Convocations zapatistes aux « Rencontres Internationales de Rébellions et Résistances 2024-2025 »

Article mis en ligne le dimanche 12 janvier 2025

« Contre les Tempêtes et pour le Jour d’Après : retrouvons-nous et organisons-nous »

Le 10 octobre 2024, les Assemblées de Collectifs de Gouvernements Autonomes Zapatistes (ACGAZ), les communautés zapatistes et l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) convoquaient « toutes les personnes, groupes, collectifs, organisations, mouvements et peuples originaires » qui ont souscrit à la Déclaration pour la Vie [1], aux Rencontres Internationales de Rébellions et Résistances 2024-2025, autour du thème « La Tempête et le Jour D’Après ».

Depuis le soulèvement armé de l’EZLN le 1er janvier 1994 dans l’Etat du Chiapas, au Sud-Est mexicain, et la construction civile de l’autonomie dans les territoires récupérés (dès 1994, approfondie en 2003 et qui s’ouvre sur une « nouvelle étape » depuis 2023), le mouvement zapatiste est une référence planétaire pour les résistances d’en bas et à gauche, et les rebellions contre le triptyque Modernité-Capitalisme-Etat.

En 2020, l’EZLN annonçait le Voyage pour la Vie [2], dont le premier chapitre européen a eu lieu en 2021. Après tant de rencontres et de festivités dans les territoires autonomes zapatistes, le mouvement continue de nous surprendre. Son historicité et son actualité suffisent probablement à nous convaincre de sa lutte conséquente, théorique et pratique, assurément digne et rebelle [3].

Depuis 31 ans, les zapatistes nous invitent à vivre-lutter, à articuler les échelles territoriale et planétaire, pour construire un écosystème terrestre viable et désirable pour l’ensemble de la bio-communauté (le tout), composé de nombreux mondes écologiques et rebelles (les parties).

Contre l’hégémonie planétaire du triptyque Modernité-Capitalisme-Etat et sa prétention unimondiste, l’homogénéisation des faire-mondes et l’uniformisation des subjectivités, le progressif écocide terrestre, la IVe Guerre Mondiale du néolibéralisme contre l’humanité [4], les génocides et les biocides actuels et leurs terrifiants devenirs, la possible-probable intensification en-cours et à-venir de la guerre totale du système-monde (Capitalisme néo-malthusien guerrier et débridé) [5], et un long etcétéra d’horreurs et de souffrances caractéristiques des multiples oppressions et dominations du Capitalisme globalisé, de la Modernité occidentale et coloniale et des États-nations, le mouvement zapatiste sème et cultive les précieuses graines de la vie digne – préservées par la lutte – pour l’ensemble de la bio-communauté terrestre que nous sommes.

L’expérimentation rebelle de l’autonomie civile (la pratique) [6] et les élaborations politico-philosophiques de l’EZLN (la théorie) [7] font du mouvement zapatiste une inspiration conséquente pour nos recherches-actions attentives à la résolution collective des crises éco-systémiques contemporaines. Les « basculements » anthropologiques, philosophiques et politiques nécessaires à la destruction du Capitalisme et de son monde insoutenable et invivable et à la construction de lendemains écologiques et anti-systémiques, sont urgents et possibles.

Quelques préfigurations utopiques territoriales, résistances créatives et rebellions déterminées, nous démontrent que l’à-venir planétaire post-capitaliste se construit ensemble, dès maintenant.

Pour garantir d’autres futurs que l’unique présent meurtrier et mortifère du système-monde, prétendument perpétuel, lequel pourrait bien nous condamner collectivement à l’extermination de la vie de la bio-communauté sur Terre (humanité incluse), il est important que nous nous retrouvions.

Pour multiplier et diversifier les mondes qui existent et résistent, et garantir la traversée collective de l’actuelle tempête et de celles qui très probablement arrivent, organisons-nous.

Pour penser et ébaucher le « jour d’après », le mouvement zapatiste nous a donc convoqué aux Rencontres Internationales de Rébellions et Résistances 2024-2025.

La première session [8], composée de séminaires de pensée critique et du festival culturel zapatiste, qui a eu lieu du 28 au 30 décembre 2024 au CIDECI [9] et du 30 décembre au 2 janvier 2025 dans le Caracol d’Oventic, s’est bien passée. Nous avons eu l’occasion d’approfondir nos réflexions sur l’actualité du système-monde et du mouvement zapatiste, de tisser nos réseaux internationaux de lutte, d’approfondir nos complicités et nos affinités militantes, de partager nos dignes rages et nos espoirs rebelles, de vivre de précieux moments de fête-lutte collective [10].

En particulier, nous souhaitions suggérer aux personnes, familles et ami•e•s, collectifs, organisations et mouvements français et européens, de s’organiser et de se coordonner afin de constituer des délégations pour participer aux prochaines sessions des Rencontres internationales [11]. Pour partager nos expériences de lutte, écouter et apprendre des luttes voisines et alliées.

Entre juillet et août 2025, 20 ans après la publication de la Sixième Déclaration de la Jungle Lacandone (la Sexta) [12], l’EZLN propose aux signataires de la Déclaration pour la vie de se retrouver dans les Caracoles zapatistes à l’occasion de la session « Rencontres Semencières » autour du partage des « chemins, rythme, compagnies et destinations pour le chemin du Jour d’Après ».

Entre octobre et novembre 2025, en plus de la cinquième session des Rencontres internationales, les personnes, collectifs, organisations et mouvements ayant participé•e•s au Voyage pour la vie – Chapitre Europe sont invité•e•s à s’organiser pour venir dans les territoires autonomes échanger avec les communautés zapatistes et l’EZLN autour de la « nouvelle structure » de l’autonomie et de la « nouvelle étape » du mouvement. Celles et ceux intéressé•e•s peuvent contacter les coordinations concernées (régionales, nationales et continentale). Plus d’infos à venir.

Entre la deuxième quinzaine et fin décembre 2025, à l’occasion de la sixième et dernière session des Rencontres internationales des Rebellions et Résistances, l’EZLN propose un « Semencier » sur la Tempête et le Jour d’Après avec des exposés d’invité•e•s, qui n’ont pas encore annoncé•e•s.

Retrouvons-nous dans nos territoires, ici ou là-bas, et organisons-nous pour participer aux Rencontres internationales 2024-2025 auxquelles nous convoquent le mouvement zapatiste.

PS : « Pourquoi disons-nous qu’au cauchemar qui est déjà là, et qui ne fera rien d’autre qu’empirer, suivra un réveil ? Et bien, parce qu’il y en a, comme nous, qui s’engagent à regarder cette possibilité. Certes, minime. Mais tous les jours et à toute heure, partout, nous luttons pour que cette minime possibilité grandisse et, bien que petite et sans importance – comme une graine minuscule -, qu’elle grandisse et qu’un jour, elle soit l’arbre de la vie qui sera de toutes les couleurs ou qui ne sera pas » [13].

La destitution du monde de la « destruction des mondes » de son hégémonie ontologique repose, a minima, sur l’organisation et la coordination de celles et ceux qui, en bas, vivent et luttent pour la vie digne – amplifiant les crises qui affectent le système-monde dominant et préfigurant un avenir planétaire viable et désirable pour l’ensemble de la bio-communauté terrestre.

Est-ce utile de le répéter ?

lupa serra
Photos : Ivana

Lire l’article sur Lundimatin paru dans lundimatin#458, le 7 janvier 2025

Addendum

Nous ajoutons à cet appel ce retour de Flor de pabra, collectif de traduction, qui fait suite aux rencontres de résistance et rébellion qui se sont tenues au Cideci-Unitierra (Centre indigène de formation intégrale – Université de la terre) à San Cristobal de las Casas (Mexique), ces 28 et 29 décembre 2024.

Pour « Flor de la palabra », collectif de traduction.

San Cristobal de las Casas, 28-30 décembre 2024

« Comment habiter le monde sans le chant des oiseaux ? Comment une pomme se sentira-t-elle en l’absence des abeilles ? Le capital et la modernité mènent à la barbarie. » C’est ainsi que s’est exprimée devant des milliers d’assistants nationaux et internationaux la chercheuse Inés Durán, lors de sa participation à la « table II. La tempête chapitre Mexique : le crime, le bourreau et les victimes », qui s’est tenue au Cideci-Unitierra (Centre Indigène de Formation Intégrale – Université de la Terre), à San Cristobal de las Casas, à l’invitation de l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale). « Nous devons chercher des réponses avant qu’il ne soit trop tard », a alerté Durán, compte tenu des graves effets climatiques que nous vivons actuellement.

Pour sa part, le spécialiste en droit pénal Jacobo Dayán a souligné que nous nous trouvons dans une crise de civilisation caractérisée par l’ampleur de la violence et la capacité de nous nuire.

L’avocate Barbara Zamora a également participé à la rencontre. Elle a insisté sur la violence et la discrimination dont souffrent les peuples originaires dans les tribunaux agraires et au sein de leurs communautés. « Nous devons parvenir à une justice radicale, pleine, dans l’égalité pour tous », a-t-elle soutenu.

L’avocat Carlos Gonzalez, membre du Congrès national indigène (CNI), a assuré que le Mexique mène une guerre contre les peuples originaires, à cause de la continuité des politiques néolibérales. « On cherche à réordonner les territoires pour imposer des mégaprojets », a dénoncé le leader social.

L’historien Carlos Aguirre Rojas, quant à lui, a souligné que l’autonomie signifie être capable de construire le monde que nous voulons en accord avec nos propres forces.

« Quel type de transformation y a-t-il au Mexique ? Pour nous, il n’en existe pas », a déclaré le commandement de l’EZLN. Pour le CCRI-CG (Comité clandestin révolutionnaire indigène-Commandement général), la forme d’organisation pyramidale n’est pas une véritable démocratie. Les zapatistes cherchent donc une façon de s’organiser en commun.

Et les zapatistes l’ont bien en tête. Comme ils l’ont appris de leurs anciennes et anciens, la façon de se libérer du patron des grandes propriétés a été de se réunir en groupes, « en masse ». C’est ainsi qu’ils ont gagné en force, a expliqué le commandement de l’EZLN devant la salle comble du Cideci-Unitierra, où des participants de différentes parties du monde sont venus découvrir comment s’est déroulé le processus d’organisation des peuples indigènes autonomes du Chiapas.

[1] https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2021/01/01/declaration-commune-dune-partie-de-leurope-den-bas-et-de-larmee-zapatiste-de-liberation-nationale/

[2] https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2020/10/09/sixieme-partie-une-montagne-en-haute-mer/ : « Vingt ans après [la Marche de la couleur de la Terre, réalisée en 2001], nous naviguerons et nous cheminerons pour dire à la planète que, dans le monde que nous percevons dans notre cœur collectif, il y a de la place pour toutes, tous, touTes. Tout simplement parce que ce monde n’est possible que si toutes, tous, touTes, nous luttons pour le mettre debout » ; « Nous sommes zapatistes, porteur.E.s du virus de la résistance et de la rébellion. En conséquence, nous irons sur les 5 continents ».

[3] https://lundi.am/Mouvement-zapatiste-Synthèse-généalogique-et-références

[4] https://lundi.am/Introduction-a-l-analyse-critique-des-conceptions-zapatistes-de-la-IVe-Guerre

[5] https://lundi.am/Modernite-Capitalisme-Etat-L-hypothese-zapatiste-de-la-possible-probable

[6] https://lundi.am/Des-semences-rebelles-aux-solidarites-internationales

[7] https://lundi.am/Ontologie-rebelle-graine-zapatiste-pour-une-autre-philosophie ; https://lundi.am/Introduction-a-l-analyse-critique-des-conceptions-zapatistes-de-l-hydre

[8] Le programme de la première session est disponible ici : https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2024/12/08/programme-de-la-premiere-session-des-rencontres-internationales-de-resistances-et-rebellions-tables-et-intervenants/

[9] Le Centre indigène de capacitation intégrale – Université de la Terre (CIDECI-UNITIERRA) se situe à San Cristobal de Las Casas, Chiapas, Mexique.

[10] Nous vous partagerons prochainement une synthèse de ses apports theorico-pratiques, des analyses académiques de la tempête et de celles zapatistes de la « nouvelle structure » de l’autonomie et de la « nouvelle étape » du mouvement, construite autour de la proposition du « commun ». La première session a été retransmise en direct, des enregistrements audio et vidéo sont disponibles en espagnol ici : https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2024/12/27/transmision-en-vivo-de-las-mesas-de-la-primera-sesion-de-los-encuentros-de-resistencia-y-rebeldia/

[11] La convocation aux Rencontres internationales des Rebellions et Résistances 2024-2025 : https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2024/10/16/convocation-aux-rencontres-internationales-de-rebellions-et-resistances-2024-2025-theme-la-tempete-et-le-jour-dapres/. Les programmes et les lieux des prochaines sessions seront publiés prochainement sur http://enlacezapatista.ezln.org.mx.

[12] https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2005/06/30/sixieme-declaration-de-la-foret-lacandone/

[13]
EZLN, « 12e partie, Fragments (…) », 21/11/23.

https://www.millebabords.org/spip.php?article40154

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