Dans les ports, des dockers aux marins, la grève coordonnée pour « tout paralyser »

ports grève Marseille CGT

Maïa Courtois

Les travailleurs des ports ont répondu présents à l’appel de la CGT Ports et Docks pour trois jours de grève et de blocages, à partir de ce mardi. Vendredi, la fédération nationale ainsi que des AG dans les 26 ports concernés détermineront la suite du mouvement, en fonction de l’évolution parlementaire. 

C’est un niveau d’intensité encore jamais atteint dans la mobilisation autour des retraites par les travailleurs des ports français. La Fédération nationale CGT Ports et Docks a appelé à un « arrêt de travail de 72 heures » les 14, 15 et 16 mars. Ce mardi, on compte selon ses chiffres 100 % de grévistes chez les dockers (aussi appelés débardeurs, ouvriers du chargement et déchargement des navires) et 70 % chez les portuaires (autres professions en charge de la pêche, manutention, réparation, ou encore nettoyage).

Les trois jours de grève dans les ports ont donc démarré ce matin. « L’ensemble des activités dans le port aujourd’hui est à l’arrêt, que ce soit la prise en charge des passagers, la réparation navale, la manutention… Il n’y a pas d’activité du tout », témoigne Pascal Galéoté, secrétaire général CGT du Grand Port maritime de Marseille (GPMM), un établissement public d’État.

Au moins 26 ports sont concernées par une telle mise à l’arrêt de l’activité – Dunkerque, Dieppe, Le Havre, Calais, Rouen, Caen, Cherbourg, Roscoff, Port bigouden, Brest, Saint-Malo, Lorient, Nantes/St Nazaire, Rochefort, La Rochelle, Bordeaux, Bayonne, Port La Nouvelle, Port Vendres, Sète, Fos, Marseille, Toulon, Nice, Bastia et Ajaccio -, d’après la CGT Ports et Docks.

Le syndicat regroupe des dizaines de milliers de salariés impliqués dans l’économie de la pêche et du commerce : marins, dockers, douaniers, manutentionnaires, agents du nettoyage industriel… « Environ 70 % de l’activité est concentrée sur le grand port maritime de Marseille (GPMM) et Le Havre », explique Tony Hautbois, secrétaire général de la Fédération nationale ports et docks CGT. Ces ports font partie des bastions de la mobilisation contre les retraites.

« Dockers, douanes, réparation navale, marins » : de la grève au blocage des ports

Ce mardi, les entrées de tous ces ports en grève ne sont pas forcément bloquées. Dans le GPMM, au-delà de la cessation de l’activité, « on a monté un piquet de grève, fait une AG, mais sans qu’il y ait de blocage total du port », décrit Pascal Galéoté. Demain, les travailleurs se sont donnés rendez-vous à 8h à nouveau sur le piquet, puis se rendront à la manifestation prévue à 10h30 dans le Vieux Port de Marseille.

Jeudi, en revanche, sera la journée « ports morts », partout. Cette fois, le blocage total des accès et des infrastructures est prévu. Sur le terrain, « ça se prépare avec du matériel : on va utiliser l’outillage qui nous sert à travailler. Toutes les professions sont organisées et coordonnées : dockers, douanes, réparation navale, marins… On va se répartir les rôles, les tâches, pour mener à bien l’opération », décrit le secrétaire général CGT du GPMM.

En parallèle de ces actions, la CGT Ports et Docks appelle les salariés à « poursuivre l’arrêt des heures supplémentaires et shifts exceptionnels ». Un mode d’action utilisé depuis le début de la séquence retraites. « Cela désorganise l’activité, et c’est une forme de mobilisation reconductible », explique Tony Hautbois, le secrétaire général.

Monter en intensité pour « retranscrire la colère »

De semaine en semaine, les travailleurs des ports ont élevé le niveau de la mobilisation. Depuis le 19 janvier, la fédération nationale appelle donc à ne plus faire d’heures supplémentaires. Puis, à chaque temps fort à l’appel de l’intersyndicale, les dockers et portuaires ont répondu présents avec 24 heures de grève.

Pour réussir cette mobilisation, il a fallu s’organiser tôt. « On a pas attendu le calendrier du gouvernement. Dès juin, on envoyait des premières circulaires pour prévenir les camarades qu’il allait falloir batailler sur les retraites. Après ce sont des AG, des déplacements sur le terrain… », décrit Tony Hautbois. Ceci étant, « vu notre implantation majoritaire et le fort taux de syndicalisation, chaque fois que la fédération appelle, c’est l’arrêt de quasi 100 % des ports », estime-t-il. La CGT est en effet majoritaire dans tous ; sauf dans le secteur manutention de celui de Dunkerque.

La semaine dernière, une étape supplémentaire a été franchie : les travailleurs ont mené 48h de grève dans les ports, le 7 et le 8 mars. Entre autres, les accès aux ports du Havre – premier de France pour les conteneurs -, de Rouen – premier port céréalier d’Europe de l’Ouest – ou encore ceux de Marseille-Fos, Bayonne et La Rochelle, avaient été bloqués.

Cette semaine enfin, nouveau cap, avec ces 72 heures de grève et de blocages. « Quand on voit le manque de respect du gouvernement face aux travailleurs et à l’opinion publique, on a décidé de monter d’un cran », expose Pascal Galéoté, du GPMM. « Quand on voit, aussi, la position de l’exécutif vis-à-vis du législatif, avec une collusion totale et peu de débat démocratique… Cela réveille la colère ». Aujourd’hui, il l’assure : ce ne sont pas les dirigeants syndicaux qui mènent le bal. Mais bien « les salariés qui nous poussent. Et nous avons l’organisation pour la contenir et la retranscrire, leur colère ».

« Notre détermination est sans faille »

Avec quelles perspectives pour la suite ? « Pour ceux qui s’en inquiètent : on a encore quelques cartouches », promet Tony Hautbois. Sur le terrain marseillais, Pascal Galéoté confirme : « nous avons d’autres possibilités de nuisances importantes sur l’activité industrielle. Nous avons les moyens de mettre plus de pression », insiste-t-il, sans vouloir détailler les autres leviers envisagés.

Certains lieux sont de fait particulièrement stratégiques. Ce mardi, les salariés de Fluxel, l’opérateur des terminaux pétroliers de Fos et Lavera (dans le GPM de Marseille) sont entrés en grève reconductible. C’est « le point d’entrée majeur des produits pétroliers en France », rappellent, dans un communiqué commun, la Fédération nationale des industries chimiques CGT et la CGT Ports et Docks. Les travailleurs de DPF, Dépôt Pétrolier de Fos, sont également entrés en reconductible.

En outre, « il y a un risque de pénurie de gaz suite au blocage des méthaniers » dans les ports, observe Marc Bontemps, secrétaire général de la CGT Compagnie parisienne de chauffage urbain. La semaine dernière, ce levier de pression avait été utilisé. Le 7 mars, la CGT Elengy avait mis à l’arrêt « pour sept jours » trois des quatre terminaux méthaniers permettant l’importation de gaz liquéfié naturel, situés à Fos-sur-Mer et à Saint-Nazaire. Le quatrième terminal, à Dunkerque, avait été mis à l’arrêt pour 48 heures.

De quoi bloquer le déchargement des navires méthaniers et l’alimentation en gaz du réseau de distribution. Mais sans aller jusqu’à créer des pénuries… Pour le moment. « Nous sommes engagés dans une situation où s’il faut tout paralyser, on le fera », conclut Pascal Galéoté. « Notre détermination est sans faille ».

Crédit photo : CGT Ports et Docks

https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/dans-les-ports-des-dockers-aux-marins-la-greve-coordonnee-pour-tout-paralyser-031417238

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