Cher•ères camarades,
Nous avons appris avec une certaine surprise votre grande journée de mobilisation pour la paix le 13 mai à Paris, organisée en commun avec le collectif Investig’Action, et, en fond, la question de la guerre en Ukraine.
Ce n’est pas le sujet qui nous choque : il nous concerne tous, et nombre d’entre nous sont actifs et actives, depuis des décennies, dans le combat pour la paix. Mais nous y mettons un sens, non seulement philosophique, ce que nous avons en commun, mais aussi politique, géopolitique et, nous insistons sur ce point, géopolitique à la base : géopolitique des peuples, ces derniers donc non seulement comme victimes, mais aussi comme acteurs.
Vous répondrez, avec raison, que c’est aussi votre point de vue, et l’histoire entière du Mouvement de la paix, mouvement de masse, ne saurait vous démentir.
Mais il peut arriver des moments dans l’histoire, y compris la vôtre, où des erreurs sont faites, où l’on s’aperçoit que la paix n’a pas la même définition pour toutes et tous, et qu’elle amène alors de redoutables conséquences, quand on prend pour alliés des partenaires qui ont un agenda politique radicalement différend de celui prévu à la base, que ces « alliés » soient des gouvernements comme des groupes politiques. Cela inclut en premier lieu de se mettre en dehors des logiques d’Etat, même si, des USA à la Chine en passant par la France ou l’Iran, chaque chef d’État ou diplomate nous déverse son couplet de paix entre les peuples et de fraternité. Il parait aussi que Poutine n’aime pas la guerre : il a juste lancé une opération spéciale. La guerre, c’est toujours la faute de l’autre !
Dans les guerres que nous vivons, qui se déroulent aussi bien sous les missiles que par le biais de l’influence, de l’information, des réseaux sociaux, ce point est essentiel !
C’est pourquoi nous avons été douloureusement surpris•es de voir le nom de Yves-Jean Gallas, représentant de votre structure, associé à celui de Michel Collon et Jacques Sapir, personnages confusionnistes pour le moins, pour ne pas dire « rouge- brun », ce qui est l’avis de beaucoup d’entre nous.
Dans les deux cas, le rapprochement factuel avec des personnages liés depuis belle lurette à la frange complotiste et négationniste voire d’extrême-droite nationaliste révolutionnaire pure au nom de « l’antisionisme », pour le premier, des structures classiques du même bord, pour le deuxième, est déjà surprenant.
Les faits sont largement établis et trouvables facilement, par exemple https://tantquillefaudra.org/debats/article/michel-collon-un-militant-de-la-347 à partir duquel on peut creuser sur pas mal de noms et d’accointances plus que douteuses sur Collon et son site Investig’Action… Quant au souverainiste Jacques Sapir, ses idées de « front de libération nationale » allant de l’extrême droite à l’extrême gauche au nom de la lutte contre l’Union européenne parlent pour lui.
Outre ce point particulièrement important en termes de cohérence de valeurs, l’essentiel pour nous reste l’alignement de ces deux personnages sur une posture rigoureusement anti-impérialiste borgne, ce qu’on appelle le campisme, totalement et unilatéralement alignée sur une détestation de l’OTAN, qui n’est pas pour nous déplaire, mais qui du coup « oublie », ou évacue, ou minimise le rôle du principal agresseur russe, massacreur, colonialiste, impérialiste sur le terrain, rôle soutenu par un discours impérial, colonial et même fasciste parfaitement assumé ! Ce qui n’a pas l’air de gêner, en toute logique confusionniste, nos deux personnages.
Il est vrai que pour Collon, thuriféraire du nationalisme grand-serbe au moment des guerres de dislocation en ex-Yougoslavie, comme négateur des crimes du régime de Bachar El-Assad contre son propre peuple, la position pro-Kremlin n’a rien de surprenant. Face à l’OTAN, qu’importe l’état des peuples des pays soumis aux dirigeants supposément anti-impérialistes et anti-sionistes !
L’ennemi de mon ennemi…
Gênant…
Que ce soit au nom de la lutte contre l’impérialisme hégémonique étatsunien ou occidental, où, comme Sapir, de considérer que l’Europe n’a pas à intervenir dans cette affaire car « Poutine n’est pas un ennemi », on connait pourtant, face à ce type de guerre dans l’histoire, où cela nous mène : la paix des cimetières, ou la soumission, voire la collaboration…
La solidarité internationale de peuple à peuple marque le pas, à moins de rester strictement dans l’humanitaire. Et encore ! Doit-on considérer qu’un peuple qui auto-organise sa résistance, bien au-delà des directives gouvernementales, fait le jeu de l’OTAN ou lutte pour sa survie ? Collon et Sapir ont-ils d’autres interlocuteurs dans les deux parties du conflit que le très influent et oligarque pro-kremlin Club Valdaï en Russie, pour Sapir, ou, pour Collon, les excuses qu’il trouve au Kremlin, et en général à tous les gouvernements dictatoriaux « anti- impérialistes », hérités de la conférence « Axis for Peace » montée en 2005 par le complotiste Thierry Meyssan, toujours bien connu des chaines de propagande russes ?
Doit-on dire aux Palestinien•nes d’éviter de combattre leur oppresseur israélien, aux Kurdes de laisser l’État turc les réprimer encore et encore pour ne pas « rajouter la guerre à la guerre ? »
Nous pouvons et devons débattre de points importants : résistance armée et non armée, l’Ukraine doit-elle ou non accepter les armes de l’OTAN pour se défendre ? Quel est le rôle des Occidentaux à l’origine et dans le déroulement du conflit ? Quelle solidarité internationale ? Quels soutiens aux déserteurs du pays agresseur ou objecteurs des deux camps ? Beaucoup de questions et bien d’autres…
Mais pas avec n’importe qui ! Pas avec celles et ceux qui montrent et ont montré, en toute conscience, où conduisaient leurs choix politiques et géopolitiques.
Ce 9 mai, vous avez fait ce que nous pensons sincèrement être une erreur de votre part, en participant à une marche organisée par l’Association Franco-Russe de Gueorgui Chepelev, membre du collectif En marche pour la paix. Mais cette association, le Conseil de Coordination du Forum des Russes de France est particulièrement proche de l’ambassade de Russie, où ont d’ailleurs été élus leurs dirigeants. A noter que la marche du 9 mai de l’année dernière, organisée aussi par le CCFRF, a eu l’honneur d’un post sur le site FB de l’ambassade, qui généralement ne publicise que ces propres actions.
Dans une guerre qui est aussi une guerre de propagande et d’influence, la place du Mouvement de la paix n’est certainement pas aux côtés du camp de l’agresseur, des sympathisants des massacreurs et compagnons de route de fascistes, quelqu’en soient leurs raisons.
Ce serait une prise de position nette ! Il s’y salirait durablement ! Fraternité.
Le 9 mai 2023
Le Comité français du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine (RESU)ukrainesolidaritefrance@gmail.com
NB : sur quelques personnages que l’on croise dans la galaxie Collon : l’antisémite refoulé Jean Bricmont, pour qui « ce n’est pas un problème de défiler avec l’extrême-droite » puisque « les vrais fascistes, ce sont les antifas ». Toute la cohorte des soutiens du négationniste Faurisson et du pitre Dieudonné, dont Bricmont, auxquels on rajoutera Ginette Skandrani, Maria Poumier, Sylvia Cattori… Par cette dernière et par son site Arrêt sur Infos, Collon rejoint tranquillement toute la sphère de l’extrême-droite, des soraliens aux LaRouchistes ou le journal catho-intégriste Rivarol… Dans le cercle, on voit aussi un co-auteur de Collon, Paul-Eric Blanrue, défenseur de Faurisson et du nazi-négationniste Reynouard. Collon a beau se défendre des accusations d’antisémitisme, ça fait beaucoup ! C’est vrai, il a déclaré aussi qu’il n’est pas d’accord avec Alain Soral… Au moins, c’est dit ! Les soraliens, par contre, adorent Collon !
Pour son soutien aux dictateurs, juste sur le soutien à Bachar El-Assad, on a vu Collon cotoyer Julien Teil (ex-animateur de Mécanopolis, site suisse d’extrême droite complotiste), le père Michel Lelong (curé intégriste défenseur de Maurice Papon et de Roger Garaudy), Komnen Becirovic (collaborateur de BI, ex-Balkans Infos, journal pro-Milosevic d’extrême droite), Ayssar Midani (une des principales propagandistes bacharistes en France, habituée de divers médias d’extrême droite comme le Cercle des Volontaires ou Égalité et Réconciliation) …
Entre autres, on note aussi sur le site investig’Action le nom de Slobodan Despot, traducteur de Milosevic, admirateur du fasciste russe Douguine et qui a coché toutes les cases de l’extrême-droite franco-suisse, de l’UDC à Soral…
On en oublie. Tapez quelques noms sur le site, on trouve facilement, même si cette fange côtoie aussi d’autres contributeurs plus honorables…
Lettre au format PdF : LETTRE OUVERTE AU MOUVEMENT DE LA PAIX
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