Esprit Charlie : une exposition sur Gaza censurée par le maire de Toulouse

Extrême droite, Guerre

Jean-Luc Moudenc au téléphone, dans sa chemise blanche et bien repassée, représente l'antithèse de l'esprit Charlie.

La ville de Toulouse n’est plus rose tous les jours : le maire, Jean-Luc Moudenc, est membre du parti Les Républicains. C’est aussi un soutien de Macron qui expérimente dans la ville des politiques liberticides et anti-sociales. Il vient de décider de censurer une exposition sur Gaza organisée par l’ONG Médecins sans Frontières.

Cette mesure est scandaleuse en soi, mais le moment est particulièrement mal choisi : nous sommes précisément dans une période où tout le monde prétend célébrer la «liberté d’expression», au nom de «l’esprit Charlie», 10 ans après les attentats du 7 janvier 2015.

On l’a compris, «l’esprit Charlie», c’est le droit de faire des dessins islamophobes et d’entendre les pires réactionnaires à longueur de journée élargir le spectre des déclarations les plus infamantes. Si vous osez parler du génocide en cours à Gaza, dénoncer le racisme ou réclamer le partage des richesse, il n’y a plus de «liberté d’expression» qui vaille.

La justification de la mairie de Toulouse est d’une grand perversité. Selon Jean-Luc Moudenc, cette exposition «pose un risque évident de trouble à l’ordre public». Un reportage documentant un massacre sèmerait le trouble ? Pour qui ? Au nom de quoi ? Qui l’a décrété ? Dire et montrer la vérité est-t-il devenu un trouble à l’ordre public dans ce pays ?

Ainsi, cette exposition est intitulée «We did what we could» – «Nous avons fait ce que nous pouvions» – est organisée par l’organisation Médecins Sans Frontière, dont la mission est de soigner les population privées d’accès à la santé, en cas de guerre, d’épidémies ou de catastrophes, dans les zones les plus démunies. Des médecins de MSF sont présents à Gaza depuis des années. Depuis octobre 2023, Israël a tué 8 membres de MSF, et des dizaines d’autres médecins palestiniens. Voilà le véritable scandale. Voilà ce qui devrait constituer, pour tout le monde, un «trouble à l’ordre public».

L’exposition visait à «raconter le siège, les bombardements et l’horreur du quotidien à Gaza à travers l’expérience de ses soignants, en première ligne du conflit. […] Ils témoignent des attaques d’Israël contre les hôpitaux et racontent leur quotidien qui rend leur mission quasi impossible : les afflux massifs de patients, les déplacés qui s’y réfugient, les pénuries de médicaments et de nourriture et les ordres d’évacuation» explique Mediapart. Elle devait se tenir du 6 au 26 janvier, dans le cadre du festival annuel Cinéma et droits de l’homme. Le vernissage était prévu le 11 janvier, en présence des dirigeantes de MSF. Il n’aura pas lieu.

Interrogée par Mediapart, la mairie de Toulouse se justifie par un prétendu «contexte local […] tendu, notamment par l’interdiction, depuis le 7 Octobre, de plusieurs manifestations liées au conflit israélo-palestinien par la préfecture et dont la radicalité posait un problème de trouble à l’ordre public ou encore le ciblage récent de plusieurs commerces toulousains au motif de leur prétendu soutien à Israël, sur le seul motif de la judéité présumée de leur propriétaire…»

À présent, c’est MSF, une ONG fondée en 1971 et reconnue mondialement, qui est quasiment accusée d’être antisémite, en tout cas à minima assimilée à la «radicalité». Les fanatiques pro-israéliens, dont Moudenc fait partie, n’ont plus aucune limite dans la destruction du sens des mots.

Toulouse est, rappelons-le, une ville jumelée avec Tel-Aviv. Et son maire empêche donc sa population d’avoir accès à des informations sur une situation de génocide, pour laquelle le Premier Ministre israélien est visé par un mandat d’arrêt international.

Cette nouvelle atteinte à la liberté d’expression s’inscrit dans un cadre bien plus large. En avril dernier, la députée Insoumise Mathilde Panot apprenait qu’elle était convoquée par la police pour «apologie du terrorisme». «C’est la première fois dans l’histoire de la Cinquième République qu’une présidente d’un groupe d’opposition à l’Assemblée nationale est convoquée pour un motif aussi grave sur la base d’accusations fallacieuses» déclarait-elle.

Avant elle, la juriste franco-palestinienne et élue Insoumise Rima Hassan a été convoquée pour la même raison, et régulièrement interdite de tenir des conférences par les autorités. Parmi les convoqué-es pour « apologie du terrorisme », on trouve aussi le syndicaliste et militant révolutionnaire Anasse Kazib, la journaliste Sihame Assbague, la basketteuse Émilie Gomis – qui aussi été démise de ses fonctions dans le cadre des Jeux Olympiques – le syndicaliste CGT Paul Delescaut – qui a été condamné à un an de prison avec sursis pour un tract – des syndicalistes étudiant-es de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales…

D’autres partis de gauche et collectifs sont menacés, par exemple le NPA. Et de nombreux meetings et évènements sur la Palestine ont été interdits, alors qu’un gala suprémaciste sioniste appelant à coloniser Gaza a pu avoir lieu à Paris sous haute protection policière.

Le 11 juin dernier, l’humoriste Guillaume Meurice était licencié de France Inter pour avoir fait une simple blague contre le Premier Ministre israélien d’extrême droite. Une mesure qui s’inscrit dans le cadre d’une purge généralisée chez France Inter à l’égard de tous les contenus trop indépendants du pouvoir.

Dans un autre registre, en juillet dernier, la chanteuse Zaho de Sagazan était censurée des radios du groupe Bolloré pour avoir déclaré «Fuck Hanouna». Une forme de cancel culture des milliardaires.

En janvier, c’était l’affiche du nouveau spectacle de l’humoriste Waly Dia qui était censurée. On y voyait l’artiste les yeux fermés avec le visage couvert de tatouages. En haut d’une joue, à peine lisible, figurait la phrase : «Je suis comme l’IGPN, je ne suis pas là pour faire le procès des policiers». Outrage insupportable, le visuel avait été interdit d’affichage dans le métro parisien.

En décembre 2023, à Saint-Malo, une trentaine de planches d’une bande dessinée intitulée «Koko n’aime pas le capitalisme» étaient exposées lors du festival Quai des Bulles, pour mettre à l’honneur l’artiste «tienstiens», dont la BD connaissait un grand succès. Les planches avaient été décrochées à la demande de la police municipale.

En décembre 2022, la FNAC avait censuré un jeu de société sur l’antifascisme à la demande de syndicats policiers et de groupes d’extrême droite.

On pourrait continuer la liste de ces atteintes à la liberté d’expression qui visent des artistes, créateurs et militant-es encore longtemps.


«L’esprit Charlie» ? La plus grande blague de notre époque.

https://contre-attaque.net/2025/01/09/esprit-charlie-une-exposition-sur-gaza-censuree-par-le-maire-de-toulouse/

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