INFO BLAST / Qatar connection : La condamnation à mort du consultant qui accuse Nasser

INFO BLAST / Qatar connection : La condamnation à mort du consultant qui accuse Nasser

Le Qatar veut la peau de Tayeb Benabderrahmane. Au sens propre : au cœur de plusieurs procédures judiciaires à Paris liées au Paris-Saint-Germain et à Nasser Al-Khelaïfi, le consultant franco-algérien – c’est une information Blast – a été condamné à mort en mai dernier par l’émirat. Les autorités du Golfe ont prévenu le Quai d’Orsay de leur volonté d’exécuter la sentence, d’après une lettre officielle que nous produisons. Nos révélations.

Le ministère des Affaires étrangères est un petit cachottier. Le 4 septembre dernier, Blast contactait le Quai d’Orsay pour s’enquérir des raisons de son inaction face à la situation de Tayeb Benabderrahmane. Incarcéré pendant 6 mois au Qatar en 2020, puis assigné à résidence pendant 3 longs mois de plus, le consultant n’avait reçu aucune aide ni protection consulaire. Il n’a été libéré qu’en octobre 2020 contre la promesse de livrer des documents en sa possession sur le PSG et Nasser Al-Khelaïfi, dont le contenu d’un Iphone. 

La France avance avoir tout ignoré de son sort quand bien même un journaliste du Point l’avait alerté sur la détention d’un de ses ressortissants, en mars 2020, comme Blast l’a révélé

Le 18 septembre, à la une de Blast, une enquête met à mal la version officielle de Paris qui affirme n’avoir découvert la détention au Qatar de Tayeb Benabderrahmane qu’après coup.
Image Blast.

Les services ministériels se sont bien gardés de répondre à notre sollicitation, comme de commenter la lettre que le Premier ministre du Qatar leur a adressée le 9 avril 2023 – et que Blast a également produite. En termes tout à fait diplomatiques, Mohammed Bin Abdulrahman Al-Thani reprochait à son allié le crédit apporté à Tayeb Benabderrahmane, dont la plainte en France pour enlèvement et séquestration a entraîné l’ouverture d’une information judiciaire, une série de perquisitions et de commissions rogatoires internationales. Son Excellence se plaignait par ailleurs des mauvaises manières de la justice française envers Nasser Al Khelaifi, président du PSG et néanmoins ministre d’État qatari. 

Quand l’Émir pas content…

Aussi emprunté que pesant, le silence du pays des droits de l’Homme paraît désormais très compréhensible à la lumière d’un nouvel élément que nous avons découvert. Le 21 juillet 2023, Paris a reçu une nouvelle lettre du Premier ministre du Qatar, datée du 18 juillet, soit trois mois après la précédente. Un courrier tout à fait officiel dans lequel Doha annonce tout simplement à la France… la condamnation à mort de Tayeb Benabderrahmane ! 

Le 21 juillet, le quai d’Orsay reçoit un « URGENT » de l’ambassade du Qatar à Paris : une lettre pour « son excellence Madame Catherine Colonna »….
Document Blast.

« Je fais suite à mon courrier précédent du 09/04/2023 au sujet de ce que rapportaient les médias français en février dernier concernant la plainte déposée par M. Tayeb Benabderrahmane, ressortissant français d’origine algérienne, dans laquelle il prétendait avoir été enlevé et détenu au Qatar à l’instigation de S.E. M. Nasser bin Ghanem al-Khalifi, ministre d’Etat au Qatar », s’agace le Premier ministre, en amorce de son courrier.

 A la peine de mort

« Je souhaite porter à votre connaissance que le contenu de la plainte susmentionnée est sans fondement juridique et ne correspond à aucun fait réel. L’auteur de cette plainte, M. Benabderrahmane, a été arrêté et placé en détention provisoire le 13/01/2020 au Qatar en application de décisions prises par les autorités judiciaires de ce pays. Il est accusé, avec d’autres, d’espionnage pour le compte d’un État étranger au détriment du Qatar. Il a ensuite été libéré le 30/06/2020 et a quitté le Qatar le 31/10/2020. Le parquet a émis un mandat d’arrêt à son encontre le 06/12/2020 afin que son procès puisse être mené à son terme devant la juridiction compétente. Un jugement a été prononcé le 31 mai 2023 par le tribunal pénal du Qatar condamnant l’accusé, M. Benabderrahmane, à la peine de mort, en raison des crimes qui lui sont reprochés et demandant aux autorités du Qatar d’appliquer cette peine. »

Une correspondance embarrassante

Ces quelques lignes ont de quoi laisser pantois. D’une part, les autorités qatariennes confirment que le consultant a été incarcéré pendant 6 mois sans que la France ne bouge le petit doigt, plaçant très officiellement les Affaires étrangères et le gouvernement face à leur immobilisme. D’autre part, selon la chronologie délivrée par le premier des ministres du Qatar, la justice de l’émirat aurait donc laissé partir sur un vol commercial un homme accusé d’espionnage avant de lancer contre ce citoyen français un mandat d’arrêt – que, pour rappel ainsi que nous l’avons écrit, ni la France, ni Interpol n’ont reçu -, puis de le condamner à mort et d’annoncer vouloir exécuter la sentence…

Si l’enchaînement est pour le moins acrobatique, les conséquences diplomatiques qui en découlent sont vertigineuses. Elles placent Paris et le gouvernement d’Elisabeth Borne dans une très délicate posture. Pas sûr que le silence observé jusqu’à présent suffise face à la gravité de ces révélations.

L’auteur des lettres à la France, Mohammed Bin Abdulrahman Al-Thani, ministre des Affaires étrangères et Premier ministre depuis mars 2023.
Image Gouvernement du Qatar.

D’ordinaire, quand un citoyen français est condamné à la peine capitale, le Quai d’Orsay (voire l’Élysée) s’empresse de publier un communiqué, s’enquérir de sa situation et d’entamer des démarches, pour protéger la vie de son concitoyen, ressortissant d’un pays qui a aboli la peine capitale. Pour l’heure, rien de tel n’a été amorcé. C’est tout le problème de cette énorme épine dans le pied de Paris, sa diplomatie et son gouvernement.

Nasser, un intouchable ?

De son côté, l’ami de Paris, Mohammed Bin Abdulrahman Al-Thani, n’en a pas fini avec les reproches : le chef du gouvernement de Doha semble particulièrement fâché de la dernière perquisition, révélée par Mediapart, dont Nasser Al Khelaifi a été la cible le 5 juillet dernier, alors qu’il s’apprêtait à se rendre à la conférence de présentation du nouvel entraîneur du PSG Luis Enrique

Nasser Al-Khelaïfi et l’Espagnol Luis Enrique, le 5 juillet. La presse a dû patienter plus de 3 heures sur le programme annoncé, le président du PSG étant retenu par un juge d’instruction et des fonctionnaires de l’Office central de lutte contre le crime organisé (l’OCLCO).
Image PSG.

« Je vous serais toutefois reconnaissant d’accorder à cette affaire de M. al-Khelaifi toute l’attention qu’elle mérite afin notamment de garantir à l’intéressé l’ensemble des droits qui lui sont reconnus par les lois de la République française et les conventions internationales pertinentes, grince encore l’auteur de la lettre datée du 18 juillet. Les autorités françaises concernées auraient tout à fait pu obtenir de la part de M. Al Khelaifi des réponses à leurs questions et inspecter avec son consentement son bureau, son domicile et son téléphone portable à un moment opportun après son arrivée à Paris, sans pour autant porter atteinte à sa réputation et à celle du Qatar. »

Assurément, l’amitié franco-qatarie, cristallisée notamment autour du PSG, est à un tournant : entre la réputation du Qatar, de Nasser Al-Khelaïfi (et de son club) et la vie de l’un de ses citoyens – condamné à mort par un État étranger dans une procédure obscure -, la France est désormais sommée de choisir.

Début juin, Catherine Colonna, la patronne du Quai d’Orsay (à gauche), avec le Premier ministre du Qatar à l’occasion du « second dialogue stratégique Qatar/France » à Doha.
Image Ambassade de France au Qatar.

Le 8 juin dernier, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna était en visite officielle à Doha. Entre les deux lettres reçues en avril puis en juillet, elle avait glissé ces mots à Mohammed Bin Abdulrahman Al-Thani, son hôte du jour, lors d’une conférence de presse tenue sur place : « Je suis heureuse d’être là, merci Monsieur le Premier ministre de votre accueil si amical et chaleureux ». Cette fois, pourtant, le temps du « en même temps » semble révolu. 

Document Blast : La lettre du Premier ministre Mohammed Bin Abdulrahman Al-Thani du 18 juillet, dans son intégralité

Crédits photo/illustration en haut de page :
Blast, le souffle de l’info

https://www.blast-info.fr/articles/2023/info-blast-qatar-connection-la-condamnation-a-mort-du-consultant-qui-accuse-nasser-WEs1fzA5S3aoXHz1UX-Yiw

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