L’Espagne fasciste toujours présente

25 janvier 2025 par Floréal

Comme partout en Europe, ou presque, l’extrême droite est présente en Espagne. Après avoir connu un effacement du paysage politique dans les années qui ont suivi le passage de la dictature à ce qu’on a appelé la transition démocratique, elle a resurgi avec vigueur au cours de ces dernières années.
Le texte ci-dessous, paru sur le site en langue espagnole
Todos los nombres [« Tous les noms »] et que l’on doit à Aurelio Ruiz Enebral, nous parle de ses apparitions publiques à l’occasion du prochain hommage qui doit être rendu par les nostalgiques du franquisme à la sinistre Division Azul, composée de volontaires espagnols partis combattre sur le front russe au côté des nazis.

_______________

Un hommage à la Division Azul se prépare,
malgré la loi sur la Mémoire démocratique

La loi sur la Mémoire démocratique interdit les symboles qui exaltent les unités militaires franquistes qui ont collaboré avec les puissances de l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela n’empêche pas qu’un hommage à ceux de la Division Azul morts au combat soit organisé à Madrid, alors que cette loi est en vigueur.
Le site Confidencial Digital a pu vérifier que des appels circulent déjà de la part de groupes d’extrême droite encourageant leurs partisans à « rendre hommage aux héros de la Division Azul à l’occasion du 82e anniversaire de la bataille de Krasny Bor », qui s’est déroulée en février 1943 en Russie, à l’époque Union soviétique.
Certains messages appellent cette commémoration « Journée de ceux qui sont tombés pour l’Europe ». La mobilisation aura lieu le samedi 15 février après-midi au cimetière de l’Almudena, dans la ville de Madrid. Un monument funéraire y est érigé à la mémoire des Espagnols morts au combat au sein de la Division Azul, intégrée aux forces de l’Allemagne nazie ayant envahi l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale.

Monument dédié aux fascistes de la Division Azul, au cimetière de l’Almudena à Madrid.

L’appel est diffusé par différents groupes d’extrême droite, tels que les jeunesses du parti España 2000 et Facta, un groupe d’origine plus récente. Le programme, sur lequel ne figure aucune signature, pour éviter toute responsabilité, est semblable à celui des années précédentes. Les participants se retrouveront près d’une station de métro, et de là ils entameront une marche vers le cimetière de l’Almudena. Curieusement, il s’agira d’une « marche silencieuse », ce qui semble impliquer qu’il n’y aura ni chants ni slogans. Autre détail commun aux organisations d’extrême droite, phalangistes et assimilées, depuis le renforcement de la législation sur ce type d’événements, les organisateurs préviennent que « seuls les drapeaux fournis par l’organisation seront autorisés ». De cette manière, la symbolique affichée sera contrôlée.
La loi sur la mémoire démocratique poursuit plus sévèrement, plus spécifiquement et de façon plus étendue l’exhibition de certains symboles et les événements considérés comme exaltant le soulèvement militaire de juillet 1936, le camp putschiste de la guerre civile et la dictature de Franco. L’une des nouveautés introduites par la loi de 2022 en complément de celle de 2007 sur la mémoire historique a été de cibler plus directement la Division Azul.
La loi actuelle considère comme « éléments contraires à la mémoire démocratique les édifications, constructions, armoiries, insignes, plaques et tous autres éléments ou objets apposés sur des bâtiments publics ou situés sur la voie publique sur lesquels des mentions commémoratives sont faites pour exalter, personnellement ou collectivement, le soulèvement militaire et la dictature, ses dirigeants, les participants au système répressif ou les organisations qui ont soutenu la dictature, les unités civiles ou militaires de collaboration entre le régime franquiste et les puissances de l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Un autre article de la loi définit les « actes publics contraires à la mémoire démocratique » :
« Sans préjudice du droit de réunion pacifique et sans armes, régi par la loi organique 9/1983 du 15 juillet, réglementant le droit de réunion, sont considérés comme actes contraires à la mémoire démocratique les actes accomplis en public qui impliquent le discrédit, le mépris ou l’humiliation des victimes ou de leurs proches, et qui impliquent l’exaltation personnelle ou collective des victimes ou de leurs proches, et qui impliquent l’exaltation personnelle ou collective des victimes ou de leurs proches, le mépris ou l’humiliation des victimes ou de leurs proches, ainsi que l’exaltation personnelle ou collective du soulèvement militaire, de la guerre ou de la dictature, de ses dirigeants, des participants au système répressif ou des organisations qui ont soutenu le régime dictatorial ».
« A cette fin, si, au cours de la célébration d’un acte public de cette nature, des faits susceptibles de constituer un délit ont lieu, les autorités compétentes les porteront à la connaissance du ministère public. »
Dans cet article, cependant, la clause finale de l’autre disposition légale sur les « unités civiles ou militaires de collaboration entre le régime franquiste et les puissances de l’Axe pendant la Seconde Guerre mondiale », qui désigne donc la Division Azul, n’est pas citée.
Il paraît évident qu’un hommage à la Division Azul (composée en grande partie de commandants militaires et de nombreux volontaires phalangistes) peut être interprété comme une exaltation des dirigeants de la dictature, des « participants au système répressif » comme la Falange Española Tradicionalista y de las JONS [Phalange espagnole traditionaliste et des Juntes d’offensive nationale-syndicaliste] en tant qu’organisation qui a soutenu (idéologiquement) le régime dictatorial.
Pour se défendre, les organisations qui organisent ce type d’événements affirment toujours que leurs hommages ne « discréditent pas, ni ne rabaissent ou n’humilient les victimes » de la guerre civile ou de la dictature, mais qu’elles honorent le souvenir de certains militants phalangistes décédés. C’est ce que soulignent, par exemple, les phalangistes lorsqu’ils rendent hommage à José Antonio Primo de Rivera chaque 20 novembre, et qu’ils rappellent que le fondateur de la Phalange espagnole est une victime de la guerre civile, puisqu’il a été fusillé par les républicains quatre mois après le début du conflit.
Un autre hommage de ce type aura également lieu en février. Les groupes phalangistes appellent leurs militants et sympathisants à un acte du souvenir pour Matías Montero, militant phalangiste assassiné par un pistolero socialiste en 1934.
Ces actes commémoratifs ont donné lieu, certaines années, à des enquêtes judiciaires. Le plus célèbre est celui qui a vu, en 2021, une jeune femme, Isabel Medina Peralta, membre du collectif néonazi Bastion frontal, vêtue d’une chemise bleue phalangiste, tenir un discours – publié par le média La Marea – au cours duquel elle a prononcé ces mots : « C’est notre devoir suprême de lutter pour l’Espagne, de lutter pour l’Europe, aujourd’hui affaiblie et liquidée par l’ennemi. L’ennemi sera toujours le même, mais avec des masques différents : le Juif. […] Le Juif est le coupable et c’est pour cela que la Division Azul a combattu. »
Ce discours lui a valu une plainte du ministère public pour antisémitisme, qui a finalement été classée sans suite.

_______________

Traduction : Floréal Melgar.

https://florealanar.wordpress.com/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.