabriquer » un monde de spectres les yeux fixés sur les écrans portant au creux de la main, en toutes circonstances, partout et à toute heure, comme un reliquaire, le rectangle lumineux qui interdit de lever les yeux et à travers lesquels quelques monstrueux, égotiques et richissimes zombies se repaissent, jubilant, de la chair des victimes qu’ils assassinent.
Et tout cela en invoquant incessamment, le « chez nous », le « nous d’abord », « la patrie ou la mort », la patrie et la mort. Jusqu’à quand ? Comment lutter contre cette barbarie ? Je ne sais pas…
A moins que surgisse, venue des profondeurs inconnaissables de l’Être, un salvateur sentiment de révolte autorisant chacun de nous à jeter aux cinq cents diables les rectangles lumineux comme Diogène jeta son écuelle pour enfin goûter au « parfum de rose venu de la mer » comme écrivit quelque part Gabriel García Márquez.
https://blogs.mediapart.fr/nestor-romero/blog/020525/la-patrie-et-la-mort
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