Posté leAuteuradmin
Le 10 novembre 2022, saisi d’une question prioritaire de constitutionalité introduite par trois femmes avec l’appui, en qualité d’intervenante, de l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et cérébro-lésés, le Conseil constitutionnel a rendu une décision par laquelle il a déclaré conforme à la Constitution du 4 octobre 1958 les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 1111-11 du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
Ce texte donne aux médecins la possibilité d’écarter les directives anticipées d’un malade « […] en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. »
Selon le Conseil constitutionnel, sur ce point, la loi dite Claeys-Léonetti de 2016 ne remet pas en cause les « droits inaliénables et sacrés » des individus, protégés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 repris par celle de 1958, ni la « liberté personnelle » garantie par les articles1, 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. Conformément à l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, le législateur a donc rempli correctement son office en édictant ces dispositions qui permettent aux médecins de déroger aux directives anticipées du malade, et ce pour trois raisons.
D’une part, le Conseil constitutionnel considère que ces directives ne sauraient « […] s’imposer en toutes circonstances, dès lors qu’elles sont rédigées à un moment où la personne ne se trouve pas encore confrontée à la situation particulière de fin de vie dans laquelle elle ne sera plus en mesure d’exprimer sa volonté en raison de la gravité de son état. Ce faisant, il a entendu garantir le droit de toute personne à recevoir les soins les plus appropriés à son état et assurer la sauvegarde de la dignité des personnes en fin de vie. » En quelque sorte les directives anticipées ne servent pas à grand-chose dans les situations critiques.
D’autre part, il estime que la procédure collégiale préalable à la décision du praticien d’ignorer la volonté du patient constitue une garantie suffisante dès lors que cette formalité substantielle est portée à la connaissance de la personne de confiance et mentionnée dans le dossier médical. Enfin, il constate que « la décision du médecin est soumise, le cas échéant, au contrôle du juge. »
En l’espèce, le Conseil constitutionnel n’a pas fait œuvre d’une grande audace dans son interprétation des textes et principes fondamentaux auxquels le législateur doit obéir lorsqu’il élabore la loi, mais il ne les a pas non plus dénaturés. Le problème n’est pas tant celui de sa position que celui de la loi Claeys-Léonetti qui prive, en réalité, le malade en fin de vie du pouvoir ultime de décider de son destin. En dernier ressort, même lorsque les directives anticipées ne sont pas écartées, « la sédation profonde et continue jusqu’au décès » est administrée si les médecins y consentent, au prix parfois de longues agonies inhumaines.
Par conséquent, il devient urgent que le législateur français, à l’image des parlements de nombreux pays étrangers, adopte une loi ouvrant à chacune et à chacun, le cas échéant par l’intermédiaire d’une personne de confiance, le droit à une aide médicale à mourir et/ou au suicide assisté en cas de souffrances physiques et/ou psychiques intolérables, de maladies neuro-dégénératives incurables ou d’états de coma irréversible.
C’est la seule solution conforme à la liberté absolue de conscience que le Conseil constitutionnel a érigée, par une décision du 23 novembre 1977, comme principe fondamental reconnu par les lois de la République, en l’espèce celle du 9 décembre 1905 concernant la Séparation des Églises et de l’État.
Aux côtés de l’Association
pour le droit de Mourir dans la Dignité (ADMD)
La Libre Pensée revendique
Le Droit à une Aide Médicale à Mourir
Paris, le 1er décembre 2023
Catégories défense des libertés
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