Corruption, Moyen Orient, Sport
L’État esclavagiste veut affirmer sa puissance en recrutant des influenceurs
Comme toutes les grandes compétitions sportives internationales, le mondial 2022 qui aura lieu au Qatar a moins d’enjeux sportifs que diplomatiques. Des JO de Munich en 1936 à la Coupe du Monde de foot 2014 au Brésil, ces événements internationaux sont l’occasion, pour les pays organisateurs, de démontrer leur puissance. Puissance organisationnelle (être en capacité de construire des stades, y compris au prix des milliers de vies de travailleurs étrangers esclavagisés), puissance répressive (gérer les flux de personnes et annihiler toute forme de contestation, sur le terrain comme dans les tribunes) et puissance publicitaire (propager une image du régime contrôlée et validée par lui-même).
Pour ce dernier point, le Qatar tente de soigner son image à grands coups de pétro-dollars, en achetant les services d’influenceurs dans l’ensemble des pays participant à la compétition. En effet, le pire qu’il puisse arriver au pays organisateur, ce n’est pas la critique de quelques associations humanitaires ou écologistes, mais le flop. Qu’il n’y ait pas d’ambiance, que les stades soient vides, qu’on ne parle pas de la coupe. Alors pour s’assurer une ambiance, le régime invite à la pelle des personnes pour remplir (et faire remplir) les stades. Plus d’un millier de supporters sont invités, tous frais payés, à assister aux matches de leur équipe nationale. Une offre “all inclusive”, c’est-à-dire billet d’avion, hébergement ou encore tickets pour les matches de football. Des personnes d’influence, triées sur le volet, pas pour leurs mérites sportifs ni pour les récompenser de quoi que ce soit, mais sélectionnées pour leur capacité à communiquer sur les réseaux sociaux. De la même manière que les Émirats Arabes Unis sponsorisent des stars d’Instagram pour promouvoir le mode de vie dans la ville de Dubaï, vitrine du capitalisme fou. On appelle cela le soft power.
Évidemment ces “Fans leaders” ne devront pas mordre la main qui les nourrit, l’opération marketing ne concerne que les influenceurs les plus serviles : nous n’avons pas reçu d’invitation, le risque de laisser traîner des autocollants dans les stades était sûrement trop grand. Utiliser des personnes d’influence pour dicter la communication d’un régime n’est pas une technique nouvelle, mais le Qatar excelle dans cette discipline.
Le riche régime n’hésite pas à acheter des personnalités publiques, au premier rang desquelles l’ancien champion du monde Zinédine Zidane. Il avait été missionné par le pouvoir qatari en tant qu’ambassadeur de la candidature du pays, qui l’avait emporté après de vives polémiques. Il avouait lui-même, dans un entretien au journal L’Équipe, avoir touché “beaucoup d’argent” : suffisamment en tout cas pour qu’il y ait de forts soupçons de corruption. Zizou a achevé sa mission de représentation et déclarait hier au micro de RMC que, désormais, “il faut laisser la place au foot et à la compétition pour que tous les passionnés passent un bon moment.” La version sportive du “circulez y’a rien à voir”, alors qu’il est désormais avéré que le Qatar a versé des pots-de-vin à la FIFA pour obtenir la prestigieuse compétition, pour un événement parfaitement absurde puisqu’il a fallu le décaler en hiver et climatiser les stades.
Autre influenceur en faveur du Qatar : l’ancien président français Nicolas Sarkozy, multi-condamné, qui vient de défendre le mondial 2022 en déclarant “Le football n’appartient pas qu’aux Occidentaux”. Pour cause, Sarkozy avait été rémunéré 100.000 $ pour une conférence au Qatar en 2014. Corruption à tous les étages.
Heureusement, personne n’est dupe : le mondial continue à être vivement critiqué, tant pour l’entreprise écocidaire qu’il représente que pour la mort de milliers de personnes sur les chantiers des stades ou, plus généralement, pour la politique féodale mise en place par le régime qatari. Si de nombreuses villes ont d’ores et déjà annoncé boycotter le mondial en n’installant pas d’écran géant pour suivre les matches, cette réaction minimale est très insuffisante et relève d’une posture de principe de la part de mairies (souvent social-démocrates) qui ne souhaitent se fâcher avec personne. Se fâcher est au contraire le minimum requis contre un État qui bafoue les droits humains aussi facilement qu’il détruit l’environnement : il faut que la révolte gronde contre le mondial, par des actions de dénonciation mais aussi en boycottant toutes les personnes qui se vendent pour alimenter le marketing du Qatar. Contre ce monde du faux généralisé, où même les supporters sont achetés au service de régimes mortifères, contre un monde où tout est en toc et marchandable, pour un foot populaire, libéré du fric, du Qatar et de ses influenceurs.
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