Les deux principales formations anarcho-syndicalistes espagnoles, la CNT et la CGT, ont décidé de pratiquer l’unité d’action, pour « promouvoir la lutte de la classe ouvrière ». Leur pacte, rendu public en avril, met un terme à 40 ans de vie séparée.
Dans l’Espagne de la transition post-franquiste, la CNT sort de la clandestinité puis se déchire, jusqu’à aboutir à la la création de la CGT, au début des années 80. Aujourd’hui, ces deux syndicats s’allient, et embarquent dans leur pacte Solidaridad Obrera, petite organisation issue d’une autre scission dans l’anarcho-syndicalisme espagnol datant de 1990.
S’il s’agit de travailler ensemble, « cela ne signifie pas qu’il y aura une unification ni que nous n’aurons pas de différences sur certains aspects », précise le secrétaire général de la CGT Miguel Fadrique à Rapports de force. Et ce, malgré l’objectif commun de construire une société libertaire. L’enjeu pour le responsable syndical étant que leur pacte se traduise par « des mobilisations unitaires avec des objectifs clairs, comme la défense des services publics, la défense des retraites et des salaires ». Et puisse faire contrepoids aux deux premières organisations syndicales du pays, l’UGT et les commissions ouvrières (CCOO), qui revendiquent chacune plus de 900 000 adhérents et sont jugées trop accommodantes avec le gouvernement et le patronat.
À la source du travail unitaire entre les trois organisations anarcho-syndicalistes, « une période très préoccupante pour des millions de familles dans l’État espagnol, avec une hausse alarmante des prix, et une très forte perte de pouvoir d’achat », explique Miguel Fadrique.
Pour y faire face, au mois de juin, son syndicat, la CGT, a décidé de s’engager dans « une unité de lutte avec les organisations apparentées ». Le climat créé par la guerre en Ukraine n’est pas non plus étranger à ces rapprochements. De même que la volonté de lutter ensemble contre la répression des mouvements sociaux, notamment depuis la loi bâillon de 2015, à laquelle la CNT a été particulièrement confrontée lors du conflit de la Suiza à Gijón. Suite à cette lutte pour le paiement d’heures supplémentaires à des travailleuses d’une pâtisserie, plusieurs syndicalistes de la CNT ont été condamnés, en 2021, à trois ans et demi de prison.
Cette répression des mouvements sociaux pourrait encore s’accentuer à l’avenir. En effet, l’Espagne connaît une année électorale en 2023, avec des municipales et régionales en juin, puis des législatives en décembre. Parmi les scénarios possibles : une alliance de gouvernement entre la droite et le parti d’extrême droite Vox à la tête du pays. Et de nouveaux enjeux pour les forces anarcho-syndicalistes qui, de l’autre côté des Pyrénées, ne sont pas anecdotiques. La CGT, le plus gros des trois syndicats, revendique près de 100 000 adhérents.
Commentaires récents