Juives et Juifs Révolutionnaires
Ce samedi 7 octobre, nous nous sommes réveillé·es avec le choc des images de l’attaque menée par le Hamas, des témoignages terrifiants, la peur pour nos proches là-bas pour certain·es d’entre nous, et pour tou·te·s, la peur pour les Juif·ves ici. A cela s’est ajoutée une avalanche de commentaires et de communiqués. Une partie des gauches politiques, décoloniales et antiracistes, s’est démarquée par le soutien explicite aux tueurs antisémites, reprenant parfois mot pour mot la communication du Hamas.
Nous sommes furieux⋅ses contre ceux et celles qui se réjouissent ici du sang versé par le Hamas. Furieux·ses de constater le résultat de décennies de déshumanisation des vies israéliennes. Nous sommes halluciné·es de constater le peu de cas qu’ils et elles font des vies palestiniennes puisque ces soutiens du Hamas ne semblent pas comprendre les répercussions qui s’annoncent déjà sur la situation au Moyen-Orient.
Le bilan actuel fait état de plus de 900 mort⋅es et 2 616 blessé⋅es en Israël au cours de ces attaques, dont la grande majorité étaient et sont des civil·es désarmé·es.
Nous voulons rappeler une chose : rien ne peut justifier l’exécution délibérée de civils, qu’iels soient israélien·nes ou palestinien·nes. Rien. On ne peut pas apporter « son soutien aux moyens de luttes que les Palestinien·nes ont choisi pour résister » (communiqué du NPA du 7 octobre) quand ces derniers sont des meurtres de masse de civils, des enlèvements, et des assassinats d’hommes, femmes, enfants et vieillards. Encore moins lorsque ces meurtres sont mis en scène sous formes de spectacles glorieux de décapitations, d’expositions de cadavres, de sévices et d’humiliations infligées à des corps désincarnés. Ceci est le macabre résultat d’une opération indiscriminée sur des Juif·ves et toute personne se trouvant sur leur passage, ne visant aucune cible stratégique, militaire ou économique. Parmi les victimes nous déplorons des jeunes participant à une rave party, des militant⋅es pour la paix, des anarchistes contre le mur, des travailleurs détachés thaïlandais, et bien d’autres.
Les réactions de soutien au Hamas sonnent comme une justification ignoble des crimes de guerre antisémites perpétrés sur des victimes dont le caractère civil est dénié tant par le Hamas que par ses relais dans une partie des gauches occidentales. Le déni du caractère civil des victimes est le pivot idéologique et argumentatif du Hamas qui considère l’ensemble des Juif·ves israélien·nes comme des colons et de ce fait comme cibles légitimes. Cette assimilation pernicieuse des Juif·ves aux israéliens et aux colons rend chaque assassinat et chaque enlèvement acceptable. Cheikh Yassine, fondateur du Hamas disait à ce propos : « Tout juif est une cible et peut être tué. ». La logique exterminatrice menée par le Hamas a un seul objectif : la mise en fuite des israélien·nes. Le message du Hamas est clair : « rentrez-chez vous ». Mais où est ce « chez eux » supposé ? Il est pourtant clair que personne ne partira de cette partie du Moyen-Orient, même lorsqu’il s’embrase : israélien·nes et palestinien·nes n’ont nulle part où partir.
Cette violence, celle qu’une partie des gauches justifie, a des conséquences pour toustes les Juif·ves de diaspora. Depuis la seconde intifada de 2000, chaque épisode de tension au Moyen-Orient, là-bas, est suivie d’une importation d’hostilités identitaires ici, et se traduit par une vague d’actes antisémites. Certain·es renoncent avec déchirement à porter leurs signes religieux : kippa, étoile de David et mezzouza à l’entrée de leur habitation. Déjà des dizaines d’actes antisémites ont été recensés depuis ce week-end, alors que sur les réseaux sociaux, où des posts glorifiant les massacres recueillent des centaines de milliers de likes, l’atmosphère est irrespirable. Tout antiraciste conséquent devrait s’en alarmer et se tenir aux côtés des Juifs et des Juives.
On peut et on doit condamner la politique du gouvernement israélien et ses crimes envers les Palestinien·nes sans faire l’apologie des crimes de guerre du Hamas. On peut dénoncer l’invisibilisation des souffrances palestiniennes sans effacer et nier celles des victimes civiles israéliennes. C’est possible. Et c’est la seule voie dans laquelle peut s’honorer la gauche. Nous saluons à ce titre la prise de position claire du député LFI Rodrigo Arenas. Toutes celles et ceux qui glorifient le Hamas, sans s’intéresser aux infamies antisémites dont est faite leur charte [https://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_du_Hamas#Antisémitisme], sans prendre en compte leurs méthodes criminelles, y compris à l’égard des populations palestiniennes sous leur contrôle, affirment une pseudo radicalité politique plus qu’ils n’œuvrent à la lutte pour un monde débarrassé de toutes ses oppressions. Rappelons enfin que les règles internationales comme la convention de Genève ne sont pas des caprices bourgeois, mais des avancées sociales majeures visant à protéger en temps de guerre celles et ceux qui en ont le plus besoin, civil·es et prisonnier·es, et dont il n’est absolument pas souhaitable de s’abstraire.
Soutenir le Hamas, le Djihad Islamique ou le Hezbollah, tous financés par l’Iran des ayatollahs, ce n’est pas faire acte d’un soutien héroïque aux Palestinien·nes qui souffrent, c’est envoyer un message des plus funestes à toute personne juive, en lui expliquant qu’elle et ses proches ou lointains semblables qui ont fait l’affront de respirer, ne méritent pas de continuer à le faire.
En Israël vivent une majorité de personnes réfugiées ou issues de familles réfugiées. Sionistes ou non, c’est la nécessité élémentaire d’habiter quelque part qui les a amenés là. Réfugié·es après la Shoah quand la plupart des pays leur fermaient les frontières. Réfugié·es devenus apatrides après la guerre de 1948 et les expulsions d’Égypte, d’Irak, de Syrie, du Liban, du Yémen… Ainsi, réduire l’ensemble des Israélien·nes à des colons pour justifier leur assassinat est une simplification de l’histoire de l’antisémitisme, de la persécution millénaire des Juif·ves et de ses conséquences. Aujourd’hui, la plupart des israélien·nes sont des sabra, né·es en Israël, c’est leur pays et iels n’en ont pas d’autres.
Oui, la création d’Israël a aussi été le fruit de pratiques coloniales et elle a eu pour conséquence la Nakba pour les Palestinien·nes. Oui, elle est aussi caractérisée par la colonisation et l’occupation brutale de la Cisjordanie et le blocus de Gaza, qui plus est sous le gouvernement d’extrême droite actuel. Mais cela ne peut justifier une déshumanisation des populations israéliennes. Regarder en face la responsabilité de l’antisémitisme, d’où qu’il vienne, dans la situation actuelle impose de sortir des schémas simplistes. Regarder l’ensemble de ces réalités en face, des malheurs qui s’ajoutent et ne se compensent pas les uns les autres, est le seul chemin de la justice. Déshumaniser les Israélien·nes n’est pas plus acceptable que déshumaniser les Palestinien·nes. Derrière les morts il y a des familles et des proches qui pleurent chaque jour. Et derrière les mots d’ordre et les slogans accrocheurs, se trouvent des violences inouïes qui ne peuvent se comprendre que par l’écoute et l’humilité.
Si les événements sont traumatiques pour beaucoup de monde, notamment dans la minorité juive, il reste nécessaire de conserver une attitude solidaire également envers les souffrances du peuple palestinien, victime de l’occupation, du colonialisme et de la guerre depuis plusieurs décennies. Les traumatismes ne s’annulent pas, ils ne font que s’accumuler. Se réjouir ou justifier le massacre en cours à Gaza n’est pas acceptable, et ne le sera jamais. Le bilan actuel fait état de 687 mort⋅es et 3727 blessé⋅es. Les bombardements israéliens sont en train de tout raser, ne soyons pas aveugles, ce sont des piles de cadavres de palestinien·nes qui se trouvent dessous. Ce sont des milliers de Palestinien·nes qui ont été tué·es ces dernières années, parmi lesquels de nombreux enfants et des civils, qui ne méritaient pas non plus de mourir mais de vivre libres et en paix, loin de la guerre, des chars de l’armée israélienne comme des assassins du Hamas. Et trop souvent, leur mort n’a donné lieu en Europe qu’à du silence et de l’indifférence. Ce sont aujourd’hui deux millions de Palestinien·nes qui vivent dans des conditions inacceptables dans une ville, Gaza, qui n’est qu’une prison à ciel ouvert. Nous ne pouvons pas accepter leur déshumanisation non plus. La fuite en avant militariste et le maintien du statu quo colonial n’est pas une solution mais une vision de cauchemar qui ne pourra mener qu’à un enfer pire encore.
Beaucoup de proches de victimes pleurent en ce moment, des proches juif·ves, des proches palestinien·nes, des proches israélien·nes, et nous ne voyons pas ce qu’il y a à célébrer face à leurs deuils. Une logique mortifère traverse l’ensemble du spectre politique : celle qui présente ces morts comme un mal nécessaire. Un vrai projet de gauche est de penser la désescalade et le droit à l’égalité pour tous ceux et celles qui habitent cette terre. A l’inverse, les extrêmes droites fascisantes espèrent une guerre de civilisations et se réjouissent des massacres en cours. Notre judéité et notre engagement à gauche nous poussent à célébrer la vie. Ce shabbat lors du kiddouch, et à d’autres occasions, nous redirons Le’haïm (A la vie). Par nos émotions et réactions, aussi sincères et douloureuses soient-elles, nous devons prendre nos distances avec ce fantasme nihiliste du choc des civilisations. Ne confondons pas la pulsion de vie exprimée par celles et ceux qui, en Israël comme en Palestine, luttent pour la paix, la justice et la démocratie avec les pulsions de morts désirées par le Hamas et l’extrême droite israélienne.
excellent texte. A diffuser très largement.
Claude
Enfin, en l’occurrence (même s’il existe des extrémistes ultra religieux dans la coalition au pouvoir en Israël) l’extrême droite véritable, ce sont les SS du Hamas et leurs soutiens _ y compris français et européens parfaits héritiers de la collaboration.
Robin,
Personne ne soutient réellement le Hamas mais nier le caractère génocidaire du massacre en cours du peuple palestinien par les nazis que sont Nethanyaou et sa bande d’extrémistes religieux, nier la confiscation violente des terres palestiniennes au mépris du droit international c’est comme dire que 2 + 2 font 3.
Les juifs réellement de gauche dont je fais partie ne cautionnent pas cette politique suicidaire du gouvernement israélien qui met en danger les israéliens eux même et la diaspora dans le monde entier.
Quant aux « collaborateurs » du HAMAS ils ne sont certainement pas à chercher dans notre camp pour en trouver. Ta vision critique du gouvernement israélien = antisémitisme est insupportable pour les juifs réellement de gauche. Ouvres les yeux bon sang !
@Levy Claude
Les seuls Nazis existant au Moyen-Orient, en Europe (hormis les quelques Ukronazis) sont les Islamonazis dont vous diffusez la propagande néo hitlérienne. Outre que vous ne connaissez pas l’Histoire de cette région du monde, parler d’un « génocide palestinien » imaginaire alors que des crimes contre l’humanité et génocides bien réels (comme ceux touchant les Chrétiens d’Orient et les Yezidis) sont en cours ne saurait faire illusion. Ce genre d’inversion des rôles fut déjà utilisé par les membres du 3eme Reich qui étaient jugés à Nuremberg : ils accusaient les Anglais de crimes génocidaires contre l’Allemagne. Heureusement personne n’y a cru. Et pourtant les Alliés bombardant les villes allemandes n’y allaient pas de main morte et prenaient beaucoup moins de précaution que Tsahal. Ce genre d’inversion des rôles ne trompait alors personne. Mais le philosophe
Vladimir Jankélévitch avait très bien compris que le Nazisme revendrait en pratiquant l’inversion des rôles : en nazifiant les Juifs et en victimisant les bourreaux.
Est-ce que pour autant le gvt Israélien ne doit jamais être critiqué ? Non. Par exemple je critique (et beaucoup critiquent) sa non reconnaissance du génocide arménien et sa complicité avec le régime azerbaïdjannais. Mais ce n’est pas cela que dénoncent les anti Israéliens, parce qu’ils se fichent autant de la vie des Arméniens (ou de celle des Chrétiens ou des Yezidis ou des Kurdes ou des Boudhistes) que de celles des Juifs : leur obsession contre Israël est due à un antisémitisme en tous points comparable à celui des années 30.