Publié le 1er mars 2023
Seule la corruption peut permettre de vendre des EPR
L’affaire Uramin-Lauvergeon a-t-elle été enterrée ?
La sortie en salles ce jour du film « La syndicaliste » est l’occasion de poser les vrais questions concernant cette affaire mais aussi celle dite « Uramin » dans laquelle est impliquée l’ancienne présidente d’Areva, Anne Lauvergeon (jouée par Marina Foïs dans le film).
La thèse avancée pour expliquer l’agression terrifiante dont a été victime fin 2012 Maureen Kearney (jouée par Isabelle Huppert) est qu’elle se serait opposée, à l’occasion d’un projet de vente de réacteurs EPR à la Chine, à un « transfert de technologie » en faveur de l’entreprise chinoise CGNPC et au détriment de l’industrie nucléaire française.
Cette thèse est absurde : il n’y avait aucun risque de « transfert de technologie » puisque Mme Lauvergeon, avait déjà bradé deux EPR à la Chine dès 2007 (voir explications ci-dessous). A cette époque, comme l’a illustré l’affaire de corruption Uramin (voir aussi ci-dessous), « Atomic Anne » était prête à tout pour vendre des EPR, et même quasiment les offrir, à d’éventuels clients.
Dès 2003, Lauvergeon avait ainsi bradé un EPR à la Finlande à 3 milliards d’euros pour un chantier qui coûte en réalité à la France entre 10 et 15 milliards (et qui devait être achevé en 2009 or, en 2023, le réacteur ne produit toujours pas d’électricité !) Elle pensait, de cette façon, « amorcer la pompe » et décider ainsi de nombreux autres clients potentiels à acheter enfin des EPR.
En réalité, aucun acheteur ne s’est manifesté pendant plusieurs années, jusqu’à ce que la présidente d’Areva ne se décide à brader à nouveau deux EPR, cette fois à la Chine, et pour la somme dérisoire de 3,66 milliards… les deux ! (Cf dépêche AFP du 30 juillet 2007, révélations faites par nous-mêmes, à l’époque pour le compte du RSN)
Ce n’est pas pour leurs « qualités » que les Chinois ont acquis les deux EPR français : cet achat venait simplement compléter leur marché, constitué en particulier de deux Candu-6 canadiens, de deux VVER russes, puis de 4 AP1000 américains et finalement de deux EPR. Les Chinois sont des gens méthodiques qui étudient jusqu’au moindre millimètre les installations qu’ils achètent, pour s’affranchir ensuite de leurs vendeurs et devenir eux-mêmes fabricants, ce qui est désormais le cas avec le réacteur chinois Hualong1.
Par ailleurs, les Chinois connaissaient de longue date les réacteurs français pour en avoir acheté dès les années 1980 (réacteurs de Daya bay, jumelés aujourd’hui encore avec ceux situés au Blayais en Gironde). Or, à part sa taille démesurée et ses complications inutiles, l’EPR, conçu à la fin des années 80 et au début des années 90, ne présente aucune différence fondamentale avec les réacteurs précédents.
On ne voit donc pas de quel « transfert de technologie » il aurait fallu s’inquiéter en 2012 lorsque Maureen Kearney a été agressée. Il s’agit en réalité assurément d’une affaire de corruption dans laquelle la syndicaliste a « mis son nez »… à son détriment.
En effet, à part lorsque des EPR ont été bradés comme cela a été fait au profit de la Finlande et de la Chine, personne ne souhaite acheter de réacteurs EPR. Pour mémoire, alors que l’on peut lire ici ou là que « les Britanniques ont choisi le réacteur EPR », il faut rappeler que, avec l’argent des Français, EDF a d’abord racheté British energy à plus de 15 milliards… juste avant que la valeur de cette entreprise ne s’effondre lors de la crise financière de 2008. Ensuite, EDF… s’est commandée deux EPR à elle-même, pour les construire en Angleterre. Cela confirme qu’aucun client digne de ce nom ne veut acheter des EPR.
Il faut par ailleurs rappeler que, dès 2007, toujours avec l’argent des Français, Mme Lauvergeon avait fait racheter à grands frais par Areva l’entreprise Uramin, propriétaire de mines d’uranium… inexploitables. Les milliards ainsi évaporés devaient servir à « décider » des dirigeants d’Afrique du Sud à acheter des EPR… ce qui ne s’est jamais produit. En revanche, les milliards ont bel et bien disparu.
Anne Lauvergeon a été mise en examen dans cette affaire dès mai 2016 : cela va donc bientôt faire 7 ans et la dame, loin d’être jugée et incarcérée comme elle le mérite, parade dans divers médias où elle peut faire la promotion du nucléaire sans recevoir la moindre contradiction. L’affaire Uramin serait-elle enterrée ? Ou bien « Atomic Anne » comparaitra-t-elle à 91 ans comme M. Balladur dans l’affaire de Karashi ? On notera d’ailleurs que le bien nommé M. Fric (véridique !), accessoirement mari de Mme Lauvergeon, a gagné beaucoup d’argent au passage dans l’affaire Uramin et a été aussi mis en examen en 2016. Lui aussi court toujours impunément…
Concernant les méthodes d’Areva, rappelons aussi qu’elles ne tiennent pas toutes à Anne Lauvergeon. Pour mémoire, après avoir révélé des manœuvres relevant de la corruption au Niger de la part d’Areva, nous avons été attaqués en justice par le successeur d’Atomic Anne, Luc Oursel (joué dans le film par Yvan Attal), procès que nous avons remporté haut la main.
Depuis, Luc Oursel est décédé et Areva a été démantelée… mais la vérité reste toujours à faire concernant ces affaires de corruption sur fond de délitement de l’industrie nucléaire française.
http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?article398
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