La Poste s’effondre : comment le néolibéralisme détruit tout

Capitalisme


Plus de 200% d’augmentation en 20 ans. Quel produit a connu une explosion comparable au prix du timbre ? Aucun. Pour quelle amélioration ? Pire que tout.


Une boîte aux lettres de La Poste : et si votre courrier n'arrivait jamais à destination ?

En l’an 2000, envoyer une lettre coûtait 2,70, francs soit moins de 50 centimes d’euros. En 2015, le prix était encore relativement contenu : 0,68 euro. Depuis, il explose. 1,39 euro en 2025 pour envoyer quelques grammes de papier. Trois fois plus qu’en 2000.

En 2024, le gouvernement avait validé une augmentation moyenne des timbres de 8,3%. En 2025, la hausse est de 7,75%. Fulgurante, année après année, sans que rien ne le justifie. D’autant que le bénéfice net de La Poste s’élevait au premier semestre 2024 à 495 millions d’euros.

En ce début d’année 2025, alors qu’envoyer du courrier devient un luxe, plusieurs médias révèlent que La Poste française ne parvient même plus à remplir sa mission essentielle, celle qu’elle exerce depuis sa création, au 17ème siècle : l’acheminement d’enveloppes.

Le 23 janvier, «plus d’un million de lettres prend la poussière dans divers centres de tri en France» écrit le quotidien La Dépêche. Certains courriers expédiés en décembre ou novembre n’ont jamais été reçus et attendent. D’autres sont perdus. C’est toute une chaîne logistique qui semble en train de s’effondrer. En décembre, des habitants de Nice retrouvaient 318 lettres dans une poubelle. Depuis des mois, ils ne recevaient plus leurs courriers, ou avec beaucoup de retard. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Ce qui fut un service public efficace a été saboté.

Des syndicalistes de La Poste dénoncent le manque d’investissement et la réduction des effectifs par la direction. «À partir du moment où on ferme des plateformes de tri, à partir du moment où La Poste a décidé de se séparer de beaucoup d’emplois… eh bien ce qui était prévisible» explique Arnaud Bordier, responsable Sud PTT du département d’Ille-et-Vilaine.

« Que se passe-t-il à La Poste ? » se demande la presse. Comment un service public aussi ancien peut-il être à ce point défaillant, dans l’un des pays les plus riches du monde ? Comment, alors qu’il y a beaucoup moins d’envois de lettres – 15,9 milliards en 2019, 6 milliards en 2023 –, de meilleurs moyens technologiques pour les acheminer et un prix beaucoup plus élevé, ce service ne parvient-il plus à fonctionner ?

C’est simple : 40 ans de néolibéralisme et de privatisations. 50.000 emplois supprimés entre 2004 et 2023. Et toujours plus de profits pour les mêmes bourgeois qui profitent du copinage et des grandes écoles.

Dès 1983, le Parti Socialiste commence à démanteler ce fleuron du service public : il sépare les directions de La Poste et des Télécommunications. Les fameuses PTT, qui disposaient d’un ministère spécifique depuis un siècle et maillaient le territoire français efficacement et pour pas cher. Ce sont deux entités séparées qui seront bientôt mises en concurrence.

En 1990, La Poste et les Télécommunication deviennent deux entreprises dont la gestion se rapproche de celles du secteur privé. En 1997 le Parti Socialiste, toujours lui, privatise France Telecom’ qui deviendra Orange, avec des méthodes de management épouvantables qui ont poussé de nombreux salariés à se suicider, provoquant un immense scandale.

La moitié des anciens PTT est donc démantelée, la France a détruit son service public de télécommunication, au moment précis de l’envol d’internet et de la téléphonie mobile, alors qu’il y avait un créneau énorme. Nos dirigeants sont des visionnaires. C’est un sabotage caractérisé, qui a permis la création d’oligopoles et de fortunes colossales pour les entrepreneurs véreux qui possèdent SFR, Bouygues ou Free.

Il ne fallait pas s’arrêter en si bon chemin. Au tour de La Poste. En 2008, l’administrateur de l’entreprise veut changer son statut pour en faire une société anonyme et qu’elle puisse être partiellement privatisée. Les facteurs organisent une « votation citoyenne » contre ce projet. Un immense succès, plus de 2 millions de votant-es, superbement ignoré-es par les autorités.

Simultanément, la création de la Banque postale fait entrer la Poste dans une nouvelle ère. Il n’y a plus «aucune obligation de service public pour la filiale de La Poste» écrit la cour des comptes. Cette banque doit faire de l’argent, et devient le cœur du groupe : elle vend des assurances et des crédits immobiliers pour faire des profits, et noue des partenariats avec des multinationales financières. La Poste, c’est-à-dire l’envoi du courrier, le cœur historique de ce service, devient secondaire. Ce n’est plus qu’une filiale de sa banque.

En parallèle, l’Union Européenne exige que tous les pays membres ouvrent leurs services postaux à la concurrence, le 1er janvier 2011. La même année, la création de La Poste Mobile éloigne encore plus l’entreprise du courrier : il s’agit d’un partenariat avec SFR, afin d’entrer en concurrence avec Orange. Relisez attentivement : les néolibéraux ont fait exploser les PTT en deux entités, les ont privatisées, et les ont ensuite mises en concurrence. Au détriment du service, des salarié-es, et en faisant exploser les prix. Champions du monde.

Comme d’habitude, les profits sont privatisés et les pertes sont payées par le contribuable. L’État verse 500 millions d’euros chaque année à La Poste au titre des missions de service public. Mais de service public, il n’y en a plus. La Poste avait l’obligation de maintenir un réseau de 17.000 «points de contact» en France pour que «moins de 10 % de la population d’un département s’en trouve éloignée de moins de 5 kilomètres». Mais la direction ne tient pas parole, elle a fermé des centaines de bureaux en quelques années, en particulier en zone rurale, qui sont privées de services postaux. Même dans les grandes villes comme Nantes, certains bureaux ferment dans les quartiers.

En 2019, la «loi Pacte» de Macron écarte encore plus La Poste de la tutelle de l’État. Et l’entreprise ne recrute quasiment plus que des intérimaires mal formés et mal payés. Elle n’assure plus sa mission essentielle. Pourtant, les envois de colis explosent, et ce sont des multinationales privées comme Amazon qui en profitent et prennent le marché.

Dernier épisode en septembre 2024 : le patron de La Poste, Philippe Wahl, annonce des nouvelles économies « de l’ordre de 50 millions d’euros » pour l’entreprise. Quelques mois plus tard donc, plus d’un million de courriers stagnent dans les entrepôts.

Il était possible de maintenir un grand service public postal et de barrer la route des géants capitalistes américains. Les gouvernants français en ont décidé autrement.

Quel bilan tirer de cette histoire ? Que le néolibéralisme c’est précisément cela : brader les grands services publics, faire payer beaucoup plus cher les usagers pour un service catastrophique, et tout cela pour le seul profit de spéculateurs et de grands patrons.

La France avait il y a encore 25 ans le meilleur système de santé du monde et des services publics à peu près fonctionnels. Ce n’était pas le paradis, mais après deux décennies de Sarkozy-Hollande-Macron, plus RIEN ne marche. Les néolibéraux ont saccagé tout ce qui fonctionnait. Minutieusement, efficacement.

Et le pire, c’est que ces dirigeants juraient qu’en privatisant les services publics, cela réduirait la dette, que les impôts seraient réduits, que les prix baisseraient grâce à la sacro-sainte concurrence. C’est exactement l’inverse. À présent, quasiment tout est privatisé, mais la dette a explosé, et on paie autant voir plus d’impôts – surtout les plus injustes, comme la TVA. Les courriers n’arrivent pas, on meurt en attendant à l’hôpital, il n’y a pas de professeurs devant toutes les classes, les aides sociales sont rabotées…

Alors ou vont les thunes ? L’État français n’a jamais collecté autant d’argent. Il organise un transfert de fond absolument massif vers les poches des plus riches. Des cadeaux aux riches, des exonérations fiscales, mais aussi un recours massif à «l’externalisation privée». En clair : plutôt que de financer les services publics, on arrose des entreprises privées avec de l’argent public pour effectuer, cher et mal, des missions qui auraient pu être réalisées par le public. L’externalisation représentait en 2022 plus de 160 milliards d’euros. Largement de quoi envoyer des lettres gratuitement.


Résumons en une image simple : pour qu’une minorité de patrons macronistes puissent s’offrir une Tesla, un énième bien immobilier, spéculer et partir en croisière deux fois par an, les néolibéraux ont foutu en l’air nos vies.

https://contre-attaque.net/2025/01/28/la-poste-seffondre-comment-le-neoliberalisme-detruit-tout/

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